Cette réédition revue et augmentée de Désobéir et grandir intervient à point nommé. Déjà parce que le débat sur la « transition » semble monopoliser le devenir écologique. Or, ce mot vague et rarement défini, prônant le mouvement permanent, peut contenir tout et son contraire. Ce terme insiste sur le changement sans jamais préciser de où et surtout sur quoi cette transition déboucherait. Mais aussi car la décroissance de droite (celle des baisses austéritaires des dépenses publiques) ou d’extrême droite (identitaire et visant à défendre le terroir) tentent de prendre leurs marques dans le champ de l’écologie politique. C’est pourquoi relire cet ouvrage du politologue décroissant Paul Ariès permet, au travers de la dizaine d’articles didactiques qui le compose, d’appréhender le projet décroissant (de gauche) dans ses spécificités. Un projet qui n’est jamais autre chose que la remise en place de l’économique au service du social et du politique. Il s’agit bien de démarchandiser la vie et son environnement dans le but, pour reprendre les mots de Louis Marion, de « remettre en cause l’économie du désastre ». C’est aussi, pour une humanité que le capitalisme a habitué à l’idéologie de l’illimité, une tentative de retrouver le sens des limites. Ainsi, Paul Ariès y plaide en faveur de la grève de la consommation, de la gratuité, du rationnement, du revenu minimum d’existence (non monétarisé précise-t-il) et s’attache à voir comment modifier notre rapport au temps, à l’alimentation, à la ville ou au travail. L’ouvrage, rassérénant, resitue le projet politique de la décroissance qui s’avère peut-être la seule utopie capable de rivaliser avec le solutionnisme technologique en nous proposant des perspectives attirantes qui nous désengagent du capitalisme : gratuité (c’est-à-dire où bon nombre de biens et de services seraient financés par la collectivité, à la manière de l’école), convivialité et bien-vivre.
Aurélien BerthierDésobéir et grandir,
Vers une société de décroissance
Paul Ariès
Écosociété, 2018