Comme l’économie impose sa grammaire au politique, les multinationales font la loi aux pouvoirs publics, nationaux comme supranationaux. Les États, en proie aux crises d’anorexie qu’ils s’infligent, se battent entre eux comme de vieux coqs affaiblis pour attirer les poules aux œufs prétendument d’or sur leurs territoires respectifs. La course somnambule au moins-disant fiscal, social et environnemental assèche les ressources publiques, brûle celles de la Terre et fait s’évaporer, avec la sécurité d’existence, le sens de l’humanité et de la socialité.
Au plan supranational (davantage propice, pourtant, à un rééquilibrage du rapport public-privé dans le contexte des forces de la globalisation), les constructeurs automobiles décrochent un bonus en matière de droit de polluer alors que l’encre de l’accord de la COP21, signé à Paris fin novembre 2015, n’est même pas encore sèche.
Les auteurs de Juger les multinationales y voient le signe de la montée en puissance des grandes sociétés transnationales, dont ils retracent le parcours. Au gré de celui-ci, on retrouve des noms connus (Coca-Cola, Monsanto, Shell, Nestlé, Bayer, Texaco…) associés à de retentissants scandales sanitaires, environnementaux, sociaux… un peu partout dans le monde. Le juriste Éric David (Droit international – ULB) et la journaliste Gabrielle Lefèvre (La Cité, Le Soir…) examinent, dans cet ouvrage, quelques-uns des crimes les plus significatifs commis par des multinationales, et les poursuites judiciaires dont certains ont fait l’objet. Car, en dépit de la grande volatilité de leurs capitaux et de leurs implantations, ces grandes firmes n’échappent pas au droit. Ni leur hégémonie à l’interrogation relayée par le cinéaste Ken Loach en préface du livre : « Ces immenses sociétés multinationales sont-elles compatibles avec un avenir démocratique ? »
Marc SinnaeveJuger les multinationales
Droits humains bafoués, ressources naturelles pillées, impunité organisée
Éric David et Gabrielle Lefèvre
GRIP-Mardaga, 2015