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Avec les gestes, avec les gens

Babou Sanchez

Photo : Hélène Fraigneux

Bruxel­loise d’adoption depuis 10 ans, Babou San­chez, 32 ans, a gran­di à Nan­cy en France où elle s’est for­mée aux arts du cirque et à la fon­de­rie. Théâtre, vidéo, des­sin, écri­ture… cette artiste touche-à-tout est ani­mée d’une grande curio­si­té et d’un fort appé­tit pour trans­mettre et aider. Elle conçoit et monte des spec­tacles qui essayent de tou­cher des ques­tions socié­tales ou géo­po­li­tiques (la guerre, la soli­tude…) Barou­deuse, elle a aidé à l’installation d’écoles de cirque à Naplouse en Cis­jor­da­nie et à Gaza. Elle donne des cours à des adultes pri­mo-arri­vants à Bruxelles. Retour sur son par­cours et ses envies qui mêlent scène et pédagogique.

Com­ment êtes-vous deve­nue artiste ?

Mal­gré moi ! J’ai com­men­cé à faire du cirque à 13 ou 14 ans dans mon coin, de manière auto­nome. J’ai vu un copain à l’école jon­gler, et je me suis dit : « je veux faire ça ! » Je suis ren­trée chez moi, j’ai mis des chaus­settes en boule, et je m’y suis mise… Et au bout de trois jours, je savais jon­gler. J’ai ensuite pris des cours dans une école de cirque. J’allais à l’école nor­male de 8 h à 18 h et puis je m’entrainais de 18 h à minuit.

J’étais des­ti­née à un métier dans l’industriel, en fon­de­rie. Mais ça ne me conve­nait pas vrai­ment. Déjà, dans cette filière, je cher­chais le che­min artis­tique : mes pro­jets d’études tou­chaient à la fon­de­rie d’art, à la sculp­ture. J’ai pas­sé un BTS (Bre­vet de Tech­ni­cien Supé­rieur en France) pour ras­su­rer ma mère. Mais avant de conti­nuer plus loin dans une école d’ingénieur, j’avais besoin d’essayer plus à fond la carte artis­tique. Je devais venir un an à Bruxelles faire une for­ma­tion aux arts du cirque et de la scène à l’Espace Catas­trophe, et après ça retour­ner en France faire les études d’ingénieur pré­vues. Sauf qu’à la fin de l’année à Catas­trophe, je me suis ren­du compte que c’était de la scène que je vou­lais faire. J’ai fait l’école de théâtre LASSAAD et je me suis enga­gée sur ce che­min-là. Ce qui n’était pas évident, car je suis issue d’une famille très pauvre et d’un milieu social très bas. Ma mère est femme de ménage, elle a tou­jours tra­vaillé de nuit. Ça n’a pas été évident pour elle d’accepter que je refuse de deve­nir ingé­nieure, qui socia­le­ment « fait bien », pour aller faire du cirque et du théâtre en Bel­gique. J’ai dû batailler pour faire accep­ter ce choix. Comme toute per­sonne de ce milieu-là, elle espé­rait que j’aie un métier qui paye tous les mois, de manière sûre.

Voilà pour votre rencontre avec le cirque et avec la Belgique. L’autre rencontre, c’est avec la Palestine. Comment est-ce arrivé ?

Encore plus par hasard ! En 2007, je suis sor­ti de LASSAAD, alors que j’avais ini­tia­le­ment pré­vu d’y faire une année en plus. Alors que je me deman­dais quel pro­jet démar­rer, un copain – encore une his­toire de copain ! — qui reve­nait de Ramal­lah où il avait par­ti­ci­pé au pro­jet d’École de cirque pales­ti­nienne de Sha­di Smor­rod et Jes­si­ca Dev­lie­ghere, m’a appe­lé et m’a dit : « Babou, je reviens de Pales­tine, tu dois aller abso­lu­ment don­ner des cours de cirque là-bas ! ». On est allés ensemble à une confé­rence de Sha­di et Jes­si­ca, au Kaai Thea­ter où ils expli­quaient la situa­tion en Pales­tine. Même si je ne connais­sais pas grand-chose au conflit israé­lo-pales­ti­nien à l’époque, j’ai tou­jours été hyper-sen­sible à l’injustice et là, ça débor­dait d’injustice et ça a fait écho en moi. Ils ont alors invi­té les per­sonnes qui étaient profs de cirque à se rendre en Pales­tine. Or, j’avais cet outil cirque et j’avais du temps… je décide donc de par­tir ! Tota­le­ment tête bais­sée d’ailleurs !

