Ce livre de Jean-Claude Kaufmann, sociologue et directeur de recherche au CRNS, a pour titre « Identités, la bombe à retardement ». L’image de la bombe est plus explosive que le sujet du livre en lui-même puisqu’il explique de manière beaucoup plus édulcorée les éclats et les violences, devenant très vite incontrôlables quand la haine se déchaîne. La France va mal. Et l’Europe ne va guère mieux. Kaufmann estime que nous n’en sommes qu’aux prémices d’un nationalisme improbable qui glisse irrémédiablement vers le national-racisme. Rien ne permet de penser que la crise (crise économique élargie en crise de civilisation) puisse trouver une issue à court terme. Entrecoupée de quelques pauses, elle ne cesse au contraire de s’approfondir. Or, écrit Kaufmann, les milieux populaires, qui en subissent le plus fort des effets, sont les plus désarmés, par manque de ressources culturelles adaptées, face à la montée de l’intégrisme identitaire. La juste colère qui monte risque malheureusement d’être déviée vers de dramatiques impasses. Demain, des explosions pourraient se révéler inéluctables. De partout montent des crispations, des enfermements catégoriels ou communautaires, désignant d’improbables « autres » comme autant de responsables des malheurs endurés. Des « nous » racistes, des « nous » nationalistes, des « nous » religieux fondamentalistes. Mais qui est donc ce « nous » brandi comme un étendard et qui apparaît si évident à ceux qui le revendiquent ? Jean-Claude Kaufmann met le doigt sur les bonnes questions et dirige son analyse vers des pistes de réflexion autres et bien fondées.
Identités, la bombe à retardement
Jean-Claude Kaufmann
Éditions Textuel, 2014