Avec la BD I’m every woman, Liv Strömquist poursuit sa critique au vitriol de l’ordre patriarcal et de son projet « social » de la famille nucléaire. Au fil des pages de l’essai graphique, l’auteure nous explique comment tout ceci est une vaste construction culturelle tue‑l’amour au service des intérêts masculins vieille d’à peine cent ans, produit d’une vision de la classe bourgeoise projetant sa morale sexuelle et amoureuse sur la société toute entière. L’essai tisse sa trame autour de la naturalisation de cette institution et la questionne. Pourquoi aller chercher la légitimation de nos propres comportements en s’identifiant à ceux des animaux et se rassurer avec des histoires de manchots qui restent ensemble toute leur vie ? Liv Strömquist nous rappelle que c’est quand même celui qui n’a pas à endurer toute sa vie ce projet, le Pape pour ne pas le citer, qui est le plus grand zélateur de la famille nucléaire !
Ce trip politico-pop nous emmène dans les coulisses des pires boyfriends de l’histoire et c’est violent (séquestration, suicide). On y croise notamment un Ingmar Bergman exerçant son génie créatif pendant que toutes ses compagnes mettaient entre parenthèse la leur pour s’occuper de ses enfants…
L’ouvrage se clôt sur un beau portrait croisé de Voltarine de Cleyre, anarchiste américaine et de Yoko Ono, artiste avant-gardiste. L’une défendait la pérennité de l’amour,le refus de l’intimité permanente, l’autre la défense d’un art qui puisse être libre de toute forme d’emprise du couple. Bref, I’m every woman est un travail graphique salutaire à lire pour lutter contre l’hégémonie de la famille nucléaire et pour son humour. Partie à savourer particulièrement, le chapitre sur les enfants qui sont tous des ultras conservateurs partisans de l’ordre établi, et des fanas de la famille nucléaire et de la femme au foyer !
I’m every woman
Liv Strömquist
Rackham, 2018