Ludovic Lamant, ex-correspondant bruxellois du journal français en ligne Médiapart, entretient avec la capitale et le projet de l’UE un lien ambigu, entre fascination et désespoir. Dans Bruxelles Chantier, il retrace l’histoire de certains bâtiments emblématiques du si critiqué quartier européen en mettant en parallèle leur construction chaotique avec le (dys)fonctionnement de l’UE elle-même. Il témoigne avec des mots simples de la complexité des enjeux de pouvoirs entre les institutions, face aux gouvernements nationaux et aux intérêts privés.
Il fait d’abord le constat personnel mais largement partagé que cette succession de portes battantes, de couloirs sans couleur, de vitres sans lumière, de grandeur sans éclat, provoquent tristesse et ennui. L’architecture est considérée dans ses dimensions impressionniste et symbolique : quel impact les constructions ont-elles sur les gens qui les fréquentent ? Que nous racontent-elles des institutions qu’elles abritent ? Elles sont pour l’auteur un symptôme des contradictions de l’UE, une clé de compréhension des dilemmes politiques qui en forment le cœur.
À l’heure où l’Union semble proche de l’éclatement (Brexit, montée des nationalismes, absence de légitimité démocratique, etc.), il s’appuie sur une série d’entretiens pour émettre des hypothèses. Ainsi, l’absence d’un projet urbanistique ambitieux et de véritables espaces publics dans le quartier européen serait le reflet d’un refus d’assumer trop visiblement la souveraineté de l’Union ; la culture du consensus, qui par souci de neutralité favorise la médiocrité, tendrait à aseptiser le bâti autant que les ambitions politiques – notamment à gauche. L’histoire du quartier européen nous parle de rêves et de projets contradictoires. Elle nous parle d’une imagination européenne sur le déclin, de l’histoire d’une ville qui a encore beaucoup à (dé)construire.
Valentine BonomoBruxelles Chantier
Ludovic Lamant
Lux, 2018