NEW B : banque citoyenne

Photo : © Michel de Bray

La New B est une banque coopé­ra­tive se basant sur l’adhésion de dizaines de mil­liers de citoyens et de 90 orga­ni­sa­tions de tout bord. Alors qu’elle dépasse actuel­le­ment les 40.000 sous­crip­teurs, retour sur cette ini­tia­tive très roo­se­vel­tienne de créer une banque qui revienne déli­bé­ré­ment à son pre­mier métier : la récolte de l’épargne et l’octroi de cré­dit, pour finan­cer l’économie locale. Et qui s’interdit de pra­ti­quer toutes acti­vi­tés de spé­cu­la­tion. Le tout dans une pers­pec­tive de déve­lop­pe­ment durable et social. Ren­contre avec son pré­sident, Ber­nard Bayot.

Pouvez-vous nous rappeler le contexte de création de la new B ?

La créa­tion de la New B vient évi­dem­ment de la crise finan­cière de 2007 – 2008. Trois des quatre plus grandes banques belges n’ont dû leur salut qu’à l’intervention publique sans quoi elles tom­baient en faillite. Ça a mon­tré les limites d’une cer­taine finance…
Tout le monde en convient aujourd’hui : il faut mieux régu­ler le sec­teur finan­cier. C’est tous ces enjeux autour de la sépa­ra­tion des métiers, de la pro­hi­bi­tion d’un cer­tains nombres de pro­duits ou de ser­vices qui sont par­ti­cu­liè­re­ment dan­ge­reux, les bonus, les agences de nota­tion, toute une série de chan­tiers qui donnent quelques résul­tats, plu­tôt limi­tés jusqu’à présent…

Mais dans notre esprit, il ne suf­fit pas d’avoir un bon code la route, encore faut-il avoir de bons conduc­teurs ! Nous pen­sons qu’il faut une meilleure diver­si­fi­ca­tion des acteurs finan­ciers. La Bel­gique est une excep­tion au niveau euro­péen. Les acteurs dans leur très grande majo­ri­té n’y sont plus que des acteurs com­mer­ciaux clas­siques. Dans tous les pays de l’Union, il y a encore à côté de ceux-ci des caisses d’épargne, des banques publiques, des banques coopé­ra­tives qui occupent des parts de mar­ché extrê­me­ment importantes.
Or, des rap­ports euro­péens comme le rap­port Lii­ka­nen montrent que 1) ces ins­ti­tu­tions sont plus stables que les banques com­mer­ciales clas­siques et que 2) elles financent davan­tage l’économie réelle, l’économie locale. Donc, par­tant de cette idée-là, de la néces­si­té d’avoir une plu­ra­li­té d’acteurs et du fait qu’il n’y en a plus en Bel­gique, on s’est dit qu’il fal­lait abso­lu­ment déve­lop­per cette alternative-là.

Une banque est donc parfaitement viable sans activité de spéculation ?

Ce sont même celles qui ont le mieux résis­té à la crise ! A nos yeux, le sec­teur finan­cier s’est dévoyé dans un mélange des genres entre banque de dépôt et banque d’affaire. Concer­nant l’activité de base dans les banques d’épargne et de cré­dit, il y a moins de béné­fice mais il y a aus­si beau­coup moins de risque. Ain­si, une frac­tion des gens, 1 ou 2%, peuvent ne pas payer leurs traites ou payer en retard, mais on le sait et on l’intègre dans notre cal­cul. A l’inverse, l’activité des banques d’affaires, qui va prendre des posi­tions sur les mar­chés, est une acti­vi­té qui, si elle fonc­tionne, peut être beau­coup plus ren­table mais qui, en même temps, pré­sente aus­si beau­coup plus de risque. Le pro­blème n’est pas de mener l’une ou l’autre acti­vi­té mais de mélan­ger les deux. Les banques « uni­ver­selles » uti­lisent les dépôts des par­ti­cu­liers pour spé­cu­ler ou garan­tir des acti­vi­tés spé­cu­la­tives. Si les acti­vi­tés tournent mal, que le risque se maté­ria­lise, comme en 2007 – 2008, elles se retrou­ve­ront au bord du gouffre et inca­pables de rem­bour­ser les dépôts. C’est la rai­son pour laquelle nous allons faire uni­que­ment ce métier de banque de base et nous inter­dire, dans les sta­tuts, de faire la moindre acti­vi­té spé­cu­la­tive. Cela va assu­rer plus de sta­bi­li­té à l’institution et offrir plus de cré­dit à l’économie réelle et locale.

Sur quelles valeurs la New‑B se base-t-elle ?

D’abord, bâtir une banque coopé­ra­tive, qui appar­tienne à ses clients. A la fois, ce sont eux les action­naires et les béné­fi­ciaires des divi­dendes. C’est l’assurance de pou­voir par­ti­ci­per aux déci­sions, de pou­voir influen­cer les choix de la banque mais aus­si in fine de tou­cher des béné­fices s’il y en a.

