En 2010 – 2011, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord ont été secoués par des mouvements sociaux de grande ampleur. Huit ans plus tard, comment expliquer que ces soulèvements et que cette soif de bouleversements soient si vite retombés et rattrapés par la contre-révolution notamment en Syrie ? Le « printemps arabe » est-il définitivement enterré ? Ce numéro, d’Alternatives Sud analyse les dynamiques de ces révolutions et transitions, en cerne les enjeux à caractère religieux, géopolitiques, instrumentalisés. Il éclaire les paradoxes et contradictions. Comme partout ailleurs, les sociétés du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord sont divisées, prises dans des rapports sociaux de classe, « de race » et de genre, qui renvoient à des visions, intérêts et pouvoirs différents au cœur des luttes sociales. Bien souvent, leur transition s’est faite sans les acteurs des manifestations qui étaient venus à bout des régimes oppressifs mais plutôt au profit de forces politiques déjà instituées. Non seulement le pouvoir de la rue est resté déconnecté de la transformation des institutions, mais son caractère éphémère fut dans le même temps sa force et sa faiblesse. L’incapacité à expérimenter des voies nouvelles a laissé une place vacante, rapidement réinvestie par les acteurs politiques traditionnels et les élites. L’analyse critique et désenchantée faite dans ce numéro ne doit surtout pas pour autant hypothéquer la brèche émancipatrice que ces mouvements ont produite. Car ceux-ci ont montré, contre une série d’ « évidences » néolibérale et autoritaire, essentialiste et complotiste, toute la créativité et la puissance des classes populaires.
État des luttes, Moyen-Orient et Afrique du Nord
Ouvrage collectif
Alternatives Sud, Vol 25
Syllepse / Centre tricontinental, Automne 2018