Kris Dane

« Ma démarche n’est pas de faire, mais d’être ! »

Photo : Charlie De Keersmaecker

Kris Dane est un auteur-com­po­si­teur-inter­prète à la tren­taine assu­rée qui donne l’impression d’avoir tou­jours joué de la musique, jusqu’à en faire une sorte de seconde peau. Avec « Rose of Jeri­cho », l’album qu’il vient de sor­tir, il offre un rythme plus groove, plus ter­naire, plus soul, où flotte un vent afri­cain. Sa tex­ture vocale est à la fois puis­sante et empreinte d’émotions. Des textes poé­tiques à conso­nance pro­phé­tique le jalonnent de bout en bout.

D’origine anver­soise et Bruxel­lois d’adoption, Kris Dane, gra­vite sur la scène belge depuis une quin­zaine d’années. À 17 ans, il était déjà bat­teur et pia­niste de dEUS. Il a ensuite enchai­né les pro­jets artis­tiques des plus variés, tels l’opéra de Phi­lippe Boes­mans, Aka Moon, Ictus, Ghin­zu ou encore la com­po­si­tion de la musique des spec­tacles d’Anne Tere­sa De Keers­mae­ker. « Rose of Jeri­cho » consti­tue le troi­sième album d’une tri­lo­gie après « Songs of Crime & Pas­sion » en 2007 et de « Rise & Down of the Black stal­lion » en 2008.

On dit sou­vent de lui que sa musique dégage un son amé­ri­cain, ce qui lui semble nor­mal pour un artiste néer­lan­do­phone, qui parle l’anglais à la mai­son et le fran­çais avec ses amis, ses proches. Il tra­vaille énor­mé­ment avec des artistes et des pro­duc­teurs anglais et new-yor­kais. Amou­reux des grands espaces et des ter­ri­toires immenses, il aime leur culture jeune. Il a pas­sé sa jeu­nesse à Anvers, une ville por­tuaire. Il avait dès lors l’impression que la musique l’amènerait natu­rel­le­ment « de l’autre côté du canal ». En effet, Kris pense « qu’en Hol­lande, on res­sent à peu près la même chose, cela est peut-être spé­ci­fique aux langues germaniques ».

Comme Har­ry Bela­fonte, il est ins­pi­ré par la musique créole, comme Mar­vin Gaye par la musique tra­di­tion­nelle afri­caine. Poin­tant au pas­sage les tra­jec­toires qu’effectuent ces musiques. « Tout est lié, dit-il, l’Africain est allé en Amé­rique et la musique amé­ri­caine est venue en Europe ». Des réfé­rences amé­ri­caines qu’il assume com­plè­te­ment puisque son iden­ti­té musi­cale passe éga­le­ment par le blues, la coun­try, le gos­pel et le rock avec les figures d’un cer­tain folk mélan­co­lique et intem­po­rel comme Neil Young, Bob Dylan, Leo­nard Cohen et plus récem­ment Lloyd Cole and the Commotions.

Quand on lui demande quel est son rap­port avec l’écriture, Kris Dane vous répond « qu’il se consi­dère un peu comme un écri­vain qui n’a pas le temps de lire d’autres écri­vains ». Il conti­nue : « Ce qui me plaît par­ti­cu­liè­re­ment lorsque j’écris, c’est ce moment d’indépendance par rap­port à tout ce que l’on a appris aupa­ra­vant, cette liber­té retrou­vée qui sus­pend le temps ».

Il a l’âme d’un song­wri­ter qui soigne ses textes et pos­sède une approche réso­lu­ment poé­tique. Il parle beau­coup de ce qui l’entoure, de lui dans le monde, et du monde à tra­vers lui, sans jamais jouer la carte de l’individualisme. Il écrit sur l’amour, sur ce qui est proche de lui et le touche, sur l’amitié sin­cère. Le thème amou­reux reste son meilleur cré­neau, il se sent à l’aise pour s’exprimer sur un sen­ti­ment qu’il connaît bien… Pour lui la musique est che­villée au corps !

Par­fois, il s’engage dans des réflexions, de petites his­toires per­son­nelles mais qui ont tou­jours une por­tée uni­ver­selle. Ins­pi­ré par la poé­sie livresque et ciné­ma­to­gra­phique, il aime pen­ser en méta­phores et en images fil­miques. Si bien qu’il appré­cie par­ti­cu­liè­re­ment William Blake, ce peintre-poète pré-roman­tique bri­tan­nique. Si bien qu’il pré­cise avoir revu avec beau­coup de plai­sir « Eyes Wide Shut » de Stan­ley Kubrick, qui n’est pas pour autant son réa­li­sa­teur fétiche. Il avoue­ra qu’il n’en a pas vraiment…

Kris Dane habite le centre-ville de Bruxelles qu’il qua­li­fie gen­ti­ment de « petit New-York ». Quand on lui fait part des que­relles lin­guis­ti­co-régio­nales actuelles, il répond aus­si­tôt « que si on veut aller vers plus d’autonomie régio­nale, il fau­drait arrê­ter de prendre Bruxelles pour un enfant que l’on veut sépa­rer de ses parents. Bruxelles est déjà adulte, elle a sa propre iden­ti­té. » Et il pour­suit : « Il faut sur­tout ouvrir les esprits, relire les cartes, ne pas avoir une vision étri­quée des choses, faire preuve de bon sens. Mais atten­tion, ‘’bon sens’’ ne veut pas dire anarchie ».

Kris Dane « Rose of Jericho » 2014, Pias

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