Comment est né Let’s go urban ?
En 2008, en tant que femme de 21 ans, j’ai vu défiler à Anvers tant de défis sociaux à relever. Des défis dont les politiques ne s’étaient pas emparés. C’était le cas dans le secteur de la jeunesse, le secteur culturel ou sportif, le bien-être, mais également dans l’enseignement. Dès lors, en matière d’offre d’emploi, de nombreuses perspectives étaient et restaient possibles par rapport aux années antérieures. A cette époque nous étions très loin d’imaginer que les investissements que nous ferions avec les deniers publics seraient aussi rentables. C’est comme ça qu’est née Let’s Go Urban, une organisation culturelle flamande. La première en Belgique qui aborde le défi des changements démographiques (le rajeunissement, l’appauvrissement, l’accroissement de la diversité).
En 2012, Let’s go urban a 1000 membres à son actif, des jeunes, des enfants et adultes qui répondent en masse et avec enthousiasme à nos offres d’ateliers internes et externes, nos formations, nos performances en danse urbaine, musique et médias urbains.
Comment se passe cette belle aventure ?
Nous regroupons des jeunes très différents. Il y a un bon rapport entre autochtones et nouveaux Belges. Toutes les classes sociales, les religions et cultures sont représentées. Nous avons même une centaine d’ethnies dans l’organisation. Cette mixité sociale et culturelle est nécessaire pour construire un riche capital social. Il s’agit de jeunes venant de milieux précarisés. Nous les convainquons de prendre leur vie en main et de croire en leur force. Détachés de leur rôle de victime ou de la stigmatisation, nous souhaitons que ces jeunes, avec leurs compétences, atteignent ce qu’ils veulent et ce en quoi ils croient. Nous sommes extrêmement vigilants à ce que les études et l’emploi restent importants pour eux et restent un enjeu dans leur vie.
Que pensez-vous des récentes déclarations faites par Bart De Wever, celles de considérer que le hip-hop actuel incite à la criminalité ?
La seule chose que je puisse dire, c’est que les médias devraient pouvoir faire la différence entre le hip-hop d’une part (qui devrait conserver sa valeur) et d’autre part la culture urbaine. Cette dernière est une culture de jeunes dans les villes et elle est donc très diversifiée. Elle prend bien évidemment ses racines dans la culture hip-hop, mais pas exclusivement. Bart De Wever n’est pas le seul à déprécier le bling bling, comme on dit. Je le fais de temps en temps. L’étude sur le lien entre hip-hop et criminalité est pour moi irrecevable et ne relève pas d’une image objective. Bien au contraire, nous devons nous centrer sur la manière dont nous valorisons les jeunes et développons les cultures de jeunes. C’est le seul message que je porte, et selon moi, c’est un message qui peut être compris par chaque politicien.
Vers quoi allons-nous si la Culture est contingentée par les autorités de la ville ?
C’est peut-être une déclaration audacieuse, mais selon moi la culture n’est plus accessible au “peuple” depuis des années. Les chiffres des fréquentations montrent clairement qu’il n’y a pas de réflexion sociétale dans le domaine culturel. Dans le champ social, le « nous-eux » est encore très présent, nous sommes très conservateurs sur ce plan-là. La peur paralyse notre société et nous savons tous que celle-ci n’est pas bonne conseillère. Il est temps que la politique se remette au service des gens et qu’elle laisse les travailleurs œuvrer sur le terrain. La politique doit être plus ambitieuse, nous sommes en attente de résultats des institutions publiques financées. Pour cela, il faut avant tout avoir une vision sur le long terme et cela fait défaut malheureusement. Je suis convaincue que la nouvelle génération apportera un vrai changement.
Pensez-vous pouvoir un jour vous établir ailleurs qu’à Anvers ?
Absolument, les défis sont trop grands, Anvers est une ville trop petite. Je travaille depuis un an maintenant dans le Limbourg avec un certain succès, les résultats sont déjà visibles. J’imagine aussi un projet ambitieux pour Bruxelles qui pourrait répondre à beaucoup de défis bruxellois, notamment dans la collaboration avec les partenaires locaux (écoles, politiques, secteur privé, justice, médias.…). Je cherche donc à transposer mes plans pour Bruxelles qui s’adresseront tant aux jeunes qu’aux vieux.
Quelle est la perspective d’avenir de votre école ?
Let’s Go Urban continue d’évoluer comme une organisation qui présente des spectacles qui jouent à guichets fermés. Elle obtient un rendement social de valeur et laisse clairement voir les résultats d’un travail ascendant (bottom up), avec une vision, du courage, de l’audace, de la détermination et les défis du leadership. L’organisation est maintenant un centre urbain dans la ville. Un ancrage physique, dans lequel nous voulons asseoir un concept innovant pour tous les jeunes des milieux urbains. Ce centre nerveux est le cœur de l’organisation qui veut s’étendre dans les différents quartiers de la ville. Je désire lancer (dans d’autres provinces et avant tout à Bruxelles), un ambitieux projet qui rencontrerait de nombreux défis propres à la ville comme pallier l’abandon des études secondaires sans aucune qualification, le chômage des jeunes, l’obésité etc.
(Traduit du néerlandais par Anne-Lise Cydzik)