Cet ouvrage collectif d’historien·nes, de syndicalistes, sociologue, juristes, etc. reviennent sur ce qu’on a nommé la « catastrophe » de Marcinelle où périrent dans un incendie 262 mineurs le 8 août 1956.
Le fil rouge de cette étude, c’est celui de sortir de la logique induite par le terme de « catastrophe » qui renvoie à l’inéluctable, au naturel, à l’ordre des choses et surtout, qui dégage toute responsabilité humaine et pave la route à une indécente impunité patronale. Car c’est bien d’une tragédie humaine dont il faut réaliser l’histoire. Avec une chaine de responsabilité humaine qui peut être retracée. La soumission des impératifs de sécurité à ceux de la rentabilité à tout prix par la direction peut alors être mise en exergue. Loin d’être un dossier clos, les interventions de cet ouvrage collectif montrent bien que chaque époque approche l’évènement en fonction de ses préoccupations présentes.
Plusieurs mythes qui accompagnent le traitement médiatique et la mémoire de cet évènement sont aussi discutés. Par exemple, l’idée que c’est la catastrophe elle-même qui aurait entrainé la prise de mesures de sécurité nécessaire, fruit en réalité de longs combats syndicaux s’appuyant sur l’émotion suscitée. Les articles abordent la portée juridique et la résonance symbolique, sociale, politique ou culturelle que ce drame social a pu avoir dans l’histoire ouvrière belge et son écho en Italie d’où provenait une grande partie des travailleurs morts. Mais aussi la manière dont elle marquera l’histoire européenne et celle des migrations. Nouveau regard sur cet évènement marquant de l’histoire sociale belge et européenne autant qu’une manière d’en prendre connaissance, cette étude est aussi une passionnante réflexion sur l’idée de commémoration elle-même et de la tendance des autorités à dépolitiser sans cesse la mémoire de tragédie sociale de ce type.
Les liens avec d’autres tragédies ouvrières et industrielles, antérieures et postérieures sont tissés de multiples manières : en Suisse, en France, en Pologne, en Inde, en Turquie… et annoncent en creux les tragédies à venir, celles que l’appât de profit toujours plus important ne manquera pas de provoquer en régime capitaliste.
Aurélien BerthierRetour sur Marcinelle
Sous la direction de Anne Morelli et Nicolas Verschueren
Couleur livres, 2018