Pouvez-vous nous rappeler le contexte de création de la new B ?
La création de la New B vient évidemment de la crise financière de 2007 – 2008. Trois des quatre plus grandes banques belges n’ont dû leur salut qu’à l’intervention publique sans quoi elles tombaient en faillite. Ça a montré les limites d’une certaine finance…
Tout le monde en convient aujourd’hui : il faut mieux réguler le secteur financier. C’est tous ces enjeux autour de la séparation des métiers, de la prohibition d’un certains nombres de produits ou de services qui sont particulièrement dangereux, les bonus, les agences de notation, toute une série de chantiers qui donnent quelques résultats, plutôt limités jusqu’à présent…
Mais dans notre esprit, il ne suffit pas d’avoir un bon code la route, encore faut-il avoir de bons conducteurs ! Nous pensons qu’il faut une meilleure diversification des acteurs financiers. La Belgique est une exception au niveau européen. Les acteurs dans leur très grande majorité n’y sont plus que des acteurs commerciaux classiques. Dans tous les pays de l’Union, il y a encore à côté de ceux-ci des caisses d’épargne, des banques publiques, des banques coopératives qui occupent des parts de marché extrêmement importantes.
Or, des rapports européens comme le rapport Liikanen montrent que 1) ces institutions sont plus stables que les banques commerciales classiques et que 2) elles financent davantage l’économie réelle, l’économie locale. Donc, partant de cette idée-là, de la nécessité d’avoir une pluralité d’acteurs et du fait qu’il n’y en a plus en Belgique, on s’est dit qu’il fallait absolument développer cette alternative-là.
Une banque est donc parfaitement viable sans activité de spéculation ?
Ce sont même celles qui ont le mieux résisté à la crise ! A nos yeux, le secteur financier s’est dévoyé dans un mélange des genres entre banque de dépôt et banque d’affaire. Concernant l’activité de base dans les banques d’épargne et de crédit, il y a moins de bénéfice mais il y a aussi beaucoup moins de risque. Ainsi, une fraction des gens, 1 ou 2%, peuvent ne pas payer leurs traites ou payer en retard, mais on le sait et on l’intègre dans notre calcul. A l’inverse, l’activité des banques d’affaires, qui va prendre des positions sur les marchés, est une activité qui, si elle fonctionne, peut être beaucoup plus rentable mais qui, en même temps, présente aussi beaucoup plus de risque. Le problème n’est pas de mener l’une ou l’autre activité mais de mélanger les deux. Les banques « universelles » utilisent les dépôts des particuliers pour spéculer ou garantir des activités spéculatives. Si les activités tournent mal, que le risque se matérialise, comme en 2007 – 2008, elles se retrouveront au bord du gouffre et incapables de rembourser les dépôts. C’est la raison pour laquelle nous allons faire uniquement ce métier de banque de base et nous interdire, dans les statuts, de faire la moindre activité spéculative. Cela va assurer plus de stabilité à l’institution et offrir plus de crédit à l’économie réelle et locale.
Sur quelles valeurs la New‑B se base-t-elle ?
D’abord, bâtir une banque coopérative, qui appartienne à ses clients. A la fois, ce sont eux les actionnaires et les bénéficiaires des dividendes. C’est l’assurance de pouvoir participer aux décisions, de pouvoir influencer les choix de la banque mais aussi in fine de toucher des bénéfices s’il y en a.
Ensuite, c’est bien sûr de faire une banque qui exerce son métier classique : récolter l’épargne et offrir du crédit sans aucune activité spéculative.
Puis, c’est le caractère local. C’est une banque belge et luxembourgeoise qui récolte l’épargne dans ces pays-là et la réinjecte via des crédits exclusivement en Belgique et au Luxembourg. Un nombre important de banques commerciales récoltent l’épargne en Belgique car cela coûte moins cher de la recueillir ici et l’utilisent ensuite à l’étranger. L’idée ici est de relocaliser les services financiers.
Enfin, c’est un aspect de développement durable. Chaque décision, notamment en matière d’octroi de crédit, sera soumise à une double évaluation, l’évaluation économique classique (prise de risque, capacité de remboursement) et l’impact social et environnemental. Ce n’est que si un peut répondre à ces deux aspects qu’il sera pris en considération.
Ce sera une banque normale qui proposera les services habituels ?
Oui. On souhaite vraiment peser sur le marché et pour ce faire, on doit proposer tous les services de base : le compte-courant, le compte d’épargne, les moyens de paiement, les cartes de débit, cartes de crédit payables en fin de mois et tous les crédits (consommation, hypothécaire). L’objectif est de permettre à n’importe quel particulier, n’importe quelle entreprise, n’importe quelle organisation de faire à terme de la New B sa seule banque. Même s’il est bien entendu qu’on ne fera pas tout un tas de services exotiques comme ouvrir des comptes en yens…
Votre appel à souscription pour obtenir un nombre de coopérateur a réuni plus de 40.000 coopérateurs. Comment interprétez-vous ce succès ?
On n’est pas surpris par le succès mais par la rapidité du succès. Ça s’est enflammé. Il y eu des journées à 7000 adhésions / jours ! Quand on analyse les réactions des gens que nous avons reçues, on s’aperçoit que la motivation des personnes, en grande majorité, n’est pas une réaction négative par rapport à la crise financière. La crise a certes été un déclic, les gens se sont plus renseignés sur la finance qu’auparavant on laissait aux spécialistes. Mais adhérer à la New B, ce n’est pas un vote sanction, ce n’est pas de la protestation. Au contraire dans la plupart des cas, c’est l’adhésion à des valeurs positives. Il y a déjà eu par le passé des actions type bank run pour retirer l’épargne d’un coup des banques. Et puis d’un autre côté des choses pas très significatives comme des pétitions ou faire un « I like » sur Facebook. Ici, ce sont des gens qui adhèrent à des valeurs, qui effectuent un paiement de 20 euros qui matérialise cette adhésion. C’est plus durable qu’un simple acte de protestation. Ici, on veut construire une institution financière différente, on s’inscrit dans l’avenir.
L’agrément de la BNB a de bonne chance de vous être accordé ou bien existe-il des obstacles majeurs ?
Pour exercer le métier bancaire, il faut répondre à une série de conditions prudentielles. On ne devrait pas avoir trop de soucis me semble-t-il à satisfaire toutes les exigences. On y travaille. Nous sommes les premiers à dire qu’il faut qu’elles soient renforcées pour rendre le secteur plus solide. Nous nous y soumettons donc d’autant plus volontiers ! Nous répondrons à ces exigences et on ira même au-delà pour un certain nombre d’exigences minimum prévues par la régulation comme les exigences de fonds propres.
Pouvez-vous donner un horizon du lancement effectif ?
On peut imaginer, en faisant les choses calmement et avec prudence, qu’un délai minimum de 18 à 24 mois paraît raisonnable, pas d’ouverture avant fin 2014, début 2015 donc. Je tiens à insister sur le fait qu’on ne se fixe néanmoins pas d’agenda dans le sens où on privilégie la solidité, faire les choses bien pour avoir une assise solide, si ça doit nous prendre 6 mois de plus, on les prendra.
Pour plus d’infos ou prendre une part dans la banque coopérative New B : www.newb.coop