Je pars donc mener un pro­jet à Naplouse, au nord de la Cis­jor­da­nie. Et là, je me suis vrai­ment pris le conflit, en pleine face la culture musul­mane, les camps de réfu­giés. J’ai pas­sé un mois à Naplouse, ville contrô­lée à l’époque par le Hamas et qu’on appe­lait le « petit Gaza ». Tous les soirs, c’était couvre-feu à 22 h. Ça bataillait dans les rues. On enten­dait les tirs, les bombes. Et il y avait aus­si les check­points : tous les mer­cre­dis on allait don­ner un cours à Jéru­sa­lem. Naplouse — Jéru­sa­lem c’est 60 km, mais on met­tait 5 h à cause des check­points. Je me suis pris tout ça dans la tête, ça a été très violent. Quand je suis ren­trée ici, j’ai com­men­cé à ouvrir des bou­quins sur la ques­tion et à m’informer. Je suis repar­tie un an plus tard avec une pro­po­si­tion péda­go­gique pour l’école à Naplouse, c’est là que je suis tom­bée dans « l’engrenage pales­ti­nien ». J’ai été trois fois en Cis­jor­da­nie et ensuite, on a fait le pro­jet à Gaza.

Il s’agissait alors de participer à la construction d’une école de cirque en Cisjordanie…

À Naplouse, l’idée c’était de don­ner vrai­ment les outils aux Pales­ti­niens pour arri­ver à des pro­jets de cirques auto­nomes. L’école s’appelle Assirk Assa­ghir (le petit cirque) et c’est aujourd’hui une école auto­nome, avec ses profs, son bâti­ment, son maté­riel. C’est la même chose que l’on a pro­po­sée à Gaza. Ce qu’on veut, c’est se mettre à dis­po­si­tion de per­sonnes qui vou­draient mon­ter ce type de pro­jet, mais on n’impose rien.

Si la situation en Cisjordanie est déjà très difficile, à Gaza elle est encore pire. Comment est-ce d’intervenir culturellement là-bas ?

Notre point de départ, c’est tou­jours une indi­gna­tion. Aller à Gaza, c’est refu­ser le blo­cus. Quand on y est allés la pre­mière fois avec Phi­lippe Michel de l’association fran­çaise Une toile contre un mur, c’était en février 2011, soit à peine deux ans après les gros bom­bar­de­ments de 2008 – 2009. C’était aus­si pour aller se rendre compte par nous-mêmes de ce qui se pas­sait là-bas, et de le rapporter.

On y a ren­con­tré des asso­cia­tions qui mènent des pro­jets socio­cul­tu­rels avec des enfants. On avait face à nous une dizaine de jeunes adultes entre 18 et 23 ans. On leur a expli­qué le pro­jet et un stage rac­cour­ci à quatre jours parce qu’on avait déjà mis six jours pour entrer. On leur a dit qu’on avait du maté­riel, qu’on leur pro­po­sait une for­ma­tion, et qu’on vou­lait accom­pa­gner cette créa­tion. Leur réac­tion a été désar­çon­nante : ce qu’ils vou­laient, eux, c’était un pro­jet à long terme et pas juste une visite express « pour satis­faire votre égo d’Européens » comme ils nous disaient. Si on s’engageait avec eux aujourd’hui, il fal­lait s’engager jusqu’au bout, et leur per­mettre de deve­nir profs de cirque à la fin. C’était génial d’avoir face à nous cette exi­gence. On s’est donc enga­gé à long terme et on est reve­nu trois fois en un an. La troi­sième fois, on a même dû prendre les tun­nels entre l’Égypte et Gaza pour pou­voir entrer, ce qui a d’ailleurs fini de prou­ver notre enga­ge­ment à leurs yeux.

