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Demain est un autre jour, un autre monde

Dépas­sant lar­ge­ment le cercle du public habi­tuel du docu­men­taire mili­tant, le film Demain, car­tonne avec plus de 700.000 entrées en France et 80.000 entrées en Bel­gique et vient de rem­por­ter le César du meilleur docu­men­taire. Ce film enthou­sias­mant réus­sit le tour de force de créer, à par­tir d’initiatives concrètes de notre pré­sent, un récit dési­rable du futur. Un futur qui pour­rait bien ne pas être la catas­trophe envi­ron­ne­men­tale annon­cée, mais où, au contraire, la démo­cra­tie, l’éducation, l’agriculture, l’énergie ou l’économie seraient régé­né­rées, à condi­tion d’enclencher une tran­si­tion glo­bale. Ren­contre avec Cyril Dion, créa­teur du mou­ve­ment Coli­bris mais aus­si écri­vain, poète et édi­teur, qui a réa­li­sé Demain avec Méla­nie Laurent.

Quel a été votre parcours avant Demain ?

J’ai une for­ma­tion de comé­dien, j’ai étu­dié l’art dra­ma­tique pen­dant 3 ans à l’École Per­imo­ny à Paris et j’ai été comé­dien pen­dant deux ans. Ensuite, j’ai pra­ti­qué la méde­cine natu­relle, j’ai notam­ment exer­cé la réflexo­lo­gie plan­taire pen­dant deux ans. J’ai aus­si orga­ni­sé des congrès israé­lo-pales­ti­niens avec la fon­da­tion Hommes de parole, j’ai ain­si par­ti­ci­pé à l’organisation du 1er et du 2e Congrès mon­dial des imams et rab­bins pour la paix, à Bruxelles et à Séville, pour faire dia­lo­guer l’islam et le judaïsme, avec l’espoir que cela puisse avoir un impact sur le conflit israé­lo-pales­ti­nien. Puis, on m’a pro­po­sé de créer un mou­ve­ment autour des idées de Pierre Rabhi fin 2006, que j’ai créé et qui s’appelle Coli­bris. En 2011, j’ai éga­le­ment créé une col­lec­tion de livres chez Actes Sud qui s’appelle Domaine du pos­sible que je dirige tou­jours, et en 2012, un maga­zine qui s’appelle Kai­zen. J’ai coécrit et copro­duit un film qui s’appelle Solu­tions locales pour un désordre glo­bal de Coline Ser­reau. J’écris depuis tou­jours, depuis que j’ai 17 ans. J’ai publié notam­ment un recueil de poèmes l’année der­nière qui s’appelle Assis sur le fil aux Édi­tions La table ronde. Et puis a com­men­cé l’aventure de Demain, avec le livre et le film.

Comment vous est venue l’idée de faire un film optimiste, de partir d’un constat apparemment désespéré — l’humanité va en partie disparaitre d’ici 2100 — pour insuffler énergie, espoirs et même désirs dans des temps meilleurs ?

Avec Coli­bris, on se posait beau­coup la ques­tion de ce qui pou­vait don­ner envie de bou­ger aux gens. Et je voyais bien que tous les films, ou toutes les cam­pagnes, qu’on fai­sait dans les ONG — qui res­tent très impor­tants, parce qu’il faut sen­si­bi­li­ser les gens — , cela les effrayait, cela les met­tait par­fois dans des logiques de déni, de fuite voire que cela les dépri­mait ou les angois­sait car­ré­ment. En tout cas, cela ne les pous­sait pas à agir.

Et, on s’est aus­si dit que si on vou­lait vrai­ment enga­ger une trans­for­ma­tion forte dans les 20 années qui viennent, on allait avoir besoin d’être très créa­tif, d’avoir beau­coup d’énergies et il fal­lait donc sus­ci­ter tout ça. Avec Méla­nie, on a eu envie de faire un film qui raconte une his­toire pos­sible de l’avenir et, en même temps, qu’elle soit tis­sée d’exemples qui existent déjà, qui fonc­tionnent et qui prouvent qu’on peut vrai­ment faire autre­ment. Que les solu­tions sont connues et qu’on peut les appliquer.

