Hans Bonte

Empêcher des départs en Syrie

Photo : Vanya Michel

Hans Bonte, jeune bourg­mestre sp.a de Vil­voorde a pris des mesures concer­nant les jeunes radi­ca­li­sés qui partent en Syrie rejoindre Daesh. Il faut dire que près d’une tren­taine d’entre eux ont quit­té la com­mune pour s’y rendre. Avec son corps de police et des groupes de tra­vail com­po­sés de pro­fes­seurs, des familles, des parents, des ins­tances sociales, le CPAS ain­si que de repré­sen­tants des mos­quées, il a choi­si, face à la radi­ca­li­sa­tion, de pri­vi­lé­gier le débat, la concer­ta­tion et le dia­logue. Il nous a expli­qué com­ment tout cela a pris forme et a endi­gué les départ.

Vous êtes le bourgmestre de Vilvoorde depuis les élections communales de 2012. Comment avez-vous créé la confiance avec les citoyens ?

En réa­li­té, je sié­geais déjà au Conseil com­mu­nal de 2000 à 2006. J’ai été éche­vin des Affaires sociales et de l’intégration. Ensuite de 2006 et 2012, j’ai été Pré­sident du CPAS de Vil­voorde avec aus­si des com­pé­tences dans le social et l’intégration. Ce qui m’a per­mis d’être encon­tact avec les mino­ri­tés, les asso­cia­tions, mais aus­si avec les familles marocaines.

Je tra­vaille aus­si beau­coup avec ma com­pagne de route en poli­tique, Fati­ma Lamar­ti, une femme maro­caine née à Vil­voorde, deve­nue éche­vine des Affaires sociales. Elle est de loin la plus popu­laire des poli­ti­ciennes de la ville ! Elle est vrai­ment plé­bis­ci­tée par la com­mu­nau­té marocaine.

Tout ceci pour vous dire qu’il était impor­tant de créer une cer­taine confiance et de bons contacts afin de pou­voir mon­ter une cel­lule contre le radi­ca­lisme. En effet, quelques semaines après ma nomi­na­tion comme bourg­mestre, la Sûre­té de l’État me signi­fiait qu’une dizaine de jeunes étaient par­tis en Syrie. Sharia4Belgium était très active à Vil­voorde, mais aus­si à Molen­beek. Il faut savoir qu’il existe beau­coup de liens entre Vil­voorde, Molen­beek et Schaer­beek. Ces com­munes sont fort proches. Beau­coup de jeunes se ren­contrent dans les espaces publics pour jouer au foot ou « faire des bêtises ». Des jeunes vul­né­rables, mais qui étaient, pour beau­coup d’entre eux, dans des orga­ni­sa­tions cri­mi­nelles, le tra­fic de drogues, de voi­tures, etc.

Par­mi les 28 per­sonnes qui sont par­ties, la plu­part d’entre eux était sou­vent en oppo­si­tion avec leur père concer­nant la manière dont un musul­man doit vivre et se com­por­ter. Au début, sous l’influence de Sharia4Belgium, ils sont entrés en conflit avec leur propre mos­quée, leur père et mère. Cou­pés de tout lien fami­lial, ils se sont radicalisés.

Au début 2013, l’OCAM et la Sûre­té m’ont infor­mé que Vil­voorde était fiché par des ins­tances euro­péennes comme ville où les extré­mistes recru­taient le plus de jeunes de Bel­gique et d’Europe. Un taux impor­tant de ces jeunes âgés de 13 à 15 ans par­taient en Syrie. Et par la suite, ces mêmes jeunes, deve­nus des cadres au sein de Daesh, recru­taient en Bel­gique depuis la Syrie par inter­net ou d’autres moyens. Sur 28 jeunes de Vil­voorde par­tis en Syrie rejoindre Daesh, seuls 8 sont reve­nus à Vil­voorde. Sur les 8, nous sui­vons par­ti­cu­liè­re­ment deux d’entre eux, car le juge a déci­dé de les remettre en liber­té. L’un des deux porte un bra­ce­let élec­tro­nique et se trouve sur le ter­ri­toire bruxellois.

Quelles sont les mesures que vous avez prises par rapport à la radicalisation ?

J’ai mis sur pied un plan anti­ra­di­ca­lisme, rapi­de­ment vali­dé par le Conseil com­mu­nal. Nous avons ensuite pro­cé­dé à une sen­si­bi­li­sa­tion auprès de dif­fé­rentes ins­tances comme les écoles, la police, le CPAS, le centre d’Aide aux Vic­times (CAV) ou les ins­tances sociales.

Nous avons aus­si direc­te­ment impli­qué les familles des indi­vi­dus par­tis en Syrie. J’ai pris­beau­coup de temps pour les accueillir et pour entendre leurs pro­blèmes à l’Hôtel de ville. Nous les avons tou­jours consi­dé­rés comme des vic­times. Cela n’existe pas une mère qui soit fière de son gar­çon par­ti com­battre en Syrie. Au contraire, ces familles sont minées par la peur de voir par­tir leurs autres enfants. En 2013, quand j’ai vrai­ment vou­lu mettre fin à ces départs qui pre­naient de l’ampleur, des mères m’ont deman­dé de reti­rer les cartes d’identité de leur fils pour les empê­cher de par­tir. Nous tra­vaillons donc avec des groupes de mères de jeunes sala­fistes afin d’éviter qu’ils ne se radicalisent.

Nous avons aus­si for­mé un gui­chet unique, où toutes les infor­ma­tions que nous rece­vons des parents ou de la mos­quée sont cen­tra­li­sées. Le fédé­ral sub­ven­tionne la mis­sion de notre fonc­tion­naire anti-radi­ca­lisme Jes­si­ca Soors. C’est une fonc­tion très spé­ci­fique mais aus­si très déli­cate parce qu’elle a besoin du sou­tien et de la confiance de tous les groupes. Notam­ment celui des « fla­mo-fla­mands » car tra­vailler de concert avec la mos­quée, les immi­grés, et les familles des jeunes par­tis au Dji­had, c’est par­fois pour eux très dif­fi­cile à accepter.

Dans le même temps, nous avons aus­si déci­dé d’organiser des for­ma­tions pour nos poli­ciers afin de leur faire com­prendre que tous les jeunes qui portent une barbe n’étaient pas for­cé­ment radi­ca­li­sés ou leur expli­quer ce qu’était le rama­dan. J’ai aus­si for­mé une table-ronde met­tant en contact à la fois des poli­ciers et des jeunes sala­fistes qui ont déjà connus des démê­lés avec la police.

Les groupes de tra­vail col­la­borent effi­ca­ce­ment, d’autant que la plu­part des per­sonnes qui les com­posent sont presque toutes d’origine immi­grée. Ils connaissent la moi­tié des jeunes par­tis en Syrie. L’engagement de la mos­quée est aus­si pri­mor­dial. Je peux, par un simple coup de fil, par­ler avec l’imam. Je constate vrai­ment un enga­ge­ment, une mili­tance de la part de la com­mu­nau­té musul­mane de Vil­voorde, y com­pris de jeunes sala­fistes qui se sont enga­gés contre les extré­mistes. Notre col­la­bo­ra­tion est vrai­ment struc­tu­relle et quotidienne.

Il ne faut sur­tout pas relâ­cher ce dis­po­si­tif, car cer­tains jeunes sont tou­jours sus­cep­tibles de par­tir vers la Syrie. Néan­moins, depuis le 2 mai 2014, plus aucun jeune n’a quit­té la ville.

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