En s’attachant à montrer le quotidien du centre d’accueil « Le relais du monde » de Natoye (entre Namur et Ciney) et de ses occupants, Je n’aime plus la mer témoigne d’une autre réalité et véhicule un message qui se veut plus lucide que celui transmis d’ordinaire par les médias. Ce film met également en lumière un exemple concret d’entraide et de solidarité suscitant non seulement de l’empathie mais aussi de la motivation pour venir en aide à ces générations du futur, quelle que soit leur nationalité, quel que soit leur statut. Certes, en filmant les témoignages de jeunes réfugiés relatant diverses situations traumatisantes, Idriss Gabel dresse un récit poignant : celui de ces enfants réfugiés à qui la parole n’est que trop peu donnée et qui, contraints de fuir leurs pays en traversant la mer dans des conditions périlleuses, voire meurtrières pour certains, ont trouvé refuge en Belgique où ils attendent désormais un permis de séjour. Néanmoins, en ne se focalisant ni sur les images d’horreur traditionnellement montrées, ni sur les discours sociopolitiques axés sur des chiffres et statistiques, mais en mettant l’individu au centre de son discours, le réalisateur présente une démarche profondément humaniste tant du point de vue de la forme (la caméra se veut très intimiste) que du contenu (le film se construit de lui-même au fil des interviews).
De plus, ce documentaire parvient à soulever différentes questions et à sensibiliser le spectateur : n’y a‑t-il pas acte plus humain et fondamental que celui de fuir pour se protéger et protéger les siens ? Bien que dans l’attente d’un statut « positif » ou « négatif », ces enfants ne disposent-ils pas avant tout du statut d’êtres humains ? Une reconstruction est-elle encore possible après de telles épreuves ? Comment s’intégrer dans un pays qui n’est pas le sien ? Quel est l’avenir de ces enfants ?
Je n’aime plus la mer
Un documentaire de Idriss Gabel, 2018