Entretien avec Corinne Torrekens

Quelles relations entre islam et société belge ?

Photo : Aurélien Berthier

Corinne Tor­re­kens est socio­logue et isla­mo­logue, cher­cheuse à l’ULB et dirige le cabi­net d’étude Diver­Ci­ty. Elle a mené notam­ment une grande enquête socio­lo­gique sur l’identité belge musul­mane des Bel­go-Maro­cains et des Bel­go-Turcs, leurs pra­tiques et leurs opi­nions. Nous lui avons deman­dé quels fac­teurs par­ti­ci­paient au dji­ha­disme et pou­vaient expli­quer des actes comme les attaques que Bruxelles a subies le 22 mars 2016. Mais aus­si ce que son enquête pou­vait nous apprendre sur les rela­tion qui se tissent entre islam et socié­té belge.

Molenbeek est présenté comme un des principaux foyers du djihadisme en Europe, comme du terreau à djihadistes. Est-ce mérité ? Est-ce que ça aurait pu être une autre ville ?

Cette foca­li­sa­tion média­tique sur Molen­beek m’a paru assez injus­ti­fiée. Il me semble que les médias quo­ti­diens, en radio, télé­vi­sion et jour­naux, ont la mémoire courte. On a oublié que juste avant Molen­beek, il y a eu une filière déman­te­lée à Ver­viers. Qu’avant Ver­viers, il y a eu Anvers qui four­nit plus de com­bat­tants à l’EI que Bruxelles et où était basé Sharia4Belgium. Et qu’avant Anvers, on a eu Vil­voorde : c’est de là qu’ont eu lieu les pre­miers départs vers la Syrie en 2012. Ça peut donc tou­cher des zones dif­fé­rentes concer­nées par un cer­tain nombre de dyna­miques communes.

Quand on a dit ça, cela ne veut pas non plus dire qu’il ne se passe rien à Molen­beek, que tout va bien et qu’il n’y avait pas de filières. On sait que c’est plus facile pour une filière de se fondre dans la masse à Molen­beek qu’à Uccle. Mais on sait aus­si que ces filières fonc­tionnent comme des réseaux mafieux, comme on peut les obser­ver en Ita­lie ou en Corse. En fait, la ques­tion est de savoir où sont situés les indi­vi­dus qui sont orga­ni­sés en réseau. Or, les enquêtes en cours, pour les atten­tats de Bruxelles et ceux du 13 novembre à Paris, montrent d’abord des rami­fi­ca­tions inter­na­tio­nales en Alle­magne, aux Pays-Bas, au Dane­mark, mais aus­si des arres­ta­tions ou des per­qui­si­tions par­tout dans Bruxelles et en Wal­lo­nie. À par­tir du moment où on a un cer­tain nombre de carac­té­ris­tiques sur les­quelles les groupes radi­caux vont pou­voir s’appuyer et bien il y a un risque, où que ce soit en Europe.

Quels sont ces facteurs ? Qu’est-ce qui fait que des individus basculent dans une hyper violence revendiquée au nom de l’islam ?

C’est impor­tant de pré­ci­ser qu’il n’y a pas un seul fac­teur de radi­ca­li­sa­tion et qu’il n’y a pas qu’un seul pro­fil. Je ne connais aucun cher­cheur sérieux sur ces ques­tions-là qui va dire que c’est juste une ques­tion socioé­co­no­mique ou que c’est juste une ques­tion iden­ti­taire. C’est une com­bi­nai­son com­plexe de fac­teurs en interaction.

Il y a d’abord des élé­ments de contexte. D’une part des évé­ne­ments inter­na­tio­naux. Typi­que­ment, le conflit israé­lo-pales­ti­nien avec une iden­ti­fi­ca­tion à la cause pales­ti­nienne. Mais aus­si l’intervention amé­ri­caine en Irak ou la des­ti­tu­tion, puis la condam­na­tion à mort du pré­sident égyp­tien Mor­si – pour­tant démo­cra­ti­que­ment élu – par le géné­ral Sis­si avec l’accord tacite de l’Occident. Autant d’épisodes qui peuvent cho­quer de nom­breux musulmans.

