Pourquoi restes-tu dans le registre du folk un peu intemporel ? Est-ce que ça te ressemble très fort ?
C’est un peu dur à expliquer, c’est une question très générale, je peux écrire un livre à ce sujet. Je pense que j’ai acquis un certain style, tout en ne m’étant jamais rendu compte que j’étais en train de développer un certain style.
Ce qui veut dire que pour toi c’était naturel ?
Pour moi écrire une chanson, c’est comme respirer, manger, c’est naturel… Il ne se passe pas un moment où je doive me forcer à écrire, ça vient comme ça. Il est fort possible qu’après cette interview, je rentre chez moi que je prenne ma guitare et que j’écrive une chanson, c’est ma façon de fonctionner. Il est aussi fort important de prendre du temps… si je suis constamment dans l’action ça ne va pas, il faut du recul, écrire une chanson ça suppose de la patience, ça se travaille. Je pense sincèrement que l’interaction entre, être en action et prendre un peu de temps est capitale.
Quelles sont tes influences musicales ?
Ce sont des personnalités comme : Bob Dylan, Townes Van Zandt, Neil Young, Patti Smith, je suis aussi fan des Beatles. J’aime aussi le rock, pour moi ce qui est primordial, c’est que le chanteur raconte quelque chose. J’aime Radiohead, d’ailleurs le nom de « The Bony king of nowhere » est en fait le second titre de la chanson « There there » qui tirait déjà son nom des Talking Heads.
C’est le texte qui te semble plus important que la musique qui accompagne. Les textes, l’écriture avant tout ?
Je dirais que la parole et la mélodie ont le même niveau d’importance.
De quoi parlent tes textes ?
C’est dur à dire, chaque album est différent bien sûr. Mais le nouvel album parle des relations entre les personnes et entre mes amis. C’est un peu mon expérience de vie en fait.
Y a‑t-il des auteurs qui t’ont influencé pour tes textes et ta musique ?
Bob Dylan et Leonard Cohen m’ont vraiment inspiré, j’ai lu beaucoup. Maintenant, je lis des poèmes d’Arthur Rimbaud, Paul Verlaine, Oscar Wilde. Arthur Rimbaud a vraiment influencé Patti Smith, Jim Morrison ou Bob Dylan. Je trouve ses poèmes extraordinaires.
Tu as suivi une formation musicale ou tu es autodidacte ?
Je n’ai suivi aucune formation musicale. J’ai appris à jouer de la musique, en interprétant d’autres musiques. Je n’essaie pas de jouer des choses très compliquées, pour moi les cordes suffisent pour écrire une chanson.
Tu as décidé très tôt d’en faire ton métier, tu as fait d’autres choses avant ?
J’ai fini l’école à l’âge de 19 ans. J’ai terminé mes humanités et après j’ai commencé à travailler dans les cafés, les bars, 3 jours par semaine. Après l’école, j’ai vraiment décidé de devenir un chanteur, un troubadour. Évidemment, j’avais besoin de pas mal de temps pour composer. C’est pour ça que j’ai choisi un job simple. Car après les heures de travail dans les bars, il me restait pas mal d’heures pour m’entraîner à la guitare et pour écrire mes chansons. J’avais juste assez d’argent pour payer ma petite maison. C’était tout à fait possible d’en vivre. Cela fait maintenant 5 ans que j’ai vraiment démarré en musique.
Dans ton album, tu présentes un folk qui traverse le temps, et tu sembles fragile, une personne triste et belle à la fois, c’est vraiment toi ça… ou c’est l’image, le rôle que tu veux donner quand tu joues ?
Il y a effectivement un peu de ça, des hauts et des bas. Il y a des moments où je suis triste et mélancolique, et en ce moment j’ai envie d’écrire dans cette attitude précise. Mais j’ai aussi des moments heureux, et dans ces moments- là j’écris comme je suis. La mélodie est toujours un peu brumeuse, un peu triste. Mais si vous prenez le temps d’écouter les paroles, elles ne sont pas tristes du tout, mais la mélodie est toujours présente, sous-jacente. C’est mon style. Je voudrais dire aussi que cet album je l’ai enregistré en une nuit, quelque part dans un petit hameau près de Saint-Hubert dans les Ardennes.
Quelles différences vois-tu entre la Flandre et la Wallonie ?
Je ne comprends pas vraiment, la différence est très grande. Ce n’est pas que j’aime plus la Wallonie que la Flandre, ou la Flandre plus que la Wallonie, ou peut-être que j’aime la Wallonie un peu plus que la Flandre, je ne sais pas ! Mais je sens que les gens en Wallonie sont un peu plus chaleureux un peu plus familiaux. Quand je rencontre de nouvelles personnes, le contact est immédiat. Un exemple, si je rencontre une personne en Wallonie, elle m’embrasse, en Flandre ça n’arrive pas, ils sont beaucoup plus réservés. Les concerts en Wallonie sont très enthousiastes et chaleureux, il y a une vraie interaction entre le public et moi, le public sait donner. Quand je m’exprime en français c’est très approximatif, mais les Wallons apprécient l’effort, je crois. J’ai beaucoup visité la Wallonie quand j’étais enfant. C’est aussi la nostalgie de mon enfance. Par ailleurs, je suis né et ai vécu dans la campagne flamande, c’est la raison de mon amour pour la nature. Enfant j’étais toujours dans la nature, pour moi c’est essentiel ce contact avec la terre.