Dans Gaza sous blo­cus, il n’y avait qua­si­ment pas de cirque quand on est arri­vés. Mais ils ont pro­gres­sé de manière très impres­sion­nante. En fait, entre cha­cune de nos venues, ils allaient regar­der des tuto­riaux sur inter­net et ils s’entrainaient dur. Ils ont aus­si rapi­de­ment déve­lop­pé des cours et des stages. Et à l’heure actuelle, deux écoles existent.

Parallèlement à ces projets d’école du cirque en Palestine, vous concevez et jouez des spectacles de théâtre d’objet. Pourquoi avoir choisi cette forme de théâtre où les objets ne sont plus des accessoires du comédien mais, manipulés par lui, ont leur vie propres et constituent des personnages ?

Après l’école de cirque et l’école de théâtre, j’ai dû trou­ver mon che­min vers la scène. J’ai d’abord fait un spec­tacle pour enfants et puis quelques pro­jets bur­lesques et clow­nesques, mélan­geant le rythme, le mou­ve­ment et la danse. Mais il y avait des sujets de fond qui me tra­vaillaient depuis un moment. Et il m’a fal­lu beau­coup de temps pour trou­ver com­ment concré­ti­ser sur scène ces envies d’expression. J’ai donc créé en 2011 la com­pa­gnie J’ai mon Toi qui perce avec San­drine Schen­kel. Notre pre­mier spec­tacle s’appelait Dedans c’est pas dehors. Il trai­tait de la soli­tude en ville, la soli­tude de deux femmes en ville. Cela peut être Bruxelles, Paris, ou Le Caire, bref une grosse ville. Ça parle du fait qu’on est beau­coup, qu’on se croise sou­vent mais qu’en même temps on peut cre­ver de soli­tude. Et ça donne des pistes pour y faire face.

Et puis il y a Break­fast, que je joue actuel­le­ment qui traite de l’absurdité de la guerre. Une petite dame prend son petit-déjeu­ner et ses mains vont prendre vie, vont se faire la guerre et elle va subir la guerre. Je vou­lais tra­vailler avec une méta­phore. Pour moi, les mains repré­sentent des gou­ver­ne­ments, des par­tis poli­tiques, deux enti­tés qui se placent au-des­sus du peuple et décident de se faire la guerre. La petite dame repré­sente le peuple et alors que nos gou­ver­ne­ments devraient être à notre ser­vice, ils oublient le peuple, et ils vont régler des affaires per­son­nelles. Je vais conti­nuer à explo­rer la thé­ma­tique de la guerre puisque je pré­pare une pro­chaine créa­tion sur l’hypocrisie de la guerre, sur les dif­fé­rences entre les rai­sons offi­cielles et les rai­sons offi­cieuses des conflits.

Pourquoi faire des spectacles muets ? C’est dans l’optique d’être universel ?

Le muet, c’est parce que j’aime le fait d’enlever la voix, cette voix de paroles, et de devoir trou­ver les gestes et les mou­ve­ments pour m’exprimer. J’ai l’impression qu’on peut aller plus loin, au-delà de l’évidence. J’ai envie d’aller cher­cher les gens sur l’émotion, pas sur le dis­cours. Car j’ai l’impression que le dis­cours on l’a tout le temps. J’ai vrai­ment envie d’aller inter­pel­ler quelque chose à l’intérieur, et pour moi, il faut que ça se fasse sans paroles. Je pré­fère lais­ser les gens mettre leurs propres paroles, leurs mots, leurs inter­pré­ta­tions. Et puis la ges­tuelle que j’utilise est une recherche de mou­ve­ments uni­ver­sels, afin de ne pas être dans le mime expli­ca­tif, qui pour­rait être très proche d’une parole dic­tée, mais d’être plu­tôt dans un mou­ve­ment expressif.

Vous avez déjà joué Breakfast en Palestine ?

Non, mais par contre, je l’ai joué récem­ment devant un public de per­sonnes ayant vécu des guerres, des Syriens, des Afghans, des Pales­ti­niens, des Ira­kiens. C’était la pre­mière fois que je le jouais devant autant de per­sonnes qui ont connu la réa­li­té dont je parle. J’avais assez peur d’ailleurs, parce que ce spec­tacle je l’ai fait pour les Euro­péens qui connaissent la guerre de loin. Peur de com­ment ils allaient le prendre, qu’ils n’aient pas for­cé­ment envie d’entendre par­ler de ça. En fait, ils m’ont remer­cié, ça les a tou­chés. Ils m’ont dit que c’était juste, que je fai­sais écho d’un sen­ti­ment juste… ça m’a don­né de la légi­ti­mi­té par rap­port à ce dont je parle.

