Vous êtes-vous déjà demandé où partent vos bouteilles, pots de yaourt et autres déchets plastiques après les avoir soigneusement triés ? Mikaela Le Meur y répond pour nous. Cette jeune anthropologue est l’auteure d’un court récit, entre le carnet de terrain et l’essai de sciences humaines. Dans son ouvrage, elle met en lumière les dessous de la mondialisation des déchets et nous emmène à la découverte d’un village vietnamien – Minh Khai – devenu « village plastique », l’un des fiefs de l’industrie des déchets et de leur « recyclage ». Riche et minutieuse, l’enquête de Mikaela Le Meur ouvre la boite noire dans laquelle sont enfouis nos déchets et documente leur invisibilisation, la délocalisation de la pollution qu’entraine leur traitement et la transformation des rapports sociaux occasionnés à Minh Khai. Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. Vraiment ? C’est en tout cas l’idée véhiculée par l’économie circulaire dont relève le recyclage. Le recyclage est bel et bien un mythe parce qu’il entretient plusieurs illusions : l’illusion d’une planète aux ressources infinies ; l’illusion que nos déchets disparaissent alors qu’ils ne sont qu’invisibilisés ; l’illusion que nous pouvons transformer, produire et consommer perpétuellement, sans que cela soit dommageable pour qui que ce soit. En réalité, le traitement de nos déchets impacte lourdement les habitant·es de Minh Khai, et les travailleur·euses de cette industrie florissante, et ce sont eux qui, chaque jour, subissent les conséquences de ce désastre sanitaire et environnemental. Le mythe du recyclage, parce qu’il pose un regard averti et critique sur la mondialisation des déchets, permet d’interroger nos propres écomythes, et de réaliser qu’au-delà d’inciter les individus au tri, il serait plus rentable – environnementalement parlant – de trouver les moyens de diminuer la suproduction de biens liée à un autre grand récit, celui de la croissance.
Claire CorniquetLe mythe du recyclage
Mikaëla Le Meur
Premier Parallèle, 2021