Plus d’un siècle après la publication du Das Kapital de Marx, le jeune économiste Thomas Piketty publie en un gros volume une minutieuse analyse de l’évolution du patrimoine depuis le Siècle des Lumières. Le résultat est édifiant : le capital hérité croît toujours plus que le patrimoine accumulé par une vie de travail. Et le taux de rendement de ce capital est toujours plus élevé que le taux de progression de la croissance économique. Moralité : malgré la mise en évidence constante de la méritocratie, malgré les politiques redistributives par la fiscalité et la sécurité sociale, malgré les combats de la gauche, nous vivons toujours dans une société d’héritiers, comme aurait dit Pierre Bourdieu. Et même si une classe moyenne s’est progressivement constituée au cours du 20e siècle, les inégalités sont plus fortes aujourd’hui qu’au début de ce siècle. L’intérêt du livre réside aussi dans le fait que Thomas Piketty propose des modes de régulation du capital pour l’avenir même s’ils apparaissent encore aujourd’hui totalement utopiques : un impôt progressif et mondial sur le capital comme l’impôt progressif sur le revenu a été la grande innovation fiscale du 20e siècle. Voilà bien un projet mobilisateur pour combattre les vertigineuses différences de ressources sur la planète : un cadastre financier du monde.
Jean CornilLe capital au XXIème siècle
Thomas Piketty
Éditions du Seuil, 2013