Votre parti a perdu beaucoup de plumes lors des dernières élections en Flandre. Comment comptez-vous remonter la pente et revenir à l’avant-scène politique ?
Un des fers de lance — et de relance — de mon parti va consister à renforcer les sections, s’organiser de façon à être beaucoup plus présent dans les rues, les lieux d’activité, les lieux et salles culturels, etc.
Ce qui veut dire qu’en termes de participation, il s’agit non seulement de rencontrer les gens, mais aussi leur expliquer la politique que l’on entend mener dans les prochaines années. Et expliquer également ce que nous faisons déjà en termes sociétaux.
Cependant, ce qui nous a occupés ces six derniers mois, c’est surtout la crise des réfugiés et la série d’attentats, il était impossible d’éluder le sujet. Ces derniers temps, je remarque, au travers des sondages, qu’il n’y a pas de dynamique forte au sein des partis hyper-conservateurs en Flandre. Par contre, les partis de gauche réunis, Groen, PVDA et nous sp.a, avancent et progressent bien. Les partis actuellement au Gouvernement perdent dans la totalité. Plus d’investissements pour la défense et la sécurité, moins d’investissements pour les maisons de repos, l’augmentation de la TVA, le saut d’index, plus d’impôts pour les gens, moins d’impôts pour Electrabel : je suis persuadé que le gouvernement va payer cash l’injustice et l’inégalité de toutes ces mesures et décisions prises.
Pour tout vous dire, nous sommes en train de poursuivre trois objectifs :
1. Renforcer toute l’organisation du parti dans les sections.
2. Revoir complètement le contenu du programme. Pour ce faire nous avons organisé un congrès où le débat a été mené par les membres, avec une ouverture sur les textes qui a été décidé au congrès-même.
3. Réformer le parti avec comme lignes conductrices le décumul et la formation des listes.
Ces trois priorités nous semblent essentielles. Des choses ont déjà émergées depuis six mois, mais nous continueront sans relâche. Ce sont des priorités absolues. C’est dit. Le reste viendra après.
Vous n’exercez plus de mandat politique ?
Non, je suis uniquement membre du Conseil communal à Ostende. Pour le reste, j’ai démissionné de tout. Je veux qu’il y ait un vrai décumul en globalité au Parti socialiste. C’est une sérieuse et importante discussion que nous sommes en train d’avoir à l’intérieur du parti. Je veux vraiment consacrer une partie de mon temps à rencontrer les gens, à être plus proche d’eux. J’ai constaté combien il existait une dichotomie entre ce qui se discute au parti ‑les réflexions et analyses au sommet- et la réalité sur le terrain. Le décalage est terrible. Il faut descendre sur le terrain, c’est la seule façon de faire de la politique de proximité.
Y a‑t-il un événement, un personnage historique ou politique qui a marqué votre parcours politique et ce pour quoi vous êtes en politique aujourd’hui ?
Il y en a plusieurs, dans le passé et dans le présent. Et pourtant, je constate qu’il n’y a finalement pas une personne ou plus importante qu’une autre à mes yeux à l’heure actuelle. En fait, ce qui a sans doute eu l’impact le plus important dans ma vie et qui a probablement dessiné et sculpté ma carrière au niveau réflexif, c’est mes 10 ans passés à travailler dans une asbl qui organisait des vacances d’été pour des personnes souffrant de handicap mental. Ce que j’ai appris là-bas m’a vraiment formé en termes de personnalité et de rapports humains. Beaucoup plus fortement que la référence à des personnages connus.
Vous avez été Secrétaire d’État fédéral à la lutte contre la fraude fiscale et la fraude sociale. Récemment à la VRT, vous avez été confronté à Bart De Wever sur la question de la sécurité sociale. Comment avez-vous réussi à le déstabiliser et à lui faire perdre ses moyens ?
Il est vrai que les gens ont été un peu surpris. C’est pourtant très simple. Bart De Wever a lancé un slogan : « on doit épargner dans la sécurité sociale ». Je lui ai simplement demandé la signification de ce slogan et qui cela allait concerner : les pensionnés, les malades, les invalides ? Il a une stratégie de communication absolument parfaite qu’il maîtrise à merveille. Mais quand on lui demande d’expliquer sa phrase : pas de réponse. La société et la gestion de la politique exigent d’avoir des réponses à ce qu’on communique ! Avec Bart, la plupart du temps, c’est du vide…
Il est certain que ce gouvernement rend les riches de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres, je dirais peut-être par provocation, est-ce qu’il faudrait déjà penser à une 7e réforme de l’état ?
