Mateo Alaluf a produit ce petit ouvrage synthétique visant à revenir sur l’idée d’allocation universelle, ce revenu de base fixe et inconditionnel versé à tout le monde sans contrepartie. Cette idée pas si neuve (elle a au moins 30 ans) n’est pas non plus aussi progressiste qu’elle n’y parait. D’ailleurs, pourquoi diable cette mesure défendue par une partie de la gauche radicale l’est-elle également par des ultralibéraux ? Pour le sociologue, c’est parce que, inscrite dans les rapports de force qui structurent la société, elle peut s’avérer être une machine de guerre contre la sécurité sociale. Ainsi, nous met en garde Alaluf, elle entraînerait l’institutionnalisation de la précarité et une déréglementation complète du marché du travail. En résulterait une explosion des petits boulots sous payés (car on aurait un revenu de base) mais nécessaires (car le revenu de base serait très bas). Mateo Alaluf réalise ici une critique de gauche (car basée sur le principe d’égalité des conditions) de cette mesure vendue comme nouveau projet pour réduire chômage et pauvreté (singulièrement la version qu’a développée Philippe Van Parijs). Il en montre certaines contradictions et l’acceptation d’injustices et inégalités de la société qu’elle sous-tend. Loin d’être une réponse miracle à la crise de l’Etat-providence, le revenu universel serait avant tout une nouvelle ruse du capitalisme. Et l’auteur de prôner plutôt des mesures tels que le revenu maximal, la diminution du temps de travail et des minima sociaux aux montants suffisants. Une analyse à contre-courant qui nous force à réévaluer nos positions et montre que le débat sur le revenu universel est loin d’être clos.
Aurélien BerthierL’allocation universelle. Nouveau label de précarité
Mateo Alaluf
Couleur livres, 2014