Dans ce recueil de douze nouvelles, le collectif La Volte qui rassemble des auteurs aimant s’adonner à tous les genres de la science-fiction (dystopie, anticipation, récit post-apocalyptique, nouvelle e‑pistolaire), se penche sur l’avenir du travail. Par un exercice de ciblage et d’extrapolation des tendances actuelles du monde du travail, les auteurs dressent un panorama souvent glaçant, parfois amusant qui met des mots sur l’hyper-précarité, l’indignité, la mise en compétition, l’évaluation constante, la robotisation etc. Certaines nouvelles rappelant par ailleurs certains épisodes de la série Black Mirror, notamment sur l’horizon vertigineux de l’évaluation permanente.
Dans un monde où les techniques managériales utilisent les technosciences pour soumettre et contrôler l’individu, force est de constater que la dimension collective de la lutte et l’émancipation ne semblent plus guère au cœur des préoccupations démocratiques (sauf dans la nouvelle d’Alain Damasio). Et le travail, quand il subsiste, perd tout son sens ou devient vain et occupationnel (un peu comme les Bullshit Jobs évoqués par David Graeber). Le progrès économique, lui, reste dans les mains d’une élite. Citons par exemple Vertigeo d’Emmanuel Delporte, relatant la construction de tours énormes par des travailleurs qui ne voient plus jamais la terre ferme.
Typographiquement ingénieux et plein de trouvailles, ce recueil sombre et inégal est à ne pas mettre dans les mains de lecteurs déprimés mais néanmoins captivant pour celles et ceux qui, en guise de mise en pratique du catastrophisme éclairé, veulent se divertir en songeant à tout mettre en œuvre pour que ces visions restent du ressort de la science-fiction.
Olivier StarquitAu Bal des actifs, Demain le travail
Ouvrage collectif
La Volte, 2017