Pour l’instant, je tirerais un bilan ou un constat. Beaucoup de compétences ont été transférées aux régions et notamment en Flandre. Ce que les dirigeants ont fait ou n’ont pas fait, c’est soit rien ou alors prendre la décision de reculer, par exemple en s’attaquant aux allocations familiales. Celles-ci étaient la mesure la plus importante et ce qu’ils ont fait, c’est la bloquer et procéder à un saut d’index. C’est ça leur réforme en réalité. Constat accablant, un an et demi après, les gens n’ont pas vu leurs allocations familiales indexées. C’est affligeant…
En matière de pauvreté, c’est encore pire aujourd’hui ?
En ce qui concerne la pauvreté, le bien-être de la jeunesse, ces matières représentent presque 95% des compétences régionales, par contre la santé mentale n’a pas été transférée aux régions par exemple. À l’heure actuelle, certains politiciens disent : il faut transférer le bien-être pour les jeunes aux régions à 100 %. Je leur réponds : « Ok, votons ». C’est une autre façon de voir les choses que de dire : « Il faut une 7e grande réforme de l’État ».
Comment analysez-vous le comportement du 1er ministre Charles Michel qui, je trouve, contre toutes règles déontologiques a formé une majorité au fédéral avec un parti unique côté francophone, en l’occurrence le sien le MR ? N’est-ce pas anticonstitutionnel pour vous ?
Personnellement ce n’est pas anticonstitutionnel. Il est vrai que c’est assez inédit dans le genre, mais je pense que lorsqu’on a la possibilité de devenir Premier ministre, on est prêt à laisser tomber beaucoup de choses qui paraissaient importantes et à faire pas mal de concessions. Il est certain que pour Bruxelles et la Wallonie, la situation apparaît un peu bizarre. Trois partis flamands et un seul parti francophone à la barre. Ce que je pense c’est qu’à long terme, il sera assez difficile de se positionner en tant que défenseur de la Belgique et en même temps d’accepter une telle composition gouvernementale. Ce sont deux paramètres totalement éloignés l’un de l’autre.
Donc pour vous le gouvernement tiendra jusqu’en 2019 ?
Ça personne ne peut l’affirmer ! À chaque jour qui passe, les ministres sont continuellement en lutte. Et pourtant ce gouvernement survit ! Le CD&V n’arrête pas de clamer que ce gouvernement prend des mesures antisociales, mais ils continuent à décider de telles mesures et à les voter. Les quatre partis acceptent de se placer dans cette situation abominable. Le pouvoir à tout prix.
Quelle réponse préconisez-vous face à ce gouvernement qui remet en question les allocations familiales, les allocations de chômage, les soins de santé et qui diabolisent les actions syndicales ?
Ce gouvernement réalise des dépenses énormes vis-à-vis des multinationales. Bien sûr, on pense tout de suite à Electrabel, mais pas seulement. Il faut savoir que plus de 2 milliards d’euros ont été injectés au profit de diminution de taxes pour les multinationales. Ce qui est absolument terrifiant, c’est de diminuer encore plus les budgets des familles, des pensionnés et même des indépendants. Ils étaient déjà en grande difficulté, désormais ils le seront davantage. Les factures d’eau ou d’électricité sont beaucoup plus lourdes pour les ménages en Wallonie. Ce gouvernement a le culot de réclamer encore plus d’efforts à ceux qui éprouvent déjà des difficultés et, en contrepartie, ils donnent des milliards aux multinationales. C’est le thatchérisme au pouvoir ! Le Tax shift est très injuste. C’est tout au plus un glissement fiscal qui ne renforce pas le pouvoir d’achat. C’est totalement faux, on le voit bien. Nous venons de recevoir les statistiques européennes en ce début février : la croissance économique est en recul et les budgets des familles ne s’accroissent pas avec l’économie. Après un an et demi d’exercice gouvernemental, le pouvoir d’achat est vraiment sous pression, nous dit l’Europe. Même si bien entendu le Gouvernement flamand le désavoue ! De plus, la façon dont il diabolise, méprise et s’attaque aux syndicats démontre bien que l’on va vers du thatchérisme à l’état pur.
