En Égypte, les calligraphes sont des gens réputés qui pratiquent un art respecté de tous. Mohamed Hammam est un de ces artistes et artisans de l’écriture ornementale et il voit défiler du monde dans son atelier cairote avec qui il discute, le temps d’un thé, tout en traçant ses lettres. Ainsi, amis et clients viennent papoter, voisins et badauds sont là pour tuer le temps ou assister aux conversations qui s’emparent de l’atelier. Sauf que lorsque Natalia Duque Quintero, réalisatrice belgo-colombienne tourne ce docu au Caire, une révolution a eu lieu il y a peu ! Moubarak est tombé. Bref, désormais ça parle… politique ! Toutes les aspirations de la société égyptienne sont là, dans le microcosme de l’atelier de Hammam. Les conversations enfin débridées se mettent à refléter les manifestations nombreuses qui ébranlent alors la capitale. Et les tensions entre traditions et réformes, entre ces craintes et espoirs qui agitent la population à un moment où Sissi n’a pas encore remis une chape de plomb sur la société. Des discussions enfin possibles qui voient d’ailleurs les compagnons du calligraphe devenant citoyen à part entière se découvrir pas forcément alliés dans leurs opinions… Ce premier long-métrage complète parfaitement un autre docu belge sur l’Égypte postrévolutionnaire, Rester vivants de Pauline Beugnies, qui confronte cinq protagonistes des manifestations de 2011, de leur espoir à leur désillusion face à la reprise en main autoritaire de Sissi quelques années plus tard. À l’image de ces enfants qui « jouent » à manifester (une scène fantastique de L’atelier du calligraphe), on peut observer dans ces deux docus comment éclosent les bourgeons de la démocratie, forcément fragiles face aux vents contraires.
Aurélien BerthierL’atelier du calligraphe
Un documentaire de Natalia Duque Quintero
Atelier Graphoui, 2018