Cela fait deux ans environ qu’un petit groupe de 3 – 4 personnes a commencé à produire une réflexion sur le sens contemporain de la notion de bien commun, en prenant part et en organisant des rencontres sur divers sujets : l’eau, l’air, la ville mais aussi les logiciels libres, le sol, les formes de cohabitation. Par rapport aux défis que la ville de Bruxelles doit affronter aujourd’hui, le concept de droit à la ville et le processus de co-production de la ville – la ville en tant que bien commun où s’expérimentent nouvelles formes de cohabitation, de gestion de l’environnement, d’expression politique – ont commencé à s’imposer à l’attention de ce groupe grandissant d’acteurs de l’urbain, de militants et de penseurs. Celui-ci s’est encore renforcé avec l’introduction du cas concret de la Zone d’intérêt régional (ZIR) Josaphat, comme espace qui nous donnait la possibilité de concrétiser nos discussions et autres activités autour d’un espace appartenant à tous mais menacé par les enjeux spéculatifs liés à son positionnement.
La ZIR Josaphat, d’une étendue de 24 hectares, est une friche qui appartient à la SAF(Société d’acquisition foncière) donc à la Région de Bruxelles-Capitale et à ses citoyens. De par sa position stratégique, elle a été l’objet de plusieurs propositions de projets et enquêtes, et présente un grand intérêt spéculatif au travers des processus de privatisation dominants. En attente depuis des années d’une mise en œuvre par schéma directeur et PPAS (Plan particulier d’affectation du sol), il y a fort à parier que le développement immobilier de ce foncier empruntera les sentiers battus : une conception en chambre (en cours actuellement), puis une vente au plus offrant, avec dans le meilleur des cas quelques concessions au voisinage, un taux de logements sociaux pour la bonne conscience, des taux minimaux d’emplois à l’hectare pour les activités économiques, le tout sans ambition autre que de répondre à ces besoins chiffrés de la Région.
Ce quartier peut et doit être imaginé et développé sur base d’une ambition bien plus profonde du bien-être de la ville. C’est dans cette perspective que le collectif Commons Josaphat a commencé à articuler ses activités et ses rencontres. Afin de pouvoir donner un espace d’expression aux différentes formes d’activités liées au site – occupations temporaires, travail avec les habitants, projets du site pour le long terme, recherche et continuation de la réflexion sur le sujet de biens communs – différents groupes de travail se sont constitués et ont évolué, se regroupant ou disparaissant selon les intérêts et les forces à disposition. Même si l’on peut identifier un noyau de personnes qui suit les activités depuis le début, le collectif est donc très ouvert, multiforme, et fonctionne par rencontres fréquentes, ce qui demande pas mal de disponibilité et d’énergie. Aux rencontres plus opérationnelles, orientées par un objectif spécifique, s’ajoutent les Assemblées générales qui s’ouvrent au plus grand public et nouveaux participants potentiels, en expliquant ce que le collectif est en train de faire et en réfléchissant collectivement sur sa marche à suivre.
La dernière évolution majeure de Commons Josaphat – celle qui absorbe actuellement une bonne partie des énergies – a été le lancement d’un appel à idées pour le futur du site le 24 avril 2014. Toujours en cours, l’appel est international, continu et universel, ouvert à tout un chacun comme exercice évolutif d’intelligence collective. L’objectif est de favoriser l’émergence de concepts, visions, stratégies, prototypes qui concrétisent le concept de bien commun dans le processus de production de la ville. La complexité et le niveau de développement des idées élaborées devraient nous mettre dans la position de proposer une approche alternative de mise en œuvre du site et de son projet, une approche capable d’entrer en dialogue avec le schéma élaboré par la Région.
Comme l’évolution de notre collectif est en train de le montrer, le « commun » des biens communs se construit avant tout par un processus continu de redéfinition de l’objet autant que de la communauté qui le constitue. Le « commun » ne sera donc pas seulement (loin s’en faut !) les méthodes et formes qui émergeront comme projet pour Josaphat, il se crée déjà aujourd’hui par la prolifération des actions, des rencontres, des discussions, des imaginaires qui de plus en plus grandissent, se complexifient, abordent des aspects différents dans la ville, et impliquent de plus en plus de « commoners » ou de communautés intéressées, à Bruxelles ou ailleurs. Construire et gérer les biens communs, c’est un mouvement et un processus politique qui outrepassent finalement toute notion de participation.