1916, une année exceptionnelle pour l’espèce humaine ! Verdun (650.000 morts), la Somme (plus d’un million de morts) et quelques cadavres épars… Ce fut aussi l’année d’un grand accord secret qui établit les sphères d’influence franco-britanniques au Moyen-Orient, alimentant aujourd’hui encore la rhétorique haineuse des abrutis de Daech (à vos souhaits). Mais alors me direz-vous : que célébrer en 2016 qui en vaille la peine, outre les 40 ans du punk ? Réponse : DADA.
Le siècle de DADA ! Voilà tout. DADA, fruit du hasard et d’une époque que le regretté Marc Dachy, spécialiste ès dadaïsme, résumait ainsi : « Seul un concours de circonstances exceptionnelles, la Première Guerre mondiale, un territoire neutre, la rencontre presque fortuite d’artistes rares et de quelques jeunes hommes libres refusant la folie meurtrière du temps, aura permis que dans le champ de l’art surgisse une appellation emblématique, ironique et non récupérable, DADA, slogan d’une constellation internationale d’artistes, de groupes, de rêves, de recueils et d’œuvres, radicale affirmation de la liberté de l’homme et du caractère irréductible des manifestations de la vie. » (in Dada et les dadaïsmes, Folio Essais, 2011).
Des origines de DADA on sait peu de choses : cela se passait à Zurich au printemps 1916, dans l’arrière-salle d’une taverne populaire, un lieu baptisé Cabaret Voltaire, en hommage à l’auteur de Candide. Parmi les « jeunes hommes libres » : Hugo Ball, Tristan Tzara, Richard Huelsenbeck, Marcel Janco, Hans Arp… Et puis ce mot qui aurait été trouvé en ouvrant un dictionnaire sans autre ambition que de trouver… un mot. Mais quel mot ! Le sésame qui aura redéfini rien moins que la nature de l’art et son appropriation subversive dans un monde en ruine.
Car DADA fut une rupture dont l’onde de choc touchera toutes les cultures contestataires du 20e siècle. DADA a fait entrer dans l’art des techniques nouvelles, reflets de la modernité (collage, découpage, photomontage, cinéma…), mais en se jouant de tout usage, de tout sens préétabli. Les sonorités et les mots deviennent eux aussi des matériaux utilisés pour façonner des langages nouveaux, délivrés des contraintes de sens. C’est la liberté totale pour chacun, chacune, individus et non plus seulement « artistes », de créer en toute liberté, affranchis des codes, des dogmes et des traditions éprouvantes. Dans un temps historique particulièrement troublé, cette faculté de réappropriation créatrice apparaît plus que jamais comme une nécessité absolue. En détournant des pans entiers des esthétiques dadaïstes, les punks de 1977 l’ont bien compris. C’est DADA qui est à l’origine de l’éthique do it yourself. Entre autres.
Mais penser DADA aujourd’hui c’est rester vigilant. Quand l’ « Art » et la « Culture » redeviennent moyens d’oppression, langues officielles des « élites », quand l’espace démocratique se réduit, confisqué par des représentants qui ne représentent plus qu’eux-mêmes, quand la politique perd toute capacité d’imagination et, plus prosaïquement, quand les cons pullulent, alors il faut rouvrir le dictionnaire au hasard et désigner le nouveau DADA.
Un site à consulter absolument : www.dada-data.net