Après avoir couvert les candidats de gauche à la présidentielle de 2012, le journaliste Gérald Andrieu décide en 2017 de cesser de passer d’un Zénith à l’autre et entreprend plutôt un parcours à pied de 2200 kilomètres le long de la frontière Est de la France, de Bray-Dunes à Menton. Il part ainsi à la rencontre des habitants de la « France rance » comme les rédactions parisiennes les appellent. Ce journalisme d’immersion à la Jack London ou à la George Orwell l’incite à observer, écouter et à faire parler de politique, de désindustrialisation, d’immigration, de désertification des services publics. Ainsi, à Fesches-le-Châtel, il rapporte le départ prochain de la Poste, qui sera remplacée par un mini-bureau municipal et il mentionne à ce sujet une note de l’Ifop qui indique que la fermeture d’un bureau de poste provoque une hausse du vote FN de 3 points. Loin de la politique politicienne et de la transe macronienne qui a secoué le landerneau médiatique, il décrit les préoccupations des Français·e·s et les maux de la France : peur de perdre son emploi, terrible impunité des petits délinquants, coût de la vie. Il dépeint un peuple qui se sent abandonné par ses représentants politiques et il clôt chaque chapitre en notant le résultat de l’élection présidentielle dans la commune visitée en prenant le soin d’y faire figurer l’abstention, les votes nuls et blancs. Et ces taux-là montrent un peuple de la frontière qui fait sécession. Le livre va à l’encontre des préjugés sur une France rance, moisie, rabougrie, repliée sur elle-même, fermée et renfermée. Malgré leurs inquiétudes, tous les citoyens qu’il a rencontrés ont fait preuve d’hospitalité. Un livre passionnant et touchant qui évoque avec sagacité les destins silencieux des citoyens des confins.
Olivier StarquitLe peuple de la frontière,
2000 km de marche à la rencontre des Français qui n’attendaient pas Macron
Gérald Andrieu
Le Cerf, 2017