Que pensez-vous du mouvement des flamingants de gauche baptisés « Vlinks » qui disent que « la Flandre doit être une région ouverte » ? Qu’est-ce qu’ils veulent dire par là selon vous ?
C’est assez remarquable, la mise en place de ce parti Vlinks maintenant. Ce sont des gens qui se revendiquent flamingants, mais qui se détachent complètement de la N‑VA. Ils se désolidarisent par rapport aux mesures sociales qu’ils trouvent inacceptables. Il est clair que finalement un grand nombre de gens considèrent que la situation socioéconomique est en grande souffrance. Il faut une relance de l’emploi et un meilleur avenir pour la population. Certes, d’autres compétences sont plus acceptables au niveau fédéral en termes de gestion. Mais il faut garder sans cesse à l’esprit le souci de l’objectivité, de l’efficacité pour rendre la vie beaucoup plus agréable, plus supportable pour les gens. Notamment d’un point de vue communautaire, ce point de vue n’a pas souvent été négocié. C’est pourtant un des grands objectifs pour améliorer le quotidien des gens.
Que pensez-vous de la législation belge voire européenne en matière d’accueil des migrants ? Est-ce que pour vous la Turquie et l’Ukraine ne devraient pas être intégrée à l’Europe ? Cela ne résoudrait pas des problèmes de migrations ?
Non, pas du tout. Il ya deux phases à observer. Je pense que la législation belge, s’attache à savoir comment recevoir les gens, les nourrir, les loger, les accueillir culturellement. Des propositions ont été introduites au Parlement. Malheureusement on constate que cela ne marche pas comme ça devrait. Ce problème d’accueil s’étend au niveau européen. On se regarde les uns et les autres, et on essaie de toujours déplacer les difficultés chez l’autre et qu’il amène les solutions ! Et ça il faut y remédier au plus vite, chaque pays doit prendre sa part de responsabilités.
Pour autant, je n’entrevoie pas une solution si la Turquie rentrait dans l’Europe. Tout le monde sait qu’on est allé trop vite dans l’élargissement de l’Europe.
Chaque fois qu’on vit une crise on voit qu’il n’y a pas de solution. Que ce soient la crise bancaire, la crise grecque, le dumping social, les réfugiés, les grandes crises n’ont jamais réellement connues de solutions « heureuses ». Donc, je pense qu’il faut maintenant cesser d’ajouter de nouveaux pays à l’Europe. Je pense que les solutions doivent émaner de l’intérieur de l’Europe. Pour l’instant qu’elles viennent de l’intérieur ou de l’extérieur, les résultats sont assez mauvais. On ne peut pas continuer une politique migratoire qui n’accueille pas décemment les réfugiés et qui les laissent sombrer dans une indifférence certaine, qui les laissent dériver dans des embarcations précaires jusqu’à en mourir. C’est urgent, il faut des solutions européennes communes.
Comment voyez-vous l’avenir de la jeunesse actuelle avec toutes ces mesures réactionnaires et peu constructives ? Les jeunes auront-ils un avenir durable selon vous ?