Ensuite, c’est bien sûr de faire une banque qui exerce son métier clas­sique : récol­ter l’épargne et offrir du cré­dit sans aucune acti­vi­té spéculative.

Puis, c’est le carac­tère local. C’est une banque belge et luxem­bour­geoise qui récolte l’épargne dans ces pays-là et la réin­jecte via des cré­dits exclu­si­ve­ment en Bel­gique et au Luxem­bourg. Un nombre impor­tant de banques com­mer­ciales récoltent l’épargne en Bel­gique car cela coûte moins cher de la recueillir ici et l’utilisent ensuite à l’étranger. L’idée ici est de relo­ca­li­ser les ser­vices financiers.

Enfin, c’est un aspect de déve­lop­pe­ment durable. Chaque déci­sion, notam­ment en matière d’octroi de cré­dit, sera sou­mise à une double éva­lua­tion, l’évaluation éco­no­mique clas­sique (prise de risque, capa­ci­té de rem­bour­se­ment) et l’impact social et envi­ron­ne­men­tal. Ce n’est que si un peut répondre à ces deux aspects qu’il sera pris en considération.

Ce sera une banque normale qui proposera les services habituels ?

Oui. On sou­haite vrai­ment peser sur le mar­ché et pour ce faire, on doit pro­po­ser tous les ser­vices de base : le compte-cou­rant, le compte d’épargne, les moyens de paie­ment, les cartes de débit, cartes de cré­dit payables en fin de mois et tous les cré­dits (consom­ma­tion, hypo­thé­caire). L’objectif est de per­mettre à n’importe quel par­ti­cu­lier, n’importe quelle entre­prise, n’importe quelle orga­ni­sa­tion de faire à terme de la New B sa seule banque. Même s’il est bien enten­du qu’on ne fera pas tout un tas de ser­vices exo­tiques comme ouvrir des comptes en yens…

Votre appel à souscription pour obtenir un nombre de coopérateur a réuni plus de 40.000 coopérateurs. Comment interprétez-vous ce succès ?

On n’est pas sur­pris par le suc­cès mais par la rapi­di­té du suc­cès. Ça s’est enflam­mé. Il y eu des jour­nées à 7000 adhé­sions / jours ! Quand on ana­lyse les réac­tions des gens que nous avons reçues, on s’aperçoit que la moti­va­tion des per­sonnes, en grande majo­ri­té, n’est pas une réac­tion néga­tive par rap­port à la crise finan­cière. La crise a certes été un déclic, les gens se sont plus ren­sei­gnés sur la finance qu’auparavant on lais­sait aux spé­cia­listes. Mais adhé­rer à la New B, ce n’est pas un vote sanc­tion, ce n’est pas de la pro­tes­ta­tion. Au contraire dans la plu­part des cas, c’est l’adhésion à des valeurs posi­tives. Il y a déjà eu par le pas­sé des actions type bank run pour reti­rer l’épargne d’un coup des banques. Et puis d’un autre côté des choses pas très signi­fi­ca­tives comme des péti­tions ou faire un « I like » sur Face­book. Ici, ce sont des gens qui adhèrent à des valeurs, qui effec­tuent un paie­ment de 20 euros qui maté­ria­lise cette adhé­sion. C’est plus durable qu’un simple acte de pro­tes­ta­tion. Ici, on veut construire une ins­ti­tu­tion finan­cière dif­fé­rente, on s’inscrit dans l’avenir.

L’agrément de la BNB a de bonne chance de vous être accordé ou bien existe-il des obstacles majeurs ?

Pour exer­cer le métier ban­caire, il faut répondre à une série de condi­tions pru­den­tielles. On ne devrait pas avoir trop de sou­cis me semble-t-il à satis­faire toutes les exi­gences. On y tra­vaille. Nous sommes les pre­miers à dire qu’il faut qu’elles soient ren­for­cées pour rendre le sec­teur plus solide. Nous nous y sou­met­tons donc d’autant plus volon­tiers ! Nous répon­drons à ces exi­gences et on ira même au-delà pour un cer­tain nombre d’exigences mini­mum pré­vues par la régu­la­tion comme les exi­gences de fonds propres.

Pouvez-vous donner un horizon du lancement effectif ?

On peut ima­gi­ner, en fai­sant les choses cal­me­ment et avec pru­dence, qu’un délai mini­mum de 18 à 24 mois paraît rai­son­nable, pas d’ouverture avant fin 2014, début 2015 donc. Je tiens à insis­ter sur le fait qu’on ne se fixe néan­moins pas d’agenda dans le sens où on pri­vi­lé­gie la soli­di­té, faire les choses bien pour avoir une assise solide, si ça doit nous prendre 6 mois de plus, on les prendra.

Pour plus d’infos ou prendre une part dans la banque coopérative New B : www.newb.coop

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