Troisième volet de sa trilogie sur l’Amérique post-11 septembre, Citizenfour a valu à Laura Poitras, sa réalisatrice, un Oscar et l’assurance d’être arrêtée si elle remettait les pieds aux États-Unis. Le film relate la genèse des révélations d’Edward Snowden. On peut y voir le huis clos haletant des premières rencontres à Hong-Kong entre un Snowden, petit soldat pétri de valeur humaniste, droit dans ses bottes en défenseur des libertés, et les journalistes d’investigation. L’ex-agent des renseignements devenu lanceur d’alerte les avait contactés sous le pseudo de Citizen four quelque temps auparavant. La tension est palpable entre protagonistes, craignant une irruption policière et redoublant de prudence. C’est que ces révélations sont explosives. Rien de moins que les preuves d’un espionnage massif de la population mondiale par l’agence américaine NSA. La plupart de nos télécommunications (téléphone, SMS, emails, recherches sur Google, échanges sur Facebook, etc.) sont interceptées, stockées et analysées. Les opérateurs de téléphonies mobiles et les multinationales des télécoms comme Apple ou Microsoft sont aussi de la partie. Inquiétant, car il nous place directement face à la machine de l’obscurantisme technosécuritaire, ce magnifique docu laisse tout de même entrevoir une certaine lumière, au travers de l’engagement sacrificiel de Snowden lui-même ou de l’équipe de journalistes d’investigation qui font leur boulot en traitant l’immense masse des documents communiqués. Mais nous n’avons pas encore saisi toute la mesure de ces rafales de révélations devenues une toile de fond presque acceptable, vécues comme une nécessité de la société numérique actuelle. Preuve en est, la France qui, malgré tout, vient de voter de véritables « lois scélérates » sur le renseignement, très dommageable aux libertés publiques instituant elles aussi une surveillance généralisée de toute la population. En attendant les révélations d’un futur Snowden français…
Aurélien BerthierCitizenfour
Un documentaire de Laura Poitras