Peut-être moins littéraire et plus universitaire que Howard Zinn, et son Histoire populaire des États-Unis, La lutte et les Rêves, rédigée par Michelle Zancarini-Fournel, spécialiste d’histoire sociale, n’en reste pas moins passionnant et poursuit, pour la France, un but similaire : dresser une histoire du pays du point de vue des dominés, des femmes, des racisés, des colonisés, des ouvriers et paysans, des petites gens, de discriminés, des exploités, des sans-noms et non plus en suivant les « grands hommes ». C’est à travers cette multitude de vies, du « sans-culotte » au « sans-papier », que le récit mainstream est mis en balance. Une pierre dans le jardin du « roman national », n’en déplaise aux Zemmour, et autres Lorànt Deutsch, aux discours souvent basés sur une vision bourgeoise de la mémoire historique et se réduisant au seul Hexagone. Une relecture de l’Histoire importante qu’accompagnent d’autres ouvrages tels que l’Histoire mondiale de France, œuvre collective dirigée par Patrick Boucheron, un contre-récit de l’Histoire française décentrant notre regard hors des frontières de l’Hexagone. Dans La lutte et les rêves, on plonge, au travers de 1000 pages et trois siècles de luttes sociales, dans toutes les résistances et les combats dans l’espoir d’un monde meilleur et d’une sortie de la sujétion. On explore avec délice une version de l’Histoire inclusive, éclairant d’un jour nouveau des pans qu’on s’aperçoit avoir été enjolivés, mythifiés, ou tout simplement présentés sous une dimension unique, à l’école ou dans ses resucées médiatiques. Des luttes des esclaves à la colonisation vues par les Algériens envahis par l’armée française en 1830, de la Révolution française des prolétaires (et non plus des bourgeois) aux grèves des années folles, les subalternes font décidément aussi l’Histoire. En attendant une « Histoire populaire de la Belgique »…
Aurélien BerthierLes Luttes et les Rêves.
Une histoire populaire de la France de 1685 à nos jours
Michelle Zancarini-Fournel
Zones, 2016