D’autre part, ce sont toutes les ques­tions de dis­cri­mi­na­tion à l’échelle natio­nale. La Bel­gique est une des socié­tés euro­péennes qui dis­cri­minent le plus sur base de l’origine. On a par exemple plu­sieurs études qui démontrent qu’il y a 30 % moins de chance d’être à l’emploi si vous êtes d’origine étran­gère, et ce, même si vous avez un diplôme de l’enseignement supé­rieur. Mis bout à bout, l’ensemble de ces phé­no­mènes est de nature à nour­rir un sen­ti­ment de frus­tra­tion et d’injustice.

Outre ce sentiment d’injustice, quels sont les autres facteurs ?

Le deuxième ensemble de fac­teurs relève plu­tôt de la sphère psy­cho­so­ciale propre aux indi­vi­dus : leur sen­si­bi­li­té aux ques­tions d’injustice (roman­tique, huma­ni­taire, colé­rique…), le fait d’être influen­çable, l’impulsivité, l’agressivité, la dépres­sion, la psychopathie…

Troi­sième série de fac­teurs : c’est la tra­jec­toire de l’individu. Ce qui s’est pas­sé dans son par­cours sco­laire, dans sa vie pri­vée, dans sa vie pro­fes­sion­nelle et qui a agi en élé­ment déclen­cheur d’une radi­ca­li­sa­tion. Un décès, un divorce, le fait de connaître quelqu’un qui est déjà par­ti en Syrie, un conflit avec un prof, un contrôle de police violent, etc.

La der­nière sphère, c’est la bulle de socia­li­sa­tion dji­ha­diste, une bulle qua­si « fami­liale », au sens mafieux du terme. On sait que le fait de connaître quelqu’un qui a bas­cu­lé dans un groupe radi­cal a bien plus d’impact que les vidéos de pro­pa­gande. Ce qui explique notam­ment la pré­gnance des fra­tries ou des groupes d’amis dans les actes ter­ro­ristes. En fait, on peut consi­dé­rer un groupe radi­cal comme une sorte d’entreprise qui four­nit « des biens et ser­vices ». Il pro­pose à des indi­vi­dus, en perte de sens et nour­ris par un sen­ti­ment d’injustice, des clefs de lec­ture du monde binaires et sim­plistes par rap­port à des enjeux com­plexes. C’est d’ailleurs le même pro­ces­sus qui pré­side au suc­cès des théo­ries du com­plot : offrir du sens à la marche du monde, sens que nos socié­tés ont du mal à pro­duire. Le groupe offre éga­le­ment une capa­ci­té d’action directe, contrai­re­ment à l’engagement poli­tique et asso­cia­tif, per­çu comme inca­pable de régler les pro­blèmes de dis­cri­mi­na­tion ou d’islamophobie : « avec nous, tu seras utile », leur dit-on. De plus, le groupe radi­cal offre, à un indi­vi­du en ques­tion­ne­ment par rap­port à son iden­ti­té musul­mane, une iden­ti­té « minute-soupe », basée sur un esprit de cama­ra­de­rie et sur un islam radi­cal prêt à l’emploi. Tout cela entraine un pro­ces­sus de socia­li­sa­tion qui attire les indi­vi­dus vers le djihadisme.

Que donne l’agencement de ce cocktail de facteurs ?

Tout cela mis ensemble donne dif­fé­rents types de pro­fils. Si on est plus tra­vaillé par un pro­fil agres­sif et des ques­tions d’injustices, on aura le pro­fil du sol­dat, celui qui veut se ven­ger et ven­ger le monde. Si on est plus roman­tique, tra­vaillé par les ques­tions d’injustices, on aura l’idéaliste, celui qui pense qu’il va aller faire de l’humanitaire. Si on est plus influen­çable, plus sui­viste, on aura l’opportuniste, dont l’objectif va être vrai­ment de deve­nir quelqu’un au sein de cette bulle. Si on a un par­cours plus dif­fi­cile, notam­ment en lien avec la cri­mi­na­li­té, et qu’on ren­contre cette bulle de socia­li­sa­tion, on aura le petit délin­quant qui veut se rache­ter. Se déve­loppe ensuite un pro­ces­sus lent qui fait qu’on va légi­ti­mer la vio­lence comme seul moyen pour se réa­li­ser ou pour faire adve­nir le pro­jet politique.

