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La musique à fleur de peau

Bram Vanparys

Photo : © Dries Segers

Le jeune Gan­tois auteur-com­po­si­teur-inter­prète Bram Van­pa­rys, aus­si connu sous le nom de « The Bony King of Now­here », vient de sor­tir ce 22 octobre son troi­sième album. Sans le connaître vrai­ment, vous avez sûre­ment dû l’entendre et même peut-être l’apprécier lors de la pro­jec­tion du film « Les Géants » de Bou­li Lan­ners, dont il a com­po­sé la bande ori­gi­nale. Ce qui lui a d’ailleurs valu le Magritte du Ciné­ma de la meilleure musique ori­gi­nale, avec son titre « The Stran­ger ». Grand ama­teur de voyages et de nature, de retour à la terre. Son uni­vers musi­cal est très doux, poé­tique, presque com­pa­rable à celui de Bob Dylan, Leo­nard Cohen. Ren­contre avec un talen­tueux songwriter.

Pourquoi restes-tu dans le registre du folk un peu intemporel ? Est-ce que ça te ressemble très fort ?

C’est un peu dur à expli­quer, c’est une ques­tion très géné­rale, je peux écrire un livre à ce sujet. Je pense que j’ai acquis un cer­tain style, tout en ne m’étant jamais ren­du compte que j’étais en train de déve­lop­per un cer­tain style.

Ce qui veut dire que pour toi c’était naturel ?

Pour moi écrire une chan­son, c’est comme res­pi­rer, man­ger, c’est natu­rel… Il ne se passe pas un moment où je doive me for­cer à écrire, ça vient comme ça. Il est fort pos­sible qu’après cette inter­view, je rentre chez moi que je prenne ma gui­tare et que j’écrive une chan­son, c’est ma façon de fonc­tion­ner. Il est aus­si fort impor­tant de prendre du temps… si je suis constam­ment dans l’action ça ne va pas, il faut du recul, écrire une chan­son ça sup­pose de la patience, ça se tra­vaille. Je pense sin­cè­re­ment que l’interaction entre, être en action et prendre un peu de temps est capitale.

Quelles sont tes influences musicales ?

Ce sont des per­son­na­li­tés comme : Bob Dylan, Townes Van Zandt, Neil Young, Pat­ti Smith, je suis aus­si fan des Beatles. J’aime aus­si le rock, pour moi ce qui est pri­mor­dial, c’est que le chan­teur raconte quelque chose. J’aime Radio­head, d’ailleurs le nom de « The Bony king of now­here » est en fait le second titre de la chan­son « There there » qui tirait déjà son nom des Tal­king Heads.

C’est le texte qui te semble plus important que la musique qui accompagne. Les textes, l’écriture avant tout ?

Je dirais que la parole et la mélo­die ont le même niveau d’importance.

De quoi parlent tes textes ?

C’est dur à dire, chaque album est dif­fé­rent bien sûr. Mais le nou­vel album parle des rela­tions entre les per­sonnes et entre mes amis. C’est un peu mon expé­rience de vie en fait.

Y a‑t-il des auteurs qui t’ont influencé pour tes textes et ta musique ?

Bob Dylan et Leo­nard Cohen m’ont vrai­ment ins­pi­ré, j’ai lu beau­coup. Main­te­nant, je lis des poèmes d’Arthur Rim­baud, Paul Ver­laine, Oscar Wilde. Arthur Rim­baud a vrai­ment influen­cé Pat­ti Smith, Jim Mor­ri­son ou Bob Dylan. Je trouve ses poèmes extraordinaires.

Tu as suivi une formation musicale ou tu es autodidacte ?

Je n’ai sui­vi aucune for­ma­tion musi­cale. J’ai appris à jouer de la musique, en inter­pré­tant d’autres musiques. Je n’essaie pas de jouer des choses très com­pli­quées, pour moi les cordes suf­fisent pour écrire une chanson.

Tu as décidé très tôt d’en faire ton métier, tu as fait d’autres choses avant ?