Avec Pierre Rahbi, vous avez fondé Colibris, quel est le but de ce mouvement ?

L’idée est d’essayer de créer un mou­ve­ment qui par­ti­cipe à réin­ven­ter la socié­té, car la socié­té dans laquelle on vit est dans une impasse. On a vrai­ment besoin de tout réin­ven­ter : la façon dont on fait de l’agriculture, de l’énergie, de l’économie, la façon dont fonc­tionne notre démo­cra­tie, les modes édu­ca­tifs. C’est aus­si réa­li­ser qu’il y a jus­te­ment une nou­velle façon de réflé­chir le monde qui existe déjà. Dans ce mou­ve­ment, on essaie à la fois de pro­po­ser des solu­tions, à la fois de ras­sem­bler les gens qui ont envie d’agir et de les aider en leur pro­po­sant des modes d’emploi, des for­ma­tions, des finan­ce­ments, etc.

Comment s’articule le film Demain que vous avez réalisé et ce travail de terrain ?

Cela fait des années que je me dis qu’on manque vrai­ment d’une vision direc­trice. C’est-à-dire qu’il y a plein de gens qui ont envie d’agir, mais qui ont l’impression que les choses qu’ils font sont trop petites, déri­soires et décor­ré­lées de l’ampleur des enjeux et qui se disent : « Pour­quoi prendre une douche plu­tôt qu’un bain, qu’est-ce que cela va avoir comme impact sur le fait que nous sommes dans la sixième extinc­tion de masse des espèces ? »

Il s’agissait jus­te­ment de don­ner du sens à l’action de ces per­sonnes-là, de leur don­ner une vision du futur. On a construit le film pour qu’il soit le plus grand public pos­sible. Notre rêve était de tou­cher les gens qui ne sont pas convain­cus, qui ne s’intéressent pas à ces sujets-là d’habitude et, en même temps, de réa­li­ser un outil pour que ceux qui sont déjà convain­cus puissent s’en servir.

Le film n’est à aucun moment moralisateur ou accusateur. Comment avez-vous réussi à dépasser ce travers dans lequel on tombe facilement ?

D’abord, j’ai hor­reur qu’on me fasse la morale ! Et je me rends bien compte que faire la morale autour de ces sujets-là, cela n’a aucun impact depuis des années, voire que cela a un impact néga­tif. En fait, on est par­ti d’une phrase de Gand­hi qui dit : « Mon­trez l’exemple n’est pas la meilleure façon de convaincre, c’est la seule ». On vou­lait sim­ple­ment mon­trer des gens qui font des choses for­mi­dables, qui sont heu­reux de les faire et qui y trouvent du sens. Des gens qui s’y épa­nouissent et qui en même temps prouvent que cela fonc­tionne. Des gens qui sont cohé­rents et qui le font, non pas pour sau­ver le monde, mais parce que c’est la chose la plus logique et la plus sin­cère à faire pour eux.

Votre film offre différents exemples d’alternatives désirables de tout ordre portées par différents acteurs dans des pays et continents divers. Comment les avez-vous choisies ?

Entre la col­lec­tion de livres dont je m’occupe chez Actes Sud, mon acti­vi­té à Coli­bris et celle au maga­zine Kai­zen, je connais­sais énor­mé­ment d’initiatives. Après, on vou­lait que ce soit des choses suf­fi­sam­ment abou­ties, depuis suf­fi­sam­ment long­temps, et à une échelle suf­fi­sam­ment grande pour que cela puisse convaincre même des gens très scep­tiques. J’avais aus­si envie que l’on montre des gens qui ne soient pas des mar­gi­naux, mais qui res­semblent à mon­sieur et madame Tout-le-monde, des per­sonnes aux­quelles on puisse s’identifier et qui viennent de tous hori­zons : des élus, des entre­pre­neurs, des citoyens. On vou­lait aus­si avoir des per­son­nages qui soient cha­ris­ma­tiques et touchants.

Comment et qui pourrait mettre en place un système politique plus proche des citoyens et plus conscient des enjeux environnementaux comme celui qui est esquissé dans Demain ? Des politiciens ou des citoyens ?

