C’est en 1978, aux Etats-Unis que Susan Griffin signe ce texte fondateur, provocateur et précurseur de l’écoféminisme intitulé Woman and Nature. Traduit par Margot Lauwers et préfacé par Jeanne Burgart Goutal, le voici enfin disponible en français et sort dans un contexte de redécouverte du mouvement écoféministe. Le résultat est surprenant et complexe à la fois. Cet ouvrage se présente comme un collage discontinu et débridé ou, pour reprendre une image chère aux écoféministes, un patchwork entretissé de mille fragments, un monde kaléidoscopique. Ce livre n’est pas catégorisable comme étant un essai, un roman ou un poème, mais c’est tout ça à la fois. En effet, Griffin mélange et paraphrase des textes d’origines très différentes, tels que des traités gynécologiques, des manuels de sylviculture, des poèmes et des essais scientifiques. En plus de 400 pages, Susan Griffin assume l’association culturelle entre les femmes et la nature pour mieux la condamner. Le titre peut sembler faire l’apologie d’une identité essentialiste des femmes et de la nature, il n’en est rien en réalité. Susan Griffin mettant l’accent sur le ridicule d’une telle association : le livre est une dénonciation puissante de l’idée que la femme serait du côté de la nature ; l’homme, du côté de la culture. Si un lien particulier existe entre la femme et la nature, c’est plutôt celui de l’oppression dont elles font toutes deux l’objet. De ces premières analyses critiques de notre société émanant du mouvement écoféministe, un slogan se répandra comme une traînée de poudre : « Nous ne défendons pas la nature : nous sommes la nature qui se défend ! » Ce livre remet en question un certain nombre de nos comportements. Il met en exergue toutes les voix réduites au silence que l’on a tendance à oublier, que ce soit celles des femmes ou des nombreux êtres naturels dont nous partageons la planète, l’oxygène et l’envie de vivre.
Sabine BeaucampLa Femme et la Nature
Le rugissement en son sein
Susan Griffin
Le Pommier, 2021