Alex Agnew

« L’humour est devenu un jeu d’équilibriste »

Photo : Tim Tronckoe

Alexan­der John Antho­ny, mieux connu sous le nom d’Alex Agnew, est humo­riste et voca­liste du groupe de Metal Dia­blo Blvd. Avec sa plume trem­pée dans le vitriol, l’Anversois ren­contre un suc­cès impor­tant dans le Nord du pays. Son cre­do : cha­touiller les fron­tières du poli­ti­que­ment cor­rect afin de sus­ci­ter la réflexion. Rencontre.

Le ren­dez-vous est don­né dans un petit café de Ber­chem, dans la ban­lieue anver­soise. Avec un peu de retard par rap­port à l’heure pré­vue, Alex Agnew débarque dans le bis­trot, per­fec­to sur le dos. Avec son back­ground nour­ri de culture comics, de Hea­vy Metal et de stand-up come­dy shows anglais et amé­ri­cains, l’humoriste est connu pour ses sketchs grin­çants, n’hésitant pas à sur­jouer des sté­réo­types ambiants. Arabes, noirs, musul­mans, catho­liques, toutes et tous passent par le prisme défor­mant des cli­chés à la sauce humour noir. Mais peut-on donc vrai­ment rire de tout ? « Je pense qu’on peut le faire, mais uni­que­ment si la blague est bonne, c’est-à-dire seule­ment si elle a été assez réflé­chie. Je ne veux pas cho­quer les gens par plai­sir, mais uni­que­ment les pous­ser à la réflexion », explique le comé­dien.

Un tem­pé­ra­ment de franc tireur, se met­tant à crier dès qu’on lui dit de se taire, mais qui lui vau­dra quelques attaques, notam­ment de la part d’associations juives, le taxant d’antisémite. Des accu­sa­tions dont s’est tou­jours défen­du l’humoriste. « Si tu retires une phrase de son contexte, tu peux tou­jours faire dire n’importe quoi. On m’a trai­té d’antisémite, car dans une inter­view pour P‑Magazine, dans une rubrique expres­sé­ment saty­rique, j’avais dit à pro­pos de l’holocauste que je trou­vais ça stu­pide qu’aujourd’hui, des gens qui n’étaient pas encore nés à l’époque s’excusent tou­jours auprès d’autres per­sonnes qui, elles aus­si, n’étaient pas encore nées. », explique-t-il, avant de pour­suivre : « Ce qui n’enlève en rien que l’holocauste est sûre­ment le pire mas­sacre qu’ait connue l’humanité. »

Car peu importe les sujets abor­dés, l’humoriste affirme que ce sont ceux liés à la reli­gion qui fâchent sou­vent le plus et qui, donc, méritent d’être le plus décons­truits. « Je ne consi­dère pas les gens qui pra­tiquent une reli­gion comme stu­pides. Ma phi­lo­so­phie est plu­tôt de dire : crois en qui tu veux, mais ne force per­sonne à le faire ! », dit-il. Car ce qu’Alex Agnew entend dénon­cer, c’est la mani­pu­la­tion qui est faite des reli­gions. « Lorsque j’écrivais mon der­nier show, les atten­tats venaient d’avoir lieu à Zaven­tem. J’ai donc déci­dé d’attaquer de front l’Etat Isla­mique et les dérives engen­drées par ces fon­da­men­ta­listes. Beau­coup de jour­na­listes m’ont ensuite deman­dé si je n’avais pas peur de me faire tuer. Mais vu ce qu’ont fait ces dégé­né­rés, je pense que la moindre des choses que je pou­vais faire était de leur dire que ce n’est qu’une bande de trous du cul. Parce que ces gens n’ont rien à voir avec la grande majo­ri­té des musul­mans. Mais aus­si, quand j’affirme par pro­vo­ca­tion face à un public 20.000 per­sonnes que, ce qui ne va pas actuel­le­ment dans notre socié­té, ce sont les musul­mans et que je vois que la moi­tié de la salle exulte, il en va de ma res­pon­sa­bi­li­té de leur faire remar­quer que ce n’est aus­si qu’une bande de cons ».

Après un break de quatre ans où il s’est consa­cré à la musique, Alex Agnew est reve­nu sur les planches depuis l’année pas­sée. Il constate que, pen­dant son absence, la socié­té a chan­gé. « Avoir de l’humour, par­ti­cu­liè­re­ment aujourd’hui où tout le monde doit faire atten­tion à ce qu’il dit, c’est quelque chose de dif­fi­cile. C’est deve­nu un jeu d’équilibriste ». D’autant plus que même si on lui demande de plus en plus son avis, l’humoriste prend soin de ne pas appa­raître tel un prê­cheur de bonne parole. Cer­tains par­tis poli­tiques sont même venus toquer à sa porte, afin de l’inviter à se pré­sen­ter sur les listes élec­to­rales. Des avances tou­jours res­tées lettre morte : « Je ne serais de toute façon pas meilleur que quelqu’un d’autre. Je me connais bien, ce n’est pas néces­saire de me don­ner du pou­voir, cela me ren­drait pire. Je com­men­ce­rais à en abu­ser, à peu de choses près, comme n’importe qui » dit-il, avant prendre une pause et de pour­suivre : « Je ne dirai jamais que je suis de gauche ou de droite. Rejoindre un par­ti poli­tique, ce serait la pire chose que je pour­rais faire, car je devrais tout de suite arrê­ter d’être comé­dien, ce que je dirais sur scène serait en effet d’office pris au pied de la lettre. Et… avec mes sketchs, les gens se diraient : et merde, il pen­sait vrai­ment ce qu’il disait sur scène depuis toutes ces années. »

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