J’ai publié en janvier un livre intitulé Ctrl+Alt+Del. Le volume 1 se nomme Eerlijker is beter, c’est-à-dire « Ce qui est honnête est mieux ». Le sujet central de mon livre est de s’interroger sur toute la communication politique majoritaire aujourd’hui, pour savoir si les jeunes de 18 ans connaîtront un meilleur avenir que celui qu’ils connaissent actuellement. Je n’en suis pas du tout certain. Par conséquent, nous, les socio-démocrates socialistes, devons trouver des solutions pour rendre confiance à la jeunesse actuelle. Nous devons travailler à son amélioration. J’y parle aussi économie, job, sécurité sociale, robotisation, nouveaux statuts sociaux. J’y plaide également pour moins de complexité administrative. Dans le gouvernement actuel, il y a très peu de personnes prêtes à engager de nouvelles pistes et discuter de vraies alternatives qui rendraient le futur de la jeunesse moins dur à supporter. Ainsi, je propose la semaine de travail à 30 heures. Dans une carrière professionnelle, une semaine de 30 heures devrait assurer une protection sociale complète. Dans le passé, les femmes qui choisissaient de travailler à temps partiel, bien souvent pour s’occuper des enfants, se voyaient pénalisées le temps de la pension venu. Avec cette proposition de 30 heures semaines, ces personnes bénéficieront cette fois d’un temps libéré pour convenances personnelles et verront le système de sécurité sociale adapté en fonction, et non plus sanctionnant. J’estime que s’il existe plus de productivité et plus de robotisation, tout cela doit profiter et se retrouver dans le salaire, dans la pension des gens, mais aussi dans une libération du temps. On entend partout dire que « tout le monde doit faire des efforts, tout le monde doit travailler », certes, mais à condition que toutes les personnes qui travaillent, reçoivent une partie de cette fortune sociétale. Que l’on pourrait redistribuer en salaire, en pension et en temps. Certes, c’est un tout autre système qui se mettrait en place. Mais discutons-en maintenant !
Aujourd’hui beaucoup de jeunes ne croient plus du tout aux politiques et y sont même souvent farouchement opposés. Ils créent des mouvements alternatifs. Comment peut-on rendre confiance à ces jeunes selon vous ?
C’est bien pire que de manquer seulement de confiance vis-à-vis des politiques, ils manquent surtout de confiance à l’égard des institutions. On l’a constaté fortement dans les débats parlementaires à propos de la radicalisation, mais c’est vrai aussi pour d’autres sujets. Qu’il s’agisse de la justice, des médias, de la politique, la confiance est très faible. Du coup, les gens s’organisent politiquement, mais de manière totalement différente. Que ce soient Podemos en Espagne, ou Syriza au tout début. On a aussi ce qui s’est passé en Angleterre avec Corbyn, ou encore aux États-Unis avec Sanders. Les gens font l’analyse qu’ils n’ont plus vraiment d’impact sur leur propre vie, ni sur la politique. Dès lors, ils sont en recherche d’une autre démocratie, d’un autre paradigme où ils auront à nouveau prise sur leur vie. À Barcelone, ce sont les banques qui ont créé les crises. Du coup les gens sortaient de leurs maisons, se regroupaient, s’organisaient pour tenter de changer tout cela. Ironie du sort, la personne qui menait et organisait ce contre-pouvoir pour peser de tout son poids sur les banques est devenu Maire de Barcelone. Tout simplement !
Le défi de la croissance, ou l’espoir de voir les institutions mieux défendre la justice dans sa globalité, la politique, les médias, s’organise autour de leaders qui deviennent ensuite des politiciens influents. Et ceci n’est pas spécifique au sud-européen, c’est à l’échelle mondiale. Il suffit de voir le succès rencontré par Bernie Sanders aux États-Unis.
Le sp.a aux prochaines élections fédérales, il sera où selon vous ?
Je ne sais pas vraiment où l’on sera. Mais l’idée que je m’en fais, est de dire il y a dix ans d’ici, nous étions autour de 20 %. Actuellement et au regard de ce qui se passe au niveau socioéconomique en Europe et dans le monde, nous avons le devoir d’être là, suffisamment forts pour lutter contre l’injustice journalière grandissante. C’est un point d’honneur que je mets.
Que pensez-vous du plus célèbre des Ostendais contemporains ?
Vous faites allusion à Arno ! Je suis souvent en contact avec lui. Car tout comme moi, il partage sa vie à la fois à Bruxelles et à Ostende ! J’étais un vrai fan de TC Matic et dans mes speechs en français, je parle le français avec une pointe d’accent ostendais, un peu comme Arno. Si tout le monde comprend Arno, ça devrait aller pour moi aussi ! Vous savez sur le plan culturel, beaucoup de choses se passent à Ostende. C’est une ville qui vit pleinement sa culture. Nous avons eu des artistes, de James Ensor à Marvin Gaye. Cette vie culturelle ne s’est jamais arrêtée. Énormément de musiciens, peintres, écrivains… résident et travaillent à Ostende. Il y a un véritable vivier culturel.