Ce ne sont jamais les poli­ti­ciens qui mettent en place de façon « déra­ci­née » un nou­veau sys­tème. Ce ne sont jamais les gens qui sont au pou­voir qui réin­ventent le sys­tème. Ce n’est pas Louis XVI qui a dit aux révo­lu­tion­naires d’aller dans la rue, de prendre la Bas­tille et de lui cou­per la tête… Je pense que cela se pas­se­ra — et j’espère pro­fon­dé­ment que cela se pas­se­ra – seule­ment s’il y a une mobi­li­sa­tion extrê­me­ment forte de la popu­la­tion qui décide de reprendre la res­pon­sa­bi­li­té et de reprendre le pou­voir sur tous ces sujets-là. Et aujourd’hui, il y a énor­mé­ment de recherches qui sont faites et énor­mé­ment d’expériences pas­sion­nantes qui sont menées sur de nou­veaux modèles démo­cra­tiques. Et on a besoin que de tout ce ter­reau-là, des per­sonnes qui sont déjà en action, émergent de nou­veaux res­pon­sables poli­tiques qui soient por­tés par ce mou­ve­ment et qui puissent s’appuyer des­sus. Et si cela ne se pro­duit pas dans les 20 ans qui viennent, je pense qu’on va être face à une situa­tion très difficile.

Vous avez fait appel au financement participatif pour votre documentaire, via la plateforme Kisskissbankbank. Votre documentaire était-il difficilement finançable par les canaux normaux de production ?

Oui, un docu­men­taire pour le ciné­ma, c’est très dif­fi­cile à finan­cer. Parce que la plu­part du temps, ça fait très peu d’entrées, donc les chaines et les dis­tri­bu­teurs consi­dèrent que ce n’est pas éco­no­mi­que­ment inté­res­sant ou ren­table. Comme on était pris par le temps, qu’on avait besoin d’être prêts pour la Cop 21 (il y a été pro­je­té) et de tour­ner à l’été 2014, on s’est dit qu’on allait deman­der aux gens poten­tiel­le­ment dési­reux que ce film existe de nous aider : on vou­lait lever 200.000 euros en deux mois, on les a levés en trois jours ! Et à l’issue des deux mois, on avait 450.000 euros !

Demain est un véritable carton (près de 700.000 entrées en France, dépassant donc largement le cercle du public du documentaire militant). Est-ce que vous vous attendiez à ce succès et comment l’expliquez-vous ?

On espé­rait que cela ait beau­coup de suc­cès. On a construit le film pour qu’il soit le plus pos­sible pour le plus grand public. Notre rêve était de tou­cher les gens qui ne sont pas convain­cus, qui ne s’intéressent pas à ces sujets-là d’habitude et, en même temps, de réa­li­ser un outil pour que ceux qui sont déjà convain­cus puissent s’en ser­vir. Et ça a l’air de mar­cher. Donc cela nous réjouis.

Et puis, Les gens en ont vrai­ment marre d’être écra­sés par les mau­vaises nou­velles. Et en ce moment on a un sacré paquet : le ter­ro­risme, le Front natio­nal, la crise éco­no­mique, le dérè­gle­ment cli­ma­tique, l’effondrement de la bio­di­ver­si­té sans comp­ter tous les faits divers… ça devient très com­pli­qué de gar­der l’espoir. Or, les gens ont besoin d’espoir, besoin de se dire qu’il y a quelque chose qui est pos­sible. Et en même temps de savoir com­ment, eux, ils peuvent contri­buer à construire un monde dif­fé­rent. Et il sem­ble­rait que le film par­ti­cipe à répondre à ce besoin et à ces inter­ro­ga­tions. À mon avis, c’est une des rai­sons du succès.

Que pensez-vous des objecteurs de croissance ?

C’est extrê­me­ment impor­tant de remettre en ques­tion la crois­sance éco­no­mique qui est aujourd’hui un dogme. C’est très bien d’avoir des objec­teurs de crois­sance comme on a des objec­teurs de conscience pour les ques­tions de conflits. Après, ce n’est pas mon angle de tra­vail. J’ai plus envie d’être, même si ça peut être leur cas aus­si, dans une démarche créa­tive que dans une démarche d’opposition. Je pense que résis­ter c’est créer, et que créer c’est plus puis­sant que sim­ple­ment objec­ter. Même si, je le répète, il faut des gens qui s’opposent, il faut des fau­cheurs volon­taires, etc. Mais à côté de ça, il faut aus­si abso­lu­ment des gens qui créent, qui pro­posent autre chose, qui sus­citent cette créa­ti­vi­té qui est pour moi une des choses qui est le propre de l’être humain.