J’ai fini l’école à l’âge de 19 ans. J’ai ter­mi­né mes huma­ni­tés et après j’ai com­men­cé à tra­vailler dans les cafés, les bars, 3 jours par semaine. Après l’école, j’ai vrai­ment déci­dé de deve­nir un chan­teur, un trou­ba­dour. Évi­dem­ment, j’avais besoin de pas mal de temps pour com­po­ser. C’est pour ça que j’ai choi­si un job simple. Car après les heures de tra­vail dans les bars, il me res­tait pas mal d’heures pour m’entraîner à la gui­tare et pour écrire mes chan­sons. J’avais juste assez d’argent pour payer ma petite mai­son. C’était tout à fait pos­sible d’en vivre. Cela fait main­te­nant 5 ans que j’ai vrai­ment démar­ré en musique.

Dans ton album, tu présentes un folk qui traverse le temps, et tu sembles fragile, une personne triste et belle à la fois, c’est vraiment toi ça… ou c’est l’image, le rôle que tu veux donner quand tu joues ?

Il y a effec­ti­ve­ment un peu de ça, des hauts et des bas. Il y a des moments où je suis triste et mélan­co­lique, et en ce moment j’ai envie d’écrire dans cette atti­tude pré­cise. Mais j’ai aus­si des moments heu­reux, et dans ces moments- là j’écris comme je suis. La mélo­die est tou­jours un peu bru­meuse, un peu triste. Mais si vous pre­nez le temps d’écouter les paroles, elles ne sont pas tristes du tout, mais la mélo­die est tou­jours pré­sente, sous-jacente. C’est mon style. Je vou­drais dire aus­si que cet album je l’ai enre­gis­tré en une nuit, quelque part dans un petit hameau près de Saint-Hubert dans les Ardennes.

Quelles différences vois-tu entre la Flandre et la Wallonie ?

Je ne com­prends pas vrai­ment, la dif­fé­rence est très grande. Ce n’est pas que j’aime plus la Wal­lo­nie que la Flandre, ou la Flandre plus que la Wal­lo­nie, ou peut-être que j’aime la Wal­lo­nie un peu plus que la Flandre, je ne sais pas ! Mais je sens que les gens en Wal­lo­nie sont un peu plus cha­leu­reux un peu plus fami­liaux. Quand je ren­contre de nou­velles per­sonnes, le contact est immé­diat. Un exemple, si je ren­contre une per­sonne en Wal­lo­nie, elle m’embrasse, en Flandre ça n’arrive pas, ils sont beau­coup plus réser­vés. Les concerts en Wal­lo­nie sont très enthou­siastes et cha­leu­reux, il y a une vraie inter­ac­tion entre le public et moi, le public sait don­ner. Quand je m’exprime en fran­çais c’est très approxi­ma­tif, mais les Wal­lons appré­cient l’effort, je crois. J’ai beau­coup visi­té la Wal­lo­nie quand j’étais enfant. C’est aus­si la nos­tal­gie de mon enfance. Par ailleurs, je suis né et ai vécu dans la cam­pagne fla­mande, c’est la rai­son de mon amour pour la nature. Enfant j’étais tou­jours dans la nature, pour moi c’est essen­tiel ce contact avec la terre.

C’est dur pour toi de vivre en ville ?

Pas si dur, mais en ce moment je vis à Gand, ça devient un peu étouf­fant. J’aspire vrai­ment à vivre à la campagne.

Qu’est ce que tu penses du public bruxellois ?

Là aus­si, c’est plu­tôt bizarre, il y a une vraie dif­fé­rence entre jouer à l’Ancienne Bel­gique et au Bota­nique, je res­sens ça très fort au niveau du public. Je pense qu’à l’Ancienne Bel­gique, le public est beau­coup plus néer­lan­do­phone. Au Bota­nique c’est dif­fé­rent c’est plu­tôt un public fran­co­phone. À Bruxelles, quand je joue un concert à l’AB, c’est dif­fé­rent qu’à Anvers, je ne m’explique pas pour­quoi. De même, la dif­fé­rence entre Anvers et Liège est immense. En Wal­lo­nie, les gens sont plus ouverts, plus fami­liers, j’aime ça.

Que penses-tu de ce repli identitaire, de Bart De Wever, qui prône l’indépendance de la Flandre ? Comment vis-tu ça en tant qu’artiste ? Les artistes entre eux ont-ils des problèmes à ce niveau-là ?