Dans une interview à Libération, vous avez dit qu’il fallait « développer un contre discours musulman pour couper l’herbe sous le pied des groupuscules violents ». À quoi ce contre discours pourrait ressembler et qui pourrait le porter ?

Il y a une ambi­guï­té aujourd’hui en Bel­gique. On a d’une part une mise en cause du sala­fisme, et ce, à rai­son, dire stop à ces cou­rants venus de pays comme l’Arabie Saou­dite ou le Qatar : tout le monde a l’air d’accord pour dire qu’il faut finan­cer un islam de Bel­gique. Mais dans le même temps, il est par­ti­cu­liè­re­ment dif­fi­cile pour une asso­cia­tion musul­mane de trou­ver des finan­ce­ments publics quand elle en fait la demande. Com­ment dès lors sou­te­nir une vision réfor­miste à l’intérieur de l’islam belge ? C’est là qu’est l’urgence ! Qu’est-ce qu’on a fait pour finan­cer le tis­su asso­cia­tif musul­man d’ici, créé par ceux qui sont de la deuxième ou troi­sième géné­ra­tion ? Pas grand-chose à mes yeux.

Or, il y a des asso­cia­tions musul­manes qui font du bon tra­vail, qui ont un dis­cours citoyen, civique, sur l’engagement, démo­crate et qui par­tagent nos valeurs : il faut qu’on tra­vaille avec elles parce qu’elles ont accès à des par­ties de la popu­la­tion aux­quels le tis­su géné­ra­liste asso­cia­tif – ou les par­tis poli­tiques – n’ont plus accès. Il me semble qu’il faut donc nouer ce lien. Mais c’est dif­fi­cile, car j’observe une vraie mécon­nais­sance et une vraie méfiance entre le monde poli­tique bel­go-belge et ce tis­su asso­cia­tif, sou­vent sus­pec­té de ne pas être assez « modéré ».

Qu’est-ce les déclarations de Jan Jambon révèlent sur la vision de responsables politiques des musulmans ou tout du moins ceux de la N‑VA ?

Depuis que le gou­ver­ne­ment Michel est en place et que la N‑VA fait par­tie du gou­ver­ne­ment, on a connu une suc­ces­sion de « petites phrases » sur les com­mu­nau­tés d’origine étran­gère ou sur les musul­mans qui montrent qu’il y a une dif­fi­cul­té à inté­grer la diver­si­té et le fait que la Bel­gique est aujourd’hui aus­si musul­mane. Les pro­pos de Jan Jam­bon [pour qui « une par­tie signi­fi­ca­tive de la com­mu­nau­té musul­mane a dan­sé à l’occasion des atten­tats »], relèvent de l’islamophobie parce qu’ils se basent sur des faits très mino­ri­taires géné­ra­li­sés à une popu­la­tion qui fait 500 à 600.000 per­sonnes. Ça me paraît extrê­me­ment grave. C’est de l’islamophobie, du pré­ju­gé, de la peur a prio­ri qui est dif­fu­sée sans être basée sur des faits précis.

Ça crée énor­mé­ment de dégâts parce qu’il reste tou­jours quelque chose de ces petites phrases. On aura beau convo­quer le plus grand panel d’experts pour dire que ces faits ne sont pas signi­fi­ca­tifs, l’idée qu’il y a des musul­mans qui se sont réjouis des atten­tats va pour par­tie sub­sis­ter dans l’opinion publique. C’est dra­ma­tique parce que ça par­ti­cipe à une pola­ri­sa­tion de la socié­té. On est tota­le­ment en train de jouer le jeu de l’État Isla­mique visant à mon­ter deux par­ties de la popu­la­tion l’une contre l’autre.

Dans votre enquête, vous dites qu’il y a une partie importante des musulmans en Belgique qui « bricolent » leur foi, qu’est-ce que cela veut dire ?