Vous avez aussi mis en place, avec d’autres, un projet multimédia qui s’appelait Virtualestine. Comment les nouveaux médias peuvent aussi être un outil militant ou politique ?

Vir­tua­les­tine est une ins­tal­la­tion qu’on a pro­po­sée au Fes­ti­val Masa­rat en 2008. On avait recréé un petit salon avec un fau­teuil, une table basse et une télé. On vou­lait que la per­sonne s’asseye devant la télé. Devant elle, une infor­ma­tion stan­dar­di­sée passe avec quelqu’un qui parle en grom­me­lot. On aurait com­pris, à tra­vers ce cha­ra­bia, qu’on nous don­nait une info qu’on n’écoute plus, de type : « aujourd’hui, il y a eu X morts à tel endroit, bla, bla, bla ». Dans le fau­teuil, on avait inté­gré un haut-par­leur caché qui disait : « mais t’en as pas marre de ces infos, t’as pas envie de savoir ce qu’il se passe vrai­ment ? ». On invi­tait la per­sonne à réagir en tapant du poing sur la table basse devant elle. Grâce à un cap­teur, quand elle arri­vait à une cer­taine force, ça fai­sait bas­cu­ler la vidéo : on quit­tait cette infor­ma­tion et on allait sur des vidéos, qui mélan­geaient films et des­sins d’animation et qui expli­quaient la situa­tion en Pales­tine. On par­lait du mur, de l’occupation, des check­points, de la pré­sence mili­taire, et du poids psy­cho­lo­gique pour les enfants que cela peut engendrer.

Vous avez exploré d’autres médias ?

Je suis en train de beau­coup déve­lop­per le des­sin ces der­niers temps. Ça fait un peu plus d’un an que j’essaye de réagir à l’actualité avec des des­sins de presse, des des­sins sar­cas­tiques. Je suis tou­jours en recherche du bon média à uti­li­ser, par rap­port à ce qu’il faut com­mu­ni­quer et en fonc­tion des pro­jets. Par exemple, je me heurte à la dif­fi­cul­té de dif­fu­ser mes spec­tacles, notam­ment parce que je suis toute seule et que je n’ai pas com­pris tous les méca­nismes de la dif­fu­sion. Or, je res­sens par­fois une urgence de com­mu­ni­quer ou d’ouvrir des débats. Du coup, je suis en train de me deman­der si le pro­chain spec­tacle, ça ne serait pas plu­tôt une vidéo dif­fu­sée sur internet.
Break­fast, je le joue actuel­le­ment dans des jar­dins, chez des pri­vés. On est de 15 ou 20 per­sonnes et après le spec­tacle, on fait un repas et on dis­cute. En fait, il y a énor­mé­ment de choses inté­res­santes qui se passent à ce moment-là. Ça pré­sente l’avantage de per­mettre les ren­contres alors que dans les fes­ti­vals, les gens partent direc­te­ment après et la conver­sa­tion ne se fait pas.

Comment envisagez-vous la culture à travers vos spectacles et les autres formes que d’expression que vous êtes en train de développer ?

Quand on me demande « pour­quoi aller faire du cirque à Gaza ? », je rap­pelle tou­jours que l’ONG ATD Quart Monde a pla­cé la culture au même niveau que boire et man­ger, parce que c’est un besoin humain fon­da­men­tal. C’est vrai­ment un point de vue que je par­tage. La culture, c’est ce qui nous per­met de prendre du recul, de s’extraire du quo­ti­dien et des mes­sages poli­tiques. C’est par l’exercice d’expression qu’on va com­men­cer à se poser des ques­tions. Si on demande à quelqu’un de s’exprimer par le des­sin, par la danse, par la vidéo, par la pho­to, il va devoir se posi­tion­ner, il va être for­cé de se poser des ques­tions sur ce qu’il se passe autour de lui. J’ai appe­lé mon asbl Alja­bal, ce qui veut dire « la mon­tagne » en arabe, une mon­tagne sur laquelle on peut mon­ter pour prendre du recul. La mon­tagne, c’est la culture.