Pensez-vous qu’écologie et politique sont compatibles ? Est-ce qu’il y a un sens à présenter un candidat écologiste aux élections ?

Je ne suis pas sûr. Pour moi, l’écologie est une thé­ma­tique glo­bale qui concerne tous les sujets de la socié­té. C’est exac­te­ment du même ordre que l’économie ou l’éducation. Et per­sonne n’a l’idée de pré­sen­ter un can­di­dat du par­ti éco­no­mique ou du par­ti édu­ca­tif… Le fait d’avoir can­ton­né l’écologie à un par­ti poli­tique a ren­du beau­coup de gens sar­cas­tiques par rap­port à l’écologie. Ou bien a don­né l’impression que cela ne concer­nait qu’une petite caté­go­rie de la popu­la­tion alors qu’absolument tout le monde est concer­né. Je rêve que des can­di­dats clas­siques se mettent à par­ler d’écologie de façon beau­coup plus large ou, a contra­rio, que des can­di­dats qui sont por­tés par les ques­tions éco­lo­giques sou­tiennent un pro­jet de socié­té plus glo­bal. C’est ce qu’on a essayé de faire avec Demain qui traite de l’ensemble de la socié­té et qui parle de tous les sujets.

Demain, un nouveau monde en marche, que vous avez écrit, vient de sortir aux éditions Actes Sud. Quel prolongement ce livre offre-t-il par rapport à votre film ?

On a tour­né 140 heures et le film fait moins de 2 heures… On avait donc énor­mé­ment de matières que l’on n’a pas pu uti­li­ser, énor­mé­ment d’interviews, de lieux où nous nous étions ren­dus que nous n’avons pas pu mon­trer dans le film. J’ai écrit le récit du voyage, les rai­sons qui m’ont pous­sé à faire le film, notre res­sen­ti à dif­fé­rents endroits que nous tra­ver­sions et les réflexions que cela m’amenait. J’ai essayé de ras­sem­bler dans ce livre tout ce que j’ai appris en presque 10 ans de tra­vail sur ces sujets-là.

Est-ce qu’il y a des projets de nouveaux films ?

Je suis en train d’écrire une suite à Demain. Il s’agira d’une fic­tion qui parle de révo­lu­tion. Ça racon­te­ra la néces­saire révo­lu­tion pour que les ini­tia­tives que l’on a mon­trées dans Demain se géné­ra­lisent suf­fi­sam­ment vite, c’est-à-dire dans les 20 ans qui viennent. Com­ment est-ce que cela pour­rait concrè­te­ment se pas­ser et de façon jus­te­ment très dif­fé­rente de ce que l’on a connu dans le pas­sé. Com­ment est-ce qu’on va y arri­ver de façon non-vio­lente, créa­tive, peut-être même joyeuse et, en même temps, en créant un vrai rap­port de force.

Vous êtes aussi éditeur, producteur, rédacteur de magazine… Vous semblez toucher à tout. Qu’est-ce qui relient des activités en apparence aussi disparates ?

Je n’ai jamais vou­lu les relier ! C’est sim­ple­ment que néces­si­té fait loi. À un moment, on me pro­pose de créer ce mou­ve­ment autour de Pierre Rabhi, je me dis « très bien fai­sons-le ! » En créant ce mou­ve­ment, je me dis qu’il fau­drait des canaux pour pou­voir expri­mer le mes­sage que l’on a envie de faire pas­ser et mon­trer ces solu­tions de façon plus effi­cace, donc je ren­contre Jean-Paul Capi­ta­ni chez Actes Sud. Je lui pro­pose de créer cette col­lec­tion. Quelques années plus tard on y arrive. Mais je me dis que les livres, c’est bien, mais qu’il y a des gens qui ne lisent pas d’essai et que le for­mat maga­zine avec des choses plus courtes et plus illus­trées pour­raient mieux conve­nir à ce public. Ça a don­né Kai­zen Maga­zine. Puis, je ren­contre Coline Ser­reau qui est occu­pée de réa­li­ser un film sur Pierre Rabhi. Je me dis que le ciné­ma doit pou­voir tou­cher encore plus de gens. Ce qui m’a ame­né à faire Solu­tions locales pour un désordre glo­bal, puis Demain.

