Cette année encore, c’est la seconde fois que la Fête du Travail a dû s’organiser de manière virtuelle. La seconde fois où cette date particulière de lutte pour l’amélioration des conditions de travail et des rémunérations a dû passer par un écran interposé. La seconde fois où la chaleur d’authentiques échanges humains, chargés émotionnellement par la nécessité d’imaginer un autre mode, a dû laisser la place à l’environnement aseptisé de retransmissions en direct. Et pourtant, il est plus que jamais primordial de réfléchir à demain. Chômage partiel ou total, faillites, endettement, aides publiques afin de tenter de ne pas boire définitivement la tasse, la crise sanitaire que nous connaissons n’a fait que creuser un peu la fosse entre les plus riches et les plus pauvres.
« Nous sommes les premiers à être affamés, les premiers à mourir – Les premières lignes pour ces promesses en l’air – Et toujours le dernier quand la crème est partagée », entonnent avec hargne et détermination les Dropkick Murphys, formation de punk aux sonorités celtiques et originaires du Massachusetts, aux États-Unis. On est alors en 2003 et ces lyrics proviennent du morceau « Worker’s Song », une reprise de l’artiste anglais Ed Pickford, sur l’album « Blackout ». En 2003, le pays de l’oncle Sam était dirigé par le fils Bush, qui tentera de venger papa en lançant la même année une seconde guerre du Golfe, dès le mois de mars. Barry White et Johnny Cash expulseront leur dernier souffle et la Tesla verra le jour.
« Les personnes au pouvoir passent plus de temps à s’assurer que les personnes qui ont donné de l’argent à leurs campagnes soient heureuses plutôt que de faire ce qui est juste », explique quelques années plus tard Al Barr, chanteur de la formation. « Notre musique parle d’elle-même et l’a toujours fait. Nous sommes pro-syndicaux, nous sommes contre le racisme, nous soutenons l’ouvrier. Mais nous n’avons jamais été le groupe qui essaie de vous nourrir depuis la scène avec nos convictions personnelles1 ». Les musiciens ne veulent pas de discours militants quand ils s’exécutent devant leur public. Ils préfèrent que le fond politique de leurs propos ruissèlent naturellement de leurs morceaux. Ce ne sont pas des donneurs de leçon, des leaders d’opinion ou encore moins des influenceurs. Ils évoquent leur vécu, leur ressenti et leurs expériences. Avec « Worker’s Song », ils ne dénoncent pas une situation, ils déposent leurs tripes sur scène.
Pas de grands discours, mais bien des valeurs traduites en gestes. En 2013, ils sortent le morceau « 4 – 5‑13 », en hommage aux victimes du double attentat à Boston lors d’un marathon. Trois personnes y ont perdu la vie et 264 autres ont été blessées. Ken Casey, bassiste et vocaliste des Dropkick Murphys, ira tout d’abord leur rendre visite personnellement. Quelques mois plus tard, le groupe leur offrira les recettes des ventes du merchandising, soit un peu plus de 400 000 dollars2.
« Toutes ces choses que le travailleur a faites – Du labourage des champs au port d’arme – Nous avons été attelés à la charrue depuis le début des temps – Et on s’attend toujours à ce qu’il porte son fardeau ». L’ombre du Covid planera encore de longues années sur l’ensemble du globe terrestre. En Europe, la situation économique n’est certes pas simple et des solutions devront être trouvées, mais bon nombre de pays ont pu néanmoins activer des mécanismes visant à pallier les conséquences des confinements et des restrictions de déplacement. La chute est par contre vertigineuse pour les États dépourvus de filets de protection sociale et de programmes d’aides. La Banque Mondiale catégorise une personne souffrant d’extrême pauvreté lorsque cette dernière vit avec moins de 1,90 € par jour. Avant la pandémie, l’institution prévoyait qu’il y aurait 31 millions de nouveaux pauvres en moins en 2020. Il apparaît qu’au final, iels seraient entre 88 à 115 millions… en plus. Soit un recul de plusieurs années en arrière par rapport à la lutte contre l’extrême pauvreté. La polarisation des richesses se grave un peu plus dans le marbre.