Les livres qui exposent de manière un peu systématique les pensées radicales sont plutôt rares. C’est le cas de « Radicalité, 20 penseurs vraiment critiques ». Pédagogique et profond, le livre expose l’analyse de vingt penseurs de la modernité : de Marcuse à Michéa, de Castoriadis à Weil en passant par Orwell, Pasolini, Illich, Bauman, Ellul ou Marzano. La réflexion de chaque auteur est décryptée de manière passionnante et didactique. L’introduction, intitulée « Prendre le mal à la racine » exprime bien la démarche liée à l’étonnement de voir les intellectuels prétendument subversifs et stars de la contestation occuper les médias alors que « leurs théories participent pleinement du déploiement du capitalisme en favorisant les mutations sociales et culturelles exigées par le marché ».La vraie rupture, selon les compilateurs, se situe ailleurs. D’abord, être radical ne signifie pas être extrémiste. Ensuite, les thèses exposées se veulent en rupture avec le système contrairement aux contestataires « officiels » qui postulent que seule l’intensification du capitalisme permettra son dépassement. Enfin, beaucoup des intellectuels proposés distillent une critique des destructions du capitalisme en regard d’un passé où le souvenir de l’absence des aliénations modernes et le rôle du sens de la limite planent sur leurs travaux. Cet ouvrage est un puissant stimulant, en plus de faire connaître des penseurs moins médiatisés et moins à la mode, pour ne pas s’assoupir auprès des mises en cause institutionnalisées de l’idéologie technolibérale.
Jean CornilRadicalité. 20 penseurs vraiment critiques
Ouvrage collectif coordonné par Cédric Biagini, Guillaume Carnino et Patrick Marcolini,
Editions L’Echappée, 2013