Pour l’intersectionnalité

Eleonore Lépinard et Sarah Mazouz

A force d’utiliser cer­tains mots, on en oublie le sens. Ou on pense le connaître, sans se rendre compte qu’on est par­fois à côté de ce qu’il désigne. Il en devient par­fois tel­le­ment poly­sé­mique, et à son insu, qu’il en perd de sa sub­stance. Il est néces­saire alors de reve­nir à la source. A cette démarche, Eleo­nore Lépi­nard et Sarah Mazouz s’y sont col­lées. Toutes deux sont socio­logue, la pre­mière est éga­le­ment pro­fes­seure de genre à l’université de Lau­sanne et la seconde est cher­cheuse au CNRS et membre de l’Institut Conver­gence Migra­tions. En ligne de mire : un néces­saire coup de pro­jec­teur sur ce que désigne l’intersectionnalité. Néces­saire car il s’agit là d’un terme cli­vant. Abhor­ré par certain·es, adu­lé par d’autres, l’intersectionnalité pro­pose d’adopter un para­digme socié­tal, de mettre le doigt sur la co-construc­tion et l’imbrication des rap­ports de pou­voir par la race, la classe et le genre. Une autre paire de lunettes afin de décryp­ter la socié­té, non plus en ten­tant d’établir un uni­ver­sa­lisme tron­qué car repo­sant sur une vision éri­gée par des groupes domi­nants, mais bien en par­tant du point de vue des per­sonnes domi­nées. Celles qui sont mises à la marge et invi­si­bi­li­sées. Une vision qui dérange, qui ques­tionne notre rap­port au monde et à la socié­té, qui inter­roge nos iden­ti­tés et les pro­ces­sus de pou­voir d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Ce concept ima­gi­né il y a plus de trente ans par des théo­ri­ciennes fémi­nistes raci­sées génère un appel d’air plus que néces­saire. Avec ses treize cen­ti­mètres de hau­teur et sa soixan­taine de pages, Pour l’intersectionnalité se glisse dans toutes les poches. C’est un livre qui demande à être lu et relu, à être mal­me­né à force d’être consul­té. Un aide-mémoire ain­si qu’un concen­tré d’arguments éclai­rants pour qui­conque pren­drait la peine d’emprunter cette vision du monde.

Pierre Vangilbergen

Pour l’intersectionnalité
Eleonore Lépinard et Sarah Mazouz
Anamosa, 2021

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