Et l’écriture, c’est un besoin qui per­met aus­si de conti­nuer à trou­ver une forme d’équilibre au milieu de tout cela. Ce n’est pas vrai­ment un plan de car­rière, sim­ple­ment le sen­ti­ment qu’il y a une néces­si­té ou un besoin et d’essayer d’y répondre.

Quelle figure, morte ou en vie, réelle ou imaginaire, vous inspire et vous guide dans votre parcours personnel et/ou professionnel ?

Il y en a plein ! Dans les musi­ciens, sans hési­ter John Len­non, pour le fait d’avoir fait coha­bi­ter l’engagement et la créa­tion. Ça me tient vrai­ment à cœur dans ma vie actuel­le­ment d’arriver à mêler les deux. Et aus­si parce que je suis un fan tota­le­ment abso­lu des Beatles ! C’est une per­sonne qui me touche et qui m’inspire, à la fois dans sa musique et ses textes. Les Beatles, c’est la musique clas­sique de la pop. Ils ont pous­sé la créa­tion musi­cale à un endroit extraordinaire.

Dans les écri­vains, cer­tai­ne­ment Jack Kerouac, qui a été un véri­table séisme pour moi à mon ado­les­cence. Cette idée qu’on peut choi­sir d’être libre, qu’on peut choi­sir de sor­tir des sen­tiers bat­tus, des car­cans et du prêt-à-pen­ser. Et même si Kerouac est deve­nu un peu réac à la fin de sa vie, le rou­leau ori­gi­nal de Sur la route cela reste pour moi un truc extraordinaire.

Et sinon, même si c’est une énorme tarte à la crème, Gand­hi reste un endroit d’intense influence pour moi. Là aus­si, pour cette ques­tion de liber­té, d’activisme au sens large du terme. C’est-à-dire com­ment est-ce que, de façon non vio­lente, on peut essayer de mobi­li­ser des mil­lions de gens, chan­ger leur des­tin, ne jamais croire qu’une situa­tion est immuable et par­tir de petits riens pour essayer d’imaginer quelque chose de tota­le­ment dif­fé­rent. Et puis il y a aus­si le fait que Gand­hi était loin d’être par­fait dans sa vie de tous les jours et que j’aime bien cette ten­sion, cette forme d’écartèlement entre les idéaux et les convic­tions extrê­me­ment fortes, extrê­me­ment belles et la dif­fi­cul­té à les vivre au quotidien.

Vous écrivez aussi de la poésie depuis vos 17 ans. Comment cette poésie s’intègre dans votre vie ?

J’ai tou­jours écrit de la poé­sie depuis 20 ans. Pour moi la poé­sie, c’est une façon de gérer une sen­si­bi­li­té par­fois exa­cer­bée qui fait que je me sens tou­jours un peu écar­te­lé entre mes per­cep­tions, mes sen­sa­tions et ma sen­si­bi­li­té. Une sen­si­bi­li­té qui est par­fois extrê­me­ment enva­his­sante et me para­lyse dans plein de situa­tions de la vie, car je ne sais pas quoi en faire. Et donc, la poé­sie m’a per­mis de créer une sorte de com­mu­ni­ca­tion entre ma vie inté­rieure et ma vie à l’extérieur qui me paraissent par­fois très éloi­gnées. D’essayer de créer un pas­sage entre les deux.

Vous avez décidé de vous consacrer plus à l’écriture ?

À la créa­tion en géné­ral parce que c’est un besoin fon­da­men­tal chez moi. J’ai une for­ma­tion artis­tique et à un moment, je me suis ren­du compte que je dépé­ris­sais parce que je ne créais plus. C’est ce que je racon­tais sur John Len­non : j’ai moi aus­si besoin de réunir mon besoin de créer et mon besoin d’être utile et engagé.