Cet ouvrage collectif regroupe 5 enquêtes réalisées par des praticiens-chercheurs, qui sont autant anthropologues qu’acteurs de terrain (assistants sociaux, psychologues, travailleurs d’institutions scolaire, socioculturelle ou psychosociale). En première ligne sur des « lieux d’exils », ils relatent la galère de populations en relégation sociale : sans-abris, toxicos, anciens ou récents immigrés, avec ou sans papier, avec ou sans diplômes. Tous subissent des violences inouïes : violences sociales, administratives, symboliques. Ces « sans-destin » sont engagés dans une difficile quête identitaire au sein d’un pays d’accueil qui n’accueille pas ou plus. Petit à petit, cette insécurité sociale devient insécurité psychique, l’exil devient un exil intérieur et conduit à l’isolement. Les praticiens-chercheurs de ce livre racontent leurs expériences et expérimentations, les dynamiques de destruction sociale, frustrations, analyses et indignations. Ils inventent leur terrain autant qu’ils le découvrent. Leurs récits brossent le portrait d’une Belgique invisible, des mondes où l’existence est précaire. Mais l’étude regorge aussi de toutes les innovations, des hybridations culturelles à l’œuvre et des dynamiques plus subversives qui combattent ces destructions sociales et que bricolent ces publics et ces professionnels : adaptations, détournements, résistances, ruses et trouvailles pour survivre à la pauvreté, à la rue, à la honte. Cette étude de terrain originale aboutit à des conclusions très opératives et constitue en creux une boite à outils pour qui veut agir et interpréter cet univers des exilés, améliorer les choses, « faire soin », débusquer et encourager les passeurs de monde.
Aurélien BerthierPasseurs de mondes
Praticiens-chercheurs dans les lieux d’exils
Pascal Jamoulle (sous la direction de)
Academia, 2014