À côté de formes de cris­pa­tions et de dif­fi­cul­tés à remettre en ques­tion des dogmes qui peuvent exis­ter (et qui par­ti­cipent de toutes les croyances) dans des cou­rants mino­ri­taires tels que les sala­fistes ou les radi­caux à la Sharia4Belgium, on est entré dans une période de sécu­la­ri­sa­tion de l’i­den­ti­té musul­mane. Ain­si, si on constate que les pra­tiques reli­gieuses (man­ger halal, faire le rama­dan, la prière…) sont toutes sui­vies for­te­ment, elles ne le sont en revanche pas for­cé­ment en même temps chez un même indi­vi­du. Ça veut dire qu’il y a des gens qui vont à la Mos­quée, mais qui boivent de l’alcool ; qui font le rama­dan, mais qui ne prient pas ; ou qui mangent halal, mais qui ne vont pas à la Mos­quée, etc. C’est donc un « bri­co­lage » dans le sens où l’individu choi­sit la pra­tique qui cor­res­pond le mieux à son rythme de vie, à sa façon de vivre et au rap­port qu’il a aux textes et à Dieu. L’individu se sent res­pon­sable de sa croyance, de son rap­port à Dieu. Puisque c’est à Lui qu’il devra rendre des comptes et non à son imam – qui appa­raît très peu dans la construc­tion de la foi –, c’est à lui-même de gérer sa propre pratique.

Cela veut-il dire que les musulmans pratiquent moins ?

Indi­vi­dua­li­sa­tion du croire et faible emprise de la Mos­quée comme ins­ti­tu­tion reli­gieuse sont les pré­mices de la sécu­la­ri­sa­tion. Ce qui ne veut cepen­dant pas dire que les gens pra­tiquent moins, mais qu’ils pra­tiquent dif­fé­rem­ment. Peut-être que dans 10 ou 20 ans cela mène­ra à moins de pra­tique religieuse.

Mais, paral­lè­le­ment à cette amorce de sécu­la­ri­sa­tion, et de manière contra­dic­toire, on est aus­si dans une période par­ti­cu­lière d’affirmation iden­ti­taire. Il est pos­sible de démon­trer sta­tis­ti­que­ment le lien entre sen­ti­ment de dis­cri­mi­na­tion et une pra­tique et une foi inten­si­fiée. On est dans une espèce d’affirmation des dif­fé­rences où on va pra­ti­quer dans le but de retour­ner le stig­mate. C’est un peu pour les musul­mans une manière de dire : « vous ne vou­lez pas que je sois musul­man comme je le vou­drais ? Eh bien je serai encore plus musul­man ! ». L’is­lam en Bel­gique ne se déve­loppe pas hors sol, en dehors de notre socié­té, mais en inter­ac­tion avec celle-ci.

Est-ce qu’on constate toujours une certaine « injonction à la discrétion », un « on vous tolère, mais faites-vous petit » à l’égard des musulmans en Belgique ?

C’est évident. On sent bien que la socié­té belge a du mal avec le fait de consi­dé­rer comme sienne cette visi­bi­li­té musul­mane et de consi­dé­rer que cela fait par­tie de son futur. Ne fut-ce que de son pré­sent, ce serait déjà pas mal… On peut bien sûr pen­ser aux contro­verses autour du voile, mais on se sou­vient aus­si de la polé­mique sur le Sirop de Liège (parce qu’il avait été indi­qué « halal » sur son pot) où des poli­tiques de pre­mier plan avaient affir­mé que cela ne fai­sait pas par­tie de nos cou­tumes et de nos tra­di­tions… Alors que si ! Bien évi­dem­ment que ça fait à pré­sent par­tie de nos tra­di­tions ! Aujourd’hui, la Bel­gique est musul­mane aus­si, elle n’est pas que, mais elle l’est aus­si. Est-ce qu’on ose­rait dire aujourd’hui que le casher ne fait pas par­tie de nos tra­di­tions ? Le halal ou le casher font bien par­tie des tra­di­tions d’un pays mul­ti­cul­tu­rel et mul­ti­con­fes­sion­nel comme l’est la Belgique.

D’après votre enquête, le vrai hiatus se situe plutôt sur des questions liées à la sexualité (sexualité hors mariage, homosexualité) ainsi que l’euthanasie ou l’avortement. Comme arriver à une entente sur ces questions ?

