La réalisatrice belgo-iranienne Sanaz Azari s’intéresse dans son dernier docu poétique aux plus méconnus des personnages peuplant les plateaux de tournage de cinéma : les figurants. Une série de petits instantanés issus de plusieurs tournages nous donnent à voir leur attente, leur ennui, leur précarité (on apprendra par exemple qu’ils doivent souvent venir avec leur propre costume !) et la réalité d’un métier où on doit constamment se plier aux injonctions de l’équipe de tournage. La bande-son égrène les annonces qui sont autant de résumés des dominations de pouvoir et de catégorisation sociale stéréotypée type : « Un homme typé arabe qui jouerait le domestique d’Isabelle Huppert… Des femmes blanches, milieux populaires, visages marqués… Des femmes noires parlant leur langue d’origine, cheveux crépus, pas de lissage. » Car ce que le docu rend particulièrement bien, c’est le jeu de miroir entre figurants de films et figurants dans la vie. On aurait peut-être apprécié plus de moment d’entretiens pour obtenir davantage d’informations sur ce que ces « invisibles » vivent mais l’essentiel est là : précaires, dominés, jeunes des quartiers populaires, sans papier, individus issus des classes populaires, à elles et à eux, on leur donne aussi souvent à jouer un rôle de figuration dans la vie sociale. Comme sans voix au chapitre, silencieux, à l’arrière-plan, les prolétaires des plateaux sont aussi ceux des bureaux, des usines ou de l’Onem.
Aurélien BerthierFaites sortir les figurants
Sanaz Azari, 2019