Non, j’ai un très bon ami, tu connais Nico­las Michaux, du groupe Eté 67, c’est un très bon ami. En tant qu’artiste, je ne sens pas vrai­ment un cli­mat hos­tile. Je pense que cela se passe prin­ci­pa­le­ment au niveau du poli­tique. Au vu des der­nières élec­tions com­mu­nales, je dois conclure qu’il y a beau­coup de per­sonnes en Flandre qui connaissent un pro­blème de repli cultu­rel. C’est peut-être pour cette rai­son que j’aime davan­tage les gens de Wal­lo­nie. Les per­sonnes qui votent pour la NVA, c’est quoi leur pro­blème ! Cela me fâche très fort, je suis vrai­ment éner­vé par cette atti­tude. Je pense que la Bel­gique est un modèle au niveau mon­dial, le sys­tème de sécu­ri­té sociale, les allo­ca­tions sociales. Les acquis sociaux, c’est spé­ci­fique à la Bel­gique, en même temps il y a tant de per­sonnes mécon­tentes. La Bel­gique est pour­tant à mon sens un petit para­dis, c’est un des plus beaux pays pour y vivre et sur­vivre ! [rires]

Et si tu devais mettre un trait de ta personnalité en avant ce serait lequel ?

Peut-être que ce serait vieux.

Vieux, alors que tu n’as que 26 ans !

Oui, car je suis très, très, très vieux, dans l’esprit, car j’aime ce qui est vieux. Par exemple, tra­vailler à la ferme. J’y tra­vaille pour le moment à la manière d’un agri­cul­teur, dans une ferme bio­lo­gique, sans machines, sans pes­ti­cides. C’est pour moi quelque chose qui repré­sente des siècles de tra­vail, j’aime ça, ça me stimule !

Ça a un côté apaisant de travailler la terre ?

Oui, ça m’inspire. Quand je me pose sur une chaise quelques heures, mon esprit devient pas­sif. La nature c’est comme une médi­ta­tion, et ça active mon esprit. Les voyages m’inspirent aus­si beau­coup. Mais je dois réel­le­ment bou­ger… Si je reste assis trop long­temps, je me sens mal, je ne pour­rais jamais tra­vailler der­rière un bureau.

As-tu un personnage que tu admires, que tu suis et qui ne te déçoit jamais ?

Au niveau musi­cal, je pense à Neil Young. Il est un peu comme moi. Il a aus­si une éner­gie de vie dans les champs, il a ache­té un grand ranch, j’ai lu beau­coup à son sujet. J’ai vrai­ment le sen­ti­ment de le com­prendre à un cer­tain niveau, je me retrouve en lui. Par exemple, quand j’ai une ques­tion dif­fi­cile concer­nant ma car­rière musi­cale, je pense à : « et si je posais la ques­tion à Neil Young, que répon­drait-il ? ». La réponse est sou­vent claire.

C’est un rêve pour toi de le rencontrer un jour ?

Je ne sais pas, ou peut-être pas… la réponse est dif­fi­cile. Pour moi, il repré­sente vrai­ment un mythe, au même titre que Bob Dylan, c’est aus­si le top. Et si un jour j’ai la pos­si­bi­li­té de ren­con­trer Bob Dylan, je suis qua­si cer­tain que j’aurais trop peur de l’aborder. Avec Neil Young, c’est dif­fé­rent, je pense que la ren­contre pour­rait se pas­ser de manière ami­cale, ce n’est pas la même chose. Je ne serai pas ner­veux à l’idée de le ren­con­trer. J’ai l’impression que c’est une belle per­sonne très chaleureuse.

Quels sont tes projets futurs ?

En réa­li­té, je ne sais pas encore. Sin­cè­re­ment, je vais attendre les élec­tions de 2014, voir ce qu’il se pro­duit avec la NVA et si la Bel­gique se sépare. Dans ce cas, je pense que je par­ti­rais peut-être même vivre en Wal­lo­nie… Ce qui est cer­tain, c’est que si la Bel­gique éclate, je ne veux pas res­ter en Flandre. Pour moi c’est un ensemble de choses qui sont d’ordre idéo­lo­gique, je ne peux pas vivre dans un pays qui s’appelle la Flandre tel que les Fla­mands le veulent. Non, je refuse caté­go­ri­que­ment de vivre dans cet état d’esprit, je ne peux pas ! Je pré­fère attendre avant d’acheter une mai­son ou de faire des choses de cette impor­tance… Je suis tou­jours en train d’écrire des chan­sons. Donc, on ver­ra bien. Nor­ma­le­ment, il y aura la sor­tie d’un nou­vel album d’ici 2014.



Le site de Bram Vanparys

http://thebonykingofnowhere.be