On peut voir le verre à moi­tié vide ou le verre à moi­tié plein… Pour mener notre enquête, on est par­ti de l’affirmation « l’intégration a été un échec » qu’on est allé véri­fier sur le ter­rain. Or, pour par­tie, les indi­ca­teurs nous on mon­tré que c’était faux, que l’intégration des Bel­go-Turcs et Maro­cains n’était pas un échec : aug­men­ta­tion socioé­co­no­mique, émer­gence d’une classe moyenne, aug­men­ta­tion des diplô­més de l’enseignement supérieur…

On est éga­le­ment par­ti de l’affirmation sui­vant laquelle il exis­te­rait un « clash de civi­li­sa­tion ». Or, les indi­ca­teurs ont mon­tré que, pour par­tie, sur les valeurs poli­tiques, il n’y avait pas de dif­fé­rences sen­sibles concer­nant par exemple le rap­port à la démo­cra­tie, à la liber­té d’expression ou à la neu­tra­li­té de l’État. Mais, effec­ti­ve­ment, il y a encore l’existence d’un conser­va­tisme moral concer­nant des ques­tions de sexua­li­té et d’attachement à la vie comme l’euthanasie ou l’avortement.

Mais je pense qu’il faut évi­ter de pen­ser que nous, Bel­go-Belges, sommes nickel à tout point de vue au niveau de ces valeurs, comme s’il n’y avait pas d’homophobie, d’antisémitisme, de racisme ou de sexisme au sein des popu­la­tions non issues de l’immigration ou non-musul­manes. Car ces ques­tions de diver­si­té, qu’elles soient liées à l’homosexualité ou à la diver­si­té cultu­relle et reli­gieuse sont com­pli­quées pour beau­coup de gens dans la socié­té belge en géné­ral. Je pense qu’il y a une évo­lu­tion qui se fait dans le bon sens et que ça pren­dra le temps. Je ne crois pas qu’il faille venir brus­quer les choses sinon on risque même d’avoir une réac­tion iden­ti­taire qui va contrer cette évolution.

Est-ce qu’il y a selon vous une tendance islamophobe dans les médias belges ?

Une ten­dance isla­mo­phobe au sein de tous les médias, je n’irai pas jusque-là même si cer­tains médias le sont. Par contre, il existe aujourd’hui un mode de fonc­tion­ne­ment des médias qui doivent faire le buzz pour faire du chiffre, qui fait qu’il est très ven­deur de titrer en une sur deux élèves qui refusent une minute de silence. Des médias qui tra­vaillent aus­si dans l’immédiateté, avec des jour­na­listes qui sont rare­ment spé­cia­li­sés sur ces ques­tions et qui, devant des « experts » auto­pro­cla­més qui vont affir­mer par exemple qu’« il y a 10.000 dji­ha­distes à Bruxelles », ne vont pas for­cé­ment avoir le réflexe de lui deman­der com­ment il a abou­ti à ces chiffres.

On est actuel­le­ment dans la consti­tu­tion d’un pilier musul­man en Bel­gique avec des ser­vices sociaux musul­mans, des écoles musul­manes et peut-être que dans le futur, il y aura plus de médias musul­mans à l’image de la radio bruxel­loise Ara­bel. Leur pro­fes­sion­na­lisme fait qu’ils pèsent un peu dans le milieu bruxel­lois. Peut-être que s’il y avait un média natio­nal musul­man, cela pour­rait intro­duire un peu de nuances dans le pay­sage médiatique.

On a le droit de cri­ti­quer l’islam, mais c’est deve­nu las­sant et un thème trop cen­tral au sein du débat public qui fait qu’on est en train de « reli­gio­li­ser » les ques­tions sociales et poli­tiques. Il y a un pro­blème lorsqu’on regarde le nombre d’émissions spé­ciales à la télé­vi­sion ou de cou­ver­tures raco­leuses consa­crées à l’islam ou à l’immigration, de jour­na­listes qui se plaignent qu’on uti­lise le terme « isla­mo­pho­bie » pour les empê­cher de cri­ti­quer une reli­gion alors qu’il n’y a pas aujourd’hui une reli­gion au monde qui est plus cri­ti­quée que la reli­gion isla­mique. S’il faut affir­mer et défendre le droit à la cri­tique de la reli­gion, il y a aus­si la manière de le faire. Et je crains que la pres­sion exté­rieure, faite prin­ci­pa­le­ment par des non-musul­mans, empêche l’é­mer­gence de contre-dis­cours ou de débats sur la réforme en ren­for­çant le prisme iden­ti­taire et le retour­ne­ment du stigmate.

On peut consulter ici l’enquête Belgo-Marocains, Belgo-Turcs : (auto)portrait de nos concitoyens menée par Corinne Torrekens et son équipe.

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