Bert Kruismans

Rions ensemble

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Photo : André Delier

Bert Kruis­mans, humo­riste fla­mand qui vient d’Alost, vous ne connais­sez que lui ! Il est par­tout, sur les radios et chaines télé­vi­sées fla­mandes et plus récem­ment le ven­dre­di matin sur la Pre­mière dans « Café ser­ré » où il tient une chro­nique. Son spec­tacle « La Flandre pour les nuls » fait salle comble par­tout où il passe. Nous l’avons ren­con­tré à Elle­zelles le jeu­di 7 avril où il se produisait.

Connaissez-vous aussi bien le français que vous le mettez en scène ?

Et bien fran­che­ment, quand je suis sur scène, je com­mence à par­ler comme un Fla­mand et je parle un peu le fran­çais, mon fran­çais à moi. C’est ce per­son­nage que je joue sur scène. Si on vient en Wal­lo­nie avec ce spec­tacle qui s’appelle « La Flandre pour les Nuls », on est déjà assez dik­ke­nek comme on dit à Bruxelles, alors je dois jouer l’underdog comme on dit en anglais : un mec très simple avec des vête­ments comme ceux que je porte, un mec céli­ba­taire, un peu triste.

En général, les Flamands ont-ils le sens de l’autodérision, le sens du second degré ?

C’est un point que les Fla­mands et les Wal­lons ont en com­mun. Je joue aus­si aux Pays-Bas, et là c’est autre chose, et tout le monde le sait en France on parle encore d’autre chose. Je dis tou­jours, en France n’importe quelle ville ou quel vil­lage, des rues ou des places portent des noms comme : place de la Répu­blique, rue du Maré­chal, rue du Géné­ral de Gaulle, rue du Géné­ral Leclerc. Chez nous, en Flandre et en Wal­lo­nie, les lieux prin­ci­paux c’est soit la rue de l’Église ou la Grand Place, nous sommes très atta­chés à notre ville, notre vil­lage, nous ne sommes pas très natio­na­listes fina­le­ment. Nous pou­vons rire avec nous-mêmes, nous moquer de nous-mêmes. Mais les Wal­lons ont cette par­ti­cu­la­ri­té encore un petit peu plus que les Fla­mands. Les Wal­lons sont aus­si un tout petit peu plus absurdes dans leur humour, dans l’art. On connaît aus­si l’absurdité en Flandre mais avec une petite différence.

Nous pou­vons rire et nous moquer de nous-mêmes. Quant au second degré, je l’utilise mais avec une dif­fé­rence. Pour le moment, c’est le stand-up qui car­tonne en Flandre, les jeux de mots joués à la façon de Bru­no Cop­pens, ça n’y existe pas. Les Belges sont fort impres­sion­nés par quelqu’un qui mai­trise par­fai­te­ment sa langue. Je pense que c’est là l’explication, les Belges fran­co­phones ont peur de par­ler une autre langue que ce soit le néer­lan­dais ou l’anglais, qu’importe. Il y a des gens qui me disent : « Je vais faire des fautes, je vais pas­ser pour un con ».

Chez nous en Flandre, on n’est pas vrai­ment impres­sion­né par quelqu’un qui parle très bien sa langue. Alors, on ‘’tire son plan’’ comme on dit chez nous, on parle comme on peut le fran­çais ou l’anglais. Les Belges vont pas­ser leurs vacances en France parce que là-bas on parle fran­çais, per­son­nel­le­ment je vais n’importe où et puis on ver­ra bien. C’est parce que les Fla­mands n’ont pas ce res­pect pour la langue comme les Fran­çais. Comme je le dis sur scène, les Fla­mands (pas tous bien sûr) parlent moins bien le néer­lan­dais que les Belges fran­co­phones parlent leur fran­çais. Par­fois on exa­gère cela aus­si du côté fran­co­phone « les Fla­mands ne se com­prennent pas entre eux, ils parlent le fla­mand et pas le néer­lan­dais » ce qui n’est pas le cas évi­dem­ment. Aujourd’hui j’ai joué à Anvers à la fois pour un public hol­lan­dais et fla­mand, et bien sûr les hol­lan­dais me com­pre­naient par­fai­te­ment même s’il existe des différences.

Cela fait un petit moment que vous jouez le spectacle, vous avez commencé par le jouer en Flandre ou directement en Wallonie ?

