On se souvient de L’Ascension du haut mal de David B qui racontait l’histoire d’une famille dont l’un des fils était atteint de crises d’épilepsie de plus en plus graves, du parcours sinueux et désemparé des parents pour tenter de résoudre les problèmes de leur fils malade, aux prises avec une institutions médicale déshumanisée et de charlatans en tout genre. Cette bande-dessinée constitue l’un des monuments majeurs de la nouvelle vague BD née à la fin des années 1990. Dans son sillage, l’auteure suisse Émilie Gleason nous livre Ted, drôle de coco dans lequel elle s’inspire librement de son vécu, son frère étant diagnostiqué Arnsperger. Sauf que contrairement à David B, elle prend, elle, le parti de raconter cette histoire du point de vue de la personne atteinte par ce syndrome, et non plus de celui du petit frère désabusé. C’est donc à son quotidien, à sa perception du monde, à son univers psychique que nous avons accès. En somme, l’autisme avec les sous-titres. Ce qui permet de nous faire sentir, expliquer et dédramatiser ce qui peut bloquer et faire débloquer à certains moments. L’occasion de réaliser aussi à quel point les personnes autistes peuvent être des détecteurs sensibles de moments déroutants qui nous encombrent en réalité tous et toutes à un moment dans nos vies. Car si l’impossibilité de pouvoir tout communiquer ou la difficulté à changer nos habitudes les touchent particulièrement, cela nous perturbe aussi à divers degrés. Un récit doux-amer, compréhensif et intelligent, loin de tout politiquement correct qui s’incarne dans des dessins faussement naïfs, qui n’omet pas d’évoquer la surmédicalisation et l’aspect à côté de la plaque du monde médical par rapport à ces Troubles Envahissants du Développement alias… TED.
Aurélien BerthierTED, drôle de coco
Émilie Gleason
Atrabile, 2018