Pour reve­nir à Gaza, c’était très impor­tant pour tout le monde de par­ti­ci­per à ce stage de cirque alors que cer­tains des sta­giaires vivaient des choses très dures comme devoir bos­ser dans les tun­nels la nuit, vivre dans des camps de réfu­giés ou subir des bom­bar­de­ments régu­liers. Durant les der­niers bom­bar­de­ments, en 2012, ils m’ont appe­lée. Pas pour dire qu’ils se fai­saient bom­bar­der et qu’ils avaient peur de mou­rir, mais pour savoir quand je pour­rai reve­nir faire du cirque avec eux…

Revendiquez-vous le fait d’être une artiste engagée ?

Oui. Et je le veux en fait. Mais il m’a fal­lu du temps. J’ai long­temps cher­ché com­ment ame­ner cet enga­ge­ment sur scène. J’avais beau­coup d’indignations, beau­coup de colère que j’avais besoin de rai­son­ner, de nour­rir au niveau intel­lec­tuel. Aujourd’hui, j’ai envie de pro­po­ser dans le débat des petites choses que j’ai com­prises et de poser d’autres ques­tions que celles qui nous sont imposées.

Qu’est-ce que vous pensez d’un outil comme BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanction) qui vise à réduire les échanges avec les organisations et entreprises israéliennes pour qu’elles fassent ensuite pression à leur tour sur le gouvernement pour abandonner la colonisation ?

À titre per­son­nel, je sou­tiens BDS et je fais atten­tion quand je vais au super­mar­ché. Après, au niveau poli­tique, je n’arrive pas à me rendre compte si ça peut vrai­ment faire pres­sion sur un État. Je ne mai­trise pas bien les enjeux de BDS mais je pense que ça peut per­mettre de conscien­ti­ser les gens. C’est déjà énorme. J’ai l’impression que le chan­ge­ment vien­dra d’une prise de conscience des peuples : ce sont les peuples pales­ti­nien et israé­lien qui ensemble doivent refu­ser ce conflit.

Mais, par exemple, est-ce que vous refuseriez de jouer vos spectacles en Israël, ou de participer à une école de cirque en Israël, dans le but de faire pression sur le gouvernement israélien ?

C’est une vraie ques­tion. En avril der­nier, je devais me rendre à Ramal­lah. J’ai été arrê­tée à l’aéroport de Tel-Aviv où j’ai été inter­ro­gée pen­dant six ou sept heures comme poten­tielle ter­ro­riste. Puis empri­son­née une nuit et ren­voyée en Bel­gique par le pre­mier avion au matin. Durant tout ce temps d’interrogatoire, j’ai été impres­sion­née par le fait que j’étais convain­cue du bien-fon­dé de ce que je fai­sais et de la jus­tesse de mon enga­ge­ment. Et qu’en face éga­le­ment, ils étaient convain­cus de la jus­tesse de leur tra­vail. Et j’ai pu res­sen­tir à un niveau vis­cé­ral la pro­pa­gande que subissent les Israé­liens et dont j’avais seule­ment conscience à un niveau intel­lec­tuel. Ça m’a inter­pel­lée très fort. Je suis reve­nue de ça en me disant que fina­le­ment ce n’était peut-être pas tant avec les Pales­ti­niens qu’il fal­lait tra­vailler, mais plu­tôt avec les Israé­liens… Je réflé­chis en ce moment à la ques­tion. Mais com­ment faire, sachant que je ne peux tout sim­ple­ment plus retour­ner en Israël ?

Est-ce qu’il y a un personnage vivant ou mort, réel ou fictif qui vous inspire ?

Oui, j’aime beau­coup Won­der Woman, dans une sym­bo­lique de femme super héros et parce qu’il y en a marre des Super­man ! Et peut-être, par rap­port à ce qui se passe main­te­nant, les atten­tats et l’ambiance guer­rière, je pense beau­coup en ce moment au livre Les iden­ti­tés meur­trières d’Amin Maa­louf. Il me semble qu’il contient pas mal de choses à se mettre en tête ces temps-ci pour avoir conscience de nos iden­ti­tés mul­tiples et faire plus de connexion les uns avec les autres.