Le chercheur biélo-russe Evegeny Morozov continue de pourfendre les cyber-utopies diffusées par les services de relation publique de ces grandes divinités que sont les multinationales de la communication (les fameuses GAFAM, Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft). Sans oublier leurs prêtres, blogueurs et journalistes des nouvelles technos et évangélistes béats de l’hyper informatisation du monde. Le livre, parfois très mal traduit de l’anglais, présente donc les dimensions idéologiques du « webcentrisme » qui place internet comme cause de tous les phénomènes actuels et de son pendant, le « solutionnisme technologique », qui lui, vise à imaginer que des solutions technologiques viendront résoudre la plupart des problèmes en niant leurs causes sociales, politiques, ou économiques (qu’on songe seulement à Jeremy Rifkin par exemple). Morozov refuse l’idée d’une « révolution » technique qui bousculerait tout sur son passage sans qu’on puisse influer sur ces changements. Cette vision évacue trop vite la dimension historique des nouvelles technologies dont la mise au point s’inscrit dans un contexte politique et économique particulier qui influe sur leur développement. Internet a beau bousculer l’économie mondiale dans de nombreux domaines (de la musique à l’éducation, de l’édition aux taxis), il reste lui-même avant tout soumis aux lois du marché. S’il participe à la dérégulation économique, le numérique ne la résume pas, et la décide encore moins. Il n’est qu’un des outils d’une mutation ultra-libérale planétaire plus large. Le politique doit donc reprendre le contrôle de la machine, abandonné aux ingénieurs et aux publicitaires, et définir les règles de son utilisation. Et ne pas le limiter à être un prétexte au désengagement de l’Etat. Reste à trouver comment. À noter qu’un autre livre du chercheur biélorusse, Le mirage numérique, sort ces jours-ci.
Aurélien BerthierPour tout résoudre, cliquez ici
L’aberration du solutionnisme technologique
Evgeny Morozov
FYP Editions, 2014