Comment briser le silence et l’indifférence ? Comment dire la violence, qui est celles de toutes mais sans être la sienne propre ? Comment faire entendre une multiplicité de voix tues sans les utiliser, sans appropriation mal placée ? Perinne Le Querrec a pris le parti de la poésie. Après des semaines de discussions avec neuf femmes victimes de violences conjugales et sexuelles, l’autrice en a fait un recueil de poèmes. Sa plume puissante, leurs voix vibrantes nous rappellent que ces violences sont physiques, psychologiques, humaines, sociales – comme Le Querrec le rappelle sur son site internet –, qu’elles transcendent le drame individuel et ne sauraient plus être ignorées.
Le rythme poétique fait entendre les hésitations de la parole, les peurs contenues, les traumas passés et encore vivants, les modes de dire, les émotions sans autres formes de commentaires. La scansion, les répétitions donnent corps aux vécus, font sortir ces femmes de l’anonymat sans jamais citer leurs noms, manifestent les variétés d’expériences qui pourtant font résonner les mêmes sons, entendre les éternels échos de la domination, de la culpabilisation.
La poésie de Perinne Le Querrec saisit avec force et limpidité ce dont il est question, parle de toutes et s’adresse à toustes sans détour, et illustre avec Rouge Pute ce que peut être une éthique de la littérature, la puissance de la poésie, car c’est bien aussi de cela qu’il s’agit.
Valentine BonomoRouge Pute
Perrine Le Querrec
La Contre Allée, 2020