Pour éviter le krach ultime 

Pierre Larrouturou

Par­mi les nom­breux essais qui tentent de déchif­frer la crise finan­cière et éco­no­mique que nous tra­ver­sons, le livre de Pierre Lar­rou­tu­rou est un petit bijou de péda­go­gie, de pro­fon­deur et d’anticipation. C’est rare car l’analyse rompt avec la pen­sée com­mune de l’économie néo-clas­sique libé­rale dont les déci­deurs et les médias nous abreuvent. Par­mi les forces de domi­na­tion qui masquent l’aliénation des domi­nés, Karl Marx cite la reli­gion, l’école et l’économie poli­tique qui pos­tule un agent éco­no­mique ration­nel et égal dans le champ éco­no­mique. Cette impos­ture intel­lec­tuelle et poli­tique a plus que jamais cours de nos jours. Aus­té­ri­té, rigueur, lutte contre les défi­cits, allon­ge­ment du temps de tra­vail, acti­va­tion des chô­meurs, rien n’a chan­gé dans le menu que le capi­ta­lisme nous sert depuis plus de deux siècles pour main­te­nir sa logique. Vers le krach ultime ? Non. Pour l’éviter jus­te­ment, l’économiste fran­çais nous rap­pelle à l’histoire, nous les enfants de la mémoire si courte.

Il nous remé­more la poli­tique entre­prise par F. D. Roo­se­velt pour conju­rer la crise des années 1930 dont on se plaît tant à la com­pa­rer avec nos effon­dre­ments contem­po­rains. La stricte sépa­ra­tion des banques de dépôt et des banques d’affaires (le Glass-Stea­gall Act) a été voté en 1933 aux États-Unis, et un taux d’imposition sur les reve­nus des plus éle­vés por­té à 91 % — oui vous avez bien lu 91 % — en 1941 et qui per­sis­te­ra à 70 % jusque dans les années 1970. Pen­dant près de 50 ans, jusqu’à l’arrivée de Ronald Rea­gan, le taux supé­rieur fut en moyenne de 80 %. Vous ima­gi­nez pro­po­ser une telle impo­si­tion aujourd’hui ? Gau­chiste incons­cient, uto­piste dan­ge­reux… Lar­rou­tu­rou démonte aus­si le mythe de la crois­sance infi­nie, notam­ment en rai­son de son impact catas­tro­phique sur les sys­tèmes éco­lo­giques, écha­faude des scé­na­rios pos­sibles, dont celui d’une guerre avec la Chine pour l’accaparement de res­sources de plus en plus rares, com­pare les pro­gres­sions des taux de chô­mage en France et en Alle­magne qui, elle, a recou­ru mas­si­ve­ment aux temps par­tiels sans licen­cier les tra­vailleurs lors de la chute des expor­ta­tions en 2009…

Ce petit livre est pas­sion­nant, vision­naire et péda­go­gique. For­mi­dable anti­dote à l’hégémonie de la pen­sée domi­nante de l’économie des gou­ver­ne­ments euro­péens qui outre l’erreur his­to­rique de l’évacuation de la ques­tion envi­ron­ne­men­tale, se com­plaisent dans le cadre men­tal du capi­ta­lisme, moder­ni­sé mais tou­jours aus­si des­truc­teur. Qui, un jour, tire­ra les leçons de l’histoire ?

Jean Cornil

Pour éviter le Krach ultime
Pierre Larrouturou
(Préface de Stéphane Hessel)
Nova Éditions, 2011

 

Autres Popcorns "Lecture"