La pre­mière fois que j’étais sur scène, il y a déjà trente ans, j’ai com­men­cé seul sur scène en Flandre en 1990. J’ai com­men­cé le stand-up avec d’autres gens en 1997, et seul sur scène en Flandre et aux Pays-Bas en 2002. J’ai com­men­cé à Tour­nai en fran­çais en 2008 dans la salle « la Fenêtre ».

C’est plutôt un spectacle qui détend les gens et rit de la situation telle qu’on la vit aujourd’hui.

Oui, ils ont besoin de rire ensemble, les néer­lan­do­phones et les fran­co­phones ensemble. Et c’est mar­rant, les gens s’amusent au même moment, avec les mêmes blagues sur l’actualité. Comme quoi on a quand même des choses en com­mun sinon on ne pour­rait par­ta­ger une sorte d’humour belge.

Quelles sont, selon vous, les différences marquantes de comportement, de pratiques culturelles entre les Flamands et les Wallons ?

Les Belges fran­co­phones sont cultu­rel­le­ment fixés sur la France, du point de vue de la culture popu­laire, les films, la télé. La Flandre n’a plus besoin de ça. Il y a 25 ans les télés hol­lan­daises étaient pré­sentes à 36 % et ça a com­plè­te­ment dis­pa­ru aujourd’hui. Main­te­nant, nous avons douze chaines de télé en Flandre. Dans l’humour aus­si, du côté fran­co­phone, on a les revues, les imi­ta­tions, les dégui­se­ments comme « Sois belge et tais-toi », cela a com­plè­te­ment dis­pa­ru chez nous et a été rem­pla­cé par le stand-up.

Lors de votre spectacle vous considérez-vous comme le réunificateur belge ?

En tout cas, cela n’a jamais été le but, mais depuis les que­relles poli­tiques je suis sol­li­ci­té pour des inter­views de tous côtés. Il y a ce fos­sé dans les médias et du côté fran­co­phone, on ne sait pas que les Fla­mands pos­sèdent cette auto­dé­ri­sion ni qu’on sait se moquer de la NVA aus­si en Flandre. Tout comme chez nous, on ne sait pas que les humo­ristes fran­co­phones comme André Lamy se moquent chaque jour sur RTL des per­son­na­li­tés poli­tiques fran­co­phones. En tant que Fla­mand, je fais des spec­tacles dans le fran­çais qui est le mien, et ça parait com­plè­te­ment nou­veau pour les Belges fran­co­phones : « Ah bon, on se moque de Bart De Wever et Yves Leterme en Flandre ? ». Voi­là en par­tie pour­quoi les gens viennent voir le spec­tacle. On n’a jamais vu des humo­ristes fla­mands à la télé fran­co­phone, on a eu Sté­phane Stee­man à l’époque qui fai­sait sem­blant d’être un fla­mand bruxel­lois mais c’était un fran­co­phone. Quand j’ai par­ti­ci­pé au concours de Roche­fort, aux pré­sé­lec­tions le jury croyait que j’étais un wal­lon qui fai­sait sem­blant d’être fla­mand. On me disait que j’imitais très bien l’accent flamand.

Et finalement c’est cela qui fait votre notoriété au nord comme au sud ?

Oui, mais éga­le­ment parce que je suis un humo­riste qui donne son opi­nion, à la télé ou à la radio et les gens, sur­tout du côté fran­co­phone, savent que je ne suis pas un poli­ti­cien fla­mand et que je n’ai rien à vendre. Je ne suis pas impar­tial, je ne suis pas neutre, j’ai mes opi­nions à moi et il y a des gens en Flandre qui pensent que je suis une sorte de « Fla­mand de ser­vice » et que ça car­tonne en Wal­lo­nie car je me moque d’eux mais ce n’est pas le cas. A la véri­té, je me moque d’abord de moi-même et après des Fla­mands, des Wal­lons, des Bruxel­lois, des Hol­lan­dais comme de Leterme ou Di Rupo, Mil­quet, Daer­den ou la famille royale, de n’importe qui.

Que fait-on des Bruxellois dans une Belgique séparatiste ?