C’est dur pour toi de vivre en ville ?
Pas si dur, mais en ce moment je vis à Gand, ça devient un peu étouffant. J’aspire vraiment à vivre à la campagne.
Qu’est ce que tu penses du public bruxellois ?
Là aussi, c’est plutôt bizarre, il y a une vraie différence entre jouer à l’Ancienne Belgique et au Botanique, je ressens ça très fort au niveau du public. Je pense qu’à l’Ancienne Belgique, le public est beaucoup plus néerlandophone. Au Botanique c’est différent c’est plutôt un public francophone. À Bruxelles, quand je joue un concert à l’AB, c’est différent qu’à Anvers, je ne m’explique pas pourquoi. De même, la différence entre Anvers et Liège est immense. En Wallonie, les gens sont plus ouverts, plus familiers, j’aime ça.
Que penses-tu de ce repli identitaire, de Bart De Wever, qui prône l’indépendance de la Flandre ? Comment vis-tu ça en tant qu’artiste ? Les artistes entre eux ont-ils des problèmes à ce niveau-là ?
Non, j’ai un très bon ami, tu connais Nicolas Michaux, du groupe Eté 67, c’est un très bon ami. En tant qu’artiste, je ne sens pas vraiment un climat hostile. Je pense que cela se passe principalement au niveau du politique. Au vu des dernières élections communales, je dois conclure qu’il y a beaucoup de personnes en Flandre qui connaissent un problème de repli culturel. C’est peut-être pour cette raison que j’aime davantage les gens de Wallonie. Les personnes qui votent pour la NVA, c’est quoi leur problème ! Cela me fâche très fort, je suis vraiment énervé par cette attitude. Je pense que la Belgique est un modèle au niveau mondial, le système de sécurité sociale, les allocations sociales. Les acquis sociaux, c’est spécifique à la Belgique, en même temps il y a tant de personnes mécontentes. La Belgique est pourtant à mon sens un petit paradis, c’est un des plus beaux pays pour y vivre et survivre ! [rires]
Et si tu devais mettre un trait de ta personnalité en avant ce serait lequel ?
Peut-être que ce serait vieux.
Vieux, alors que tu n’as que 26 ans !
Oui, car je suis très, très, très vieux, dans l’esprit, car j’aime ce qui est vieux. Par exemple, travailler à la ferme. J’y travaille pour le moment à la manière d’un agriculteur, dans une ferme biologique, sans machines, sans pesticides. C’est pour moi quelque chose qui représente des siècles de travail, j’aime ça, ça me stimule !
Ça a un côté apaisant de travailler la terre ?
Oui, ça m’inspire. Quand je me pose sur une chaise quelques heures, mon esprit devient passif. La nature c’est comme une méditation, et ça active mon esprit. Les voyages m’inspirent aussi beaucoup. Mais je dois réellement bouger… Si je reste assis trop longtemps, je me sens mal, je ne pourrais jamais travailler derrière un bureau.
As-tu un personnage que tu admires, que tu suis et qui ne te déçoit jamais ?
Au niveau musical, je pense à Neil Young. Il est un peu comme moi. Il a aussi une énergie de vie dans les champs, il a acheté un grand ranch, j’ai lu beaucoup à son sujet. J’ai vraiment le sentiment de le comprendre à un certain niveau, je me retrouve en lui. Par exemple, quand j’ai une question difficile concernant ma carrière musicale, je pense à : « et si je posais la question à Neil Young, que répondrait-il ? ». La réponse est souvent claire.
C’est un rêve pour toi de le rencontrer un jour ?
Je ne sais pas, ou peut-être pas… la réponse est difficile. Pour moi, il représente vraiment un mythe, au même titre que Bob Dylan, c’est aussi le top. Et si un jour j’ai la possibilité de rencontrer Bob Dylan, je suis quasi certain que j’aurais trop peur de l’aborder. Avec Neil Young, c’est différent, je pense que la rencontre pourrait se passer de manière amicale, ce n’est pas la même chose. Je ne serai pas nerveux à l’idée de le rencontrer. J’ai l’impression que c’est une belle personne très chaleureuse.
Quels sont tes projets futurs ?
En réalité, je ne sais pas encore. Sincèrement, je vais attendre les élections de 2014, voir ce qu’il se produit avec la NVA et si la Belgique se sépare. Dans ce cas, je pense que je partirais peut-être même vivre en Wallonie… Ce qui est certain, c’est que si la Belgique éclate, je ne veux pas rester en Flandre. Pour moi c’est un ensemble de choses qui sont d’ordre idéologique, je ne peux pas vivre dans un pays qui s’appelle la Flandre tel que les Flamands le veulent. Non, je refuse catégoriquement de vivre dans cet état d’esprit, je ne peux pas ! Je préfère attendre avant d’acheter une maison ou de faire des choses de cette importance… Je suis toujours en train d’écrire des chansons. Donc, on verra bien. Normalement, il y aura la sortie d’un nouvel album d’ici 2014.
Le site de Bram Vanparys