Mon cousin le fasciste

Philippe Pujol

En France, cer­tains attendent le Grand Soir… où s’établira le pou­voir auto­ri­taire dont ils rêvent. Ils sont peu nom­breux mais déter­mi­nés. Le jour­na­liste Phi­lippe Pujol (Prix Albert Londres 2014 pour La fabrique du monstre) a explo­ré cette galaxie d’extrême droite à tra­vers la per­sonne d’Yvan Bene­det­ti, son cou­sin, fas­ciste mili­tant et membre fon­da­teur de l’Œuvre fran­çaise, aujourd’hui dis­soute. Les deux hommes se parlent mais leurs opi­nions poli­tiques sont radi­ca­le­ment oppo­sées. Le livre, remar­quable, lève le voile sur une réa­li­té à ne pas sous-esti­mer. Mais son inté­rêt majeur, c’est le décryp­tage que l’auteur fait de la situa­tion sociale en France (et en Europe). En par­lant de l’extrême droite en géné­rale, il constate : « Je me rends compte que son meilleur ter­reau reste la frus­tra­tion. Un sen­ti­ment accen­tué par l’incessante et uni­ver­selle peur du déclas­se­ment, vivre moins bien que ses parents, que les der­niers immi­grés arri­vés ne nous rat­trapent. Pire ! Qu’ils nous doublent. »
Plus loin, Pujol, ana­ly­sant la « révo­lu­tion conser­va­trice » en France, pré­cise : « On com­prend aisé­ment com­ment elle fonc­tionne : à par­tir du moment où tous les com­por­te­ments pro­gres­sistes se seront per­dus ; où les femmes contes­te­ront le fémi­nisme ; où les jeunes ne contes­te­ront plus rien ; où les immi­grés d’hier refu­se­ront les réfu­giés d’aujourd’hui ; où les sala­riés hon­ni­ront leurs syn­di­cats ; où les contri­buables lut­te­ront contre l’impôt ; où les radi­ca­lismes pros­pé­re­ront ; où la laï­ci­té sera per­çue comme com­mu­nau­ta­riste ; et la liber­té comme une fai­blesse ; à par­tir de ce moment-là, la France s’offrira au tota­li­ta­risme qui attend dans son fau­teuil et s’apprête à se lever sans que per­sonne sache com­ment l’arrêter. » Jusqu’ici tout va bien ?

Denis Dargent

Mon cousin le fasciste
Philippe Pujol
Seuil, 2017

 

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