Heu­reu­se­ment qu’on a encore les Bruxel­lois ! (Rires). Vous savez il y a des gens qui disent que c’est à Bruxelles que les pro­blèmes prennent leur source, enfin ailleurs aus­si comme à Flo­becq… mais fort heu­reu­se­ment à Fou­rons ça va assez bien par rap­port aux années 70. Bruxelles pour­rait aus­si don­ner beau­coup d’opportunités, on a eu cette émis­sion à la télé fla­mande « de school van Luka­ku » qui est dans une école fla­mande à Ander­lecht et on y voyait des jeunes qui par­laient arabe ou le turc à la mai­son, le fran­çais dans les rues et le néer­lan­dais à l’école et je pense que c’est une solu­tion pour la Bel­gique. On ne doit pas être par­fai­te­ment bilingue mais c’est très inté­res­sant que tout le monde pos­sède cette connais­sance que cha­cun puisse par­ler sa propre langue. Je suis très content qu’il y ait ces écoles d’immersion comme ici à Frasnes et d’autres à Otti­gnies, je pense que c’est vrai­ment une solu­tion. Mon enfant est en pen­sion­nat à Malines, il est avec des enfants fran­co­phones de Wal­lo­nie, de Wavre ou de Namur qui sont là pour apprendre le néer­lan­dais. Il y a des gens qui disent qu’il faut d’abord apprendre l’anglais mais je n’en suis pas convain­cu, si la Flandre était indé­pen­dante qui seraient nos voi­sins proches ?

Vous avez déjà joué le spectacle devant des hommes politiques ?

Bart De Wever est venu en 2009, à Water­mael-Boits­fort. Des col­la­bo­ra­teurs fran­co­phones disaient « Bart De Wever va venir, est-ce qu’on peut entrer ? », réponse : « ben oui » ; « est-ce que c’est un ami à toi ? », réponse : « ben non ». Mais il est gen­til, il est venu, c’était une petite salle et pen­dant le spec­tacle je disais « C’est Bart De Wever, c’est mar­rant : on a l’impression qu’il a des sosies par­tout parce qu’on le voit par­tout ». Mais c’est un mec très sym­pa et quand il est dans une salle de théâtre en Flandre. Après le spec­tacle, il paie un verre à tout le monde, et tout le monde applau­dit. Après j’ai encore par­lé avec lui et il avouait être un peu déçu de ne pas vrai­ment être pré­sent dans le spec­tacle. Et je lui ai répon­du qu’il n’était pas aus­si impor­tant que ça… (rires) mais c’était bien avant les élec­tions, depuis les choses ont bien changé.

Dans votre spectacle, vous parlez le wallon, on est surpris !

C’est un de mes amis, un humo­riste wal­lon, Domi­nique Watrin de Binche, qui me l’a appris. Je l’ai écrit en fran­çais et lui l’a tra­duit et enre­gis­tré. D’autre part j’ai la chance d’avoir Bru­no Cop­pens comme conseiller artis­tique. J’avais besoin de quelqu’un car on peut tra­duire un spec­tacle avec des dic­tion­naires et s’aider d’un ordi­na­teur, mais après on doit aus­si se plon­ger dans la culture. Je peux lire des mots dans un dic­tion­naire mais je n’y trouve pas les sub­ti­li­tés. Par exemple, je ne connais pas la dif­fé­rence entre « on s’en fiche » et « on s’en fout », voi­là en quoi Bru­no était très impor­tant. C’est lui qui me disait d’adapter ceci ou modi­fier cela.

Finalement, vous pouvez parler de choses graves tout en plaisantant, c’est quelque chose qui marche bien en général ?

Par­fois, c’est un peu plus déli­cat, par exemple les blagues sur la famille royale. Quand je joue à Bruxelles, les gens, sur­tout un peu plus âgés, sont plus sen­sibles. Alors que quand je joue à Seraing ou à Alleur ça passe très bien. Les mêmes blagues en Flandre paraissent beau­coup moins fortes, moins sujettes à réaction. 

À la RTBF radio, j’ai dit à Oli­vier Main­gain qu’on avait beau­coup de choses en com­mun, ma mère est d’Alost comme la vôtre et vous êtes un demi-fla­mand… Il a répon­du que oui et il a même dit « ja, ik ben van Aal­st » ! J’ai réus­si à faire par­ler Oli­vier Main­gain en fla­mand à la radio francophone !

Bio, actualité et extraits de ses spectacles : www.kruismans.com

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