Commons Josaphat : le bien commun comme processus

Photo : Paula Bouffioux

Cela fait deux ans envi­ron qu’un petit groupe de 3 – 4 per­sonnes a com­men­cé à pro­duire une réflexion sur le sens contem­po­rain de la notion de bien com­mun, en pre­nant part et en orga­ni­sant des ren­contres sur divers sujets : l’eau, l’air, la ville mais aus­si les logi­ciels libres, le sol, les formes de coha­bi­ta­tion. Par rap­port aux défis que la ville de Bruxelles doit affron­ter aujourd’hui, le concept de droit à la ville et le pro­ces­sus de co-pro­duc­tion de la ville – la ville en tant que bien com­mun où s’ex­pé­ri­mentent nou­velles formes de coha­bi­ta­tion, de ges­tion de l’en­vi­ron­ne­ment, d’ex­pres­sion poli­tique – ont com­men­cé à s’imposer à l’attention de ce groupe gran­dis­sant d’acteurs de l’urbain, de mili­tants et de pen­seurs. Celui-ci s’est encore ren­for­cé avec l’introduction du cas concret de la Zone d’intérêt régio­nal (ZIR) Josa­phat, comme espace qui nous don­nait la pos­si­bi­li­té de concré­ti­ser nos dis­cus­sions et autres acti­vi­tés autour d’un espace appar­te­nant à tous mais mena­cé par les enjeux spé­cu­la­tifs liés à son positionnement.

La ZIR Josa­phat, d’une éten­due de 24 hec­tares, est une friche qui appar­tient à la SAF(Société d’acquisition fon­cière) donc à la Région de Bruxelles-Capi­tale et à ses citoyens. De par sa posi­tion stra­té­gique, elle a été l’objet de plu­sieurs pro­po­si­tions de pro­jets et enquêtes, et pré­sente un grand inté­rêt spé­cu­la­tif au tra­vers des pro­ces­sus de pri­va­ti­sa­tion domi­nants. En attente depuis des années d’une mise en œuvre par sché­ma direc­teur et PPAS (Plan par­ti­cu­lier d’affectation du sol), il y a fort à parier que le déve­lop­pe­ment immo­bi­lier de ce fon­cier emprun­te­ra les sen­tiers bat­tus : une concep­tion en chambre (en cours actuel­le­ment), puis une vente au plus offrant, avec dans le meilleur des cas quelques conces­sions au voi­si­nage, un taux de loge­ments sociaux pour la bonne conscience, des taux mini­maux d’emplois à l’hec­tare pour les acti­vi­tés éco­no­miques, le tout sans ambi­tion autre que de répondre à ces besoins chif­frés de la Région.

Ce quar­tier peut et doit être ima­gi­né et déve­lop­pé sur base d’une ambi­tion bien plus pro­fonde du bien-être de la ville. C’est dans cette pers­pec­tive que le col­lec­tif Com­mons Josa­phat a com­men­cé à arti­cu­ler ses acti­vi­tés et ses ren­contres. Afin de pou­voir don­ner un espace d’ex­pres­sion aux dif­fé­rentes formes d’ac­ti­vi­tés liées au site – occu­pa­tions tem­po­raires, tra­vail avec les habi­tants, pro­jets du site pour le long terme, recherche et conti­nua­tion de la réflexion sur le sujet de biens com­muns – dif­fé­rents groupes de tra­vail se sont consti­tués et ont évo­lué, se regrou­pant ou dis­pa­rais­sant selon les inté­rêts et les forces à dis­po­si­tion. Même si l’on peut iden­ti­fier un noyau de per­sonnes qui suit les acti­vi­tés depuis le début, le col­lec­tif est donc très ouvert, mul­ti­forme, et fonc­tionne par ren­contres fré­quentes, ce qui demande pas mal de dis­po­ni­bi­li­té et d’éner­gie. Aux ren­contres plus opé­ra­tion­nelles, orien­tées par un objec­tif spé­ci­fique, s’a­joutent les Assem­blées géné­rales qui s’ouvrent au plus grand public et nou­veaux par­ti­ci­pants poten­tiels, en expli­quant ce que le col­lec­tif est en train de faire et en réflé­chis­sant col­lec­ti­ve­ment sur sa marche à suivre.

La der­nière évo­lu­tion majeure de Com­mons Josa­phat – celle qui absorbe actuel­le­ment une bonne par­tie des éner­gies – a été le lan­ce­ment d’un appel à idées pour le futur du site le 24 avril 2014. Tou­jours en cours, l’ap­pel est inter­na­tio­nal, conti­nu et uni­ver­sel, ouvert à tout un cha­cun comme exer­cice évo­lu­tif d’intelligence col­lec­tive. L’ob­jec­tif est de favo­ri­ser l’é­mer­gence de concepts, visions, stra­té­gies, pro­to­types qui concré­tisent le concept de bien com­mun dans le pro­ces­sus de pro­duc­tion de la ville. La com­plexi­té et le niveau de déve­lop­pe­ment des idées éla­bo­rées devraient nous mettre dans la posi­tion de pro­po­ser une approche alter­na­tive de mise en œuvre du site et de son pro­jet, une approche capable d’en­trer en dia­logue avec le sché­ma éla­bo­ré par la Région.

Comme l’é­vo­lu­tion de notre col­lec­tif est en train de le mon­trer, le « com­mun » des biens com­muns se construit avant tout par un pro­ces­sus conti­nu de redé­fi­ni­tion de l’ob­jet autant que de la com­mu­nau­té qui le consti­tue. Le « com­mun » ne sera donc pas seule­ment (loin s’en faut !) les méthodes et formes qui émer­ge­ront comme pro­jet pour Josa­phat, il se crée déjà aujourd’­hui par la pro­li­fé­ra­tion des actions, des ren­contres, des dis­cus­sions, des ima­gi­naires qui de plus en plus gran­dissent, se com­plexi­fient, abordent des aspects dif­fé­rents dans la ville, et impliquent de plus en plus de « com­mo­ners » ou de com­mu­nau­tés inté­res­sées, à Bruxelles ou ailleurs. Construire et gérer les biens com­muns, c’est un mou­ve­ment et un pro­ces­sus poli­tique qui outre­passent fina­le­ment toute notion de participation.

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