Renforcer la pension légale par répartition plutôt qu’allonger les carrières

Illustration : David Delruelle

On annonce notre sys­tème des pen­sions comme mou­rant. Pour assu­rer sa sur­vie, on avance notam­ment comme solu­tion unique et comme une évi­dence le recul de l’âge du départ effec­tif à la retraite. Dans le but de com­battre cette idée reçue et connaître les enjeux de ce débat en cours, il faut reve­nir au fonc­tion­ne­ment de notre sys­tème de pen­sions, insis­ter sur la dif­fé­rence entre répar­ti­tion et capi­ta­li­sa­tion et rap­pe­ler les pistes alter­na­tives à l’allongement de la durée de la car­rière professionnelle.

LES DIFFÉRENTS PILIERS ET RÉGIMES DE PENSION

En Bel­gique, les pen­sions de retraite relèvent du 1er, 2e ou 3e pilier de pen­sion selon la source de leur financement.

Le 1er pilier de pen­sion est celui des pen­sions légales qui sont consti­tuées et orga­ni­sées dans le cadre de la sécu­ri­té sociale. Au sein du 1er pilier de pen­sion, nous avons trois régimes de pen­sions légales en Bel­gique : le régime de pen­sion des tra­vailleurs sala­riés du sec­teur pri­vé, celui des agents sta­tu­taires du sec­teur public, et celui des tra­vailleurs indé­pen­dants. Les règles pour le cal­cul de la pen­sion dif­fèrent en fonc­tion du régime dont relève la pro­fes­sion qu’avait exer­cée le tra­vailleur avant d’être retraité.

Dans cet article, j’axerai mon ana­lyse sur les enjeux du débat actuel rela­tif aux pen­sions en me réfé­rant uni­que­ment au 1er pilier de pen­sion des tra­vailleurs sala­riés du sec­teur pri­vé. Le terme de « sala­riés » dési­gnant aus­si bien les ouvriers que les employés.

La carac­té­ris­tique fon­da­men­tale du 1er pilier de pen­sion du régime des tra­vailleurs sala­riés du sec­teur pri­vé est le prin­cipe de la répar­ti­tion : une par­tie des coti­sa­tions sociales pré­le­vées au cours de l’année sur les salaires bruts des « sala­riés » est immé­dia­te­ment redis­tri­buée pour payer les pen­sions légales des pensionné(e)s de l’année en cours. Ce sont donc les « actifs » d’aujourd’hui qui paient les retrai­tés d’aujourd’hui. Dans cette logique, chaque géné­ra­tion de tra­vailleurs béné­fi­cie à son tour à l’âge de la pen­sion de cette soli­da­ri­té inter­gé­né­ra­tion­nelle. Le paie­ment de la pen­sion légale est garan­ti, géné­ra­tion après géné­ra­tion. C’est même le seul reve­nu qui soit garan­ti aux « sala­riés » quand ils seront pensionnés.

C’est de la mal­hon­nê­te­té intel­lec­tuelle de pré­tendre que l’État ne pour­ra plus payer les pen­sions légales dans les années à venir alors que les bases de la pen­sion légale par répar­ti­tion sont des plus solides. Le mon­tant des pen­sions légales qui devront être ver­sées dans les pro­chaines années est pré­vi­sible suf­fi­sam­ment tôt pour per­mettre aux auto­ri­tés de s’organiser pour assu­rer la via­bi­li­té du système.

La pen­sion légale par répar­ti­tion est donc un reve­nu soli­da­ri­sé et garan­ti par excel­lence à chaque géné­ra­tion ! Rien de tel avec ce qu’on appelle les pen­sions com­plé­men­taires par capitalisation !

Les 2e et 3e piliers de pen­sion sont pré­sen­tés offi­ciel­le­ment comme des régimes de pen­sion com­plé­men­taires par rap­port aux régimes de pen­sion légale. Ils ne relèvent pas de la sécu­ri­té sociale et ils ne sont pas basés sur le prin­cipe de la répar­ti­tion mais sur le sys­tème de la capi­ta­li­sa­tion.

Le 2e pilier de pen­sion com­prend les pen­sions com­plé­men­taires extra-légales ins­tau­rées au niveau d’une entre­prise ou d’un sec­teur d’activité via des conven­tions col­lec­tives ou de pro­messes indi­vi­duelles de pen­sion de l’employeur. Les ver­se­ments men­suels sont faits par l’employeur et/ou le tra­vailleur au nom de chaque assu­ré dans des assu­rances-groupes ou des fonds de pension.

Dans ce sys­tème de capi­ta­li­sa­tion, on ne parle plus de soli­da­ri­té mais de mar­ché finan­cier et de pro­fits (quand il n’y a pas de krach bour­sier comme celui de 2008…) Les banques et les com­pa­gnies d’assurances rem­placent la sécu­ri­té sociale. On n’est plus dans une logique de soli­da­ri­té inter­gé­né­ra­tion­nelle, mais dans une logique indi­vi­dua­liste où chaque tra­vailleur devient un capi­ta­liste qui se consti­tue pour ses vieux jours son petit capi­tal per­son­nel, lequel a été « pla­cé » durant sa car­rière pro­fes­sion­nelle dans les pro­duits bour­siers et dont il espè­re­ra un ren­de­ment maxi­mum mal­gré les risques finan­ciers encou­rus. Cette logique du pro­fit maxi­mum s’est déjà retour­née contre les tra­vailleurs eux-mêmes dont un cer­tain nombre ont per­du leur emploi suite à la restruc­tu­ra­tion de leur entre­prise parce que le fonds de pen­sion a pré­fé­ré inves­tir dans des pays où les ren­de­ments sont plus éle­vés ! Sous pré­texte de vou­loir assu­rer ses vieux jours, on peut très bien se retrou­ver sans rien en étant plus jeune et n’avoir rien comme pen­sion com­plé­men­taire quand on sera plus vieux… Et comme la pen­sion légale par répar­ti­tion n’aura pas été entre­temps aug­men­tée – car les aug­men­ta­tions de salaire brut ont été rem­pla­cées par des ver­se­ments au 2e pilier de pen­sion – le « rien » ci-des­sus se tra­dui­ra éga­le­ment par un détri­co­tage du seul reve­nu qui soit garan­ti aux pen­sion­nés, à savoir la pen­sion légale par répar­ti­tion. S’il est évident que les « sala­riés » sont per­dants avec le 2e pilier de pen­sion, il n’en est pas de même pour les employeurs qui béné­fi­cient quant à eux de sub­stan­tiels cadeaux fis­caux et para­fis­caux sur les ver­se­ments qu’ils font aux fonds de pen­sion ou aux assu­rances-groupes alors qu’ils auraient dû payer des coti­sa­tions sociales sur les aug­men­ta­tions de salaire. Comme mar­ché de dupe, on ne fait pas mieux !

Le 3e pilier de pen­sion sont les pen­sions com­plé­men­taires extra-légales consti­tuées par des par­ti­cu­liers via des épargnes indi­vi­duelles pla­cées dans des pro­duits finan­ciers tels que les épargnes pen­sions et les assu­rances-vie. Ce 3e pilier de pen­sion n’est donc rien de plus que des épargnes pri­vées à long terme. Cette épargne pri­vée en vue de s’assurer une meilleure retraite n’est pos­sible que pour ceux qui peuvent se le per­mettre et non pour ceux qui en ont le plus besoin. Et, cerise sur le gâteau, ceux qui ont les moyens de se payer cette épargne pri­vée peuvent en déduire fis­ca­le­ment les inté­rêts – aux frais de la col­lec­ti­vi­té – pour un mon­tant maxi­mum de 950 € en 2014 ! Le coût total de ces déduc­tions fis­cales est actuel­le­ment de 700 mil­lions d’euros par an !

LA « RÉPARTITION » PLUTÔT QUE LA « CAPITALISATION », UN CHOIX POLITIQUE

Pour le CEPAG1, seuls la pen­sion légale et le sys­tème de la répar­ti­tion doivent être pris en compte dans le débat sur les pen­sions. Le 2e pilier de pen­sion ne devrait pas être autre chose qu’un appoint limi­té à la pen­sion légale. Quant au 3e pilier de pen­sion, on ne peut même pas le consi­dé­rer comme un pilier en tant que tel puisqu’il n’est rien d’autre qu’une épargne privée.

Nous fai­sons le choix poli­tique de la pen­sion légale et nous avons comme prio­ri­té son ren­for­ce­ment car elle est au plus bas à l’heure actuelle. En effet, pour le régime de pen­sion des tra­vailleurs sala­riés du sec­teur pri­vé, la pen­sion moyenne men­suelle et indi­vi­duelle n’est aujourd’hui que de 823 € pour les hommes et 688 € pour les femmes. Joindre les deux bouts avec si peu relève de la mis­sion impos­sible. Un pen­sion­né sur trois vit actuel­le­ment sous le seuil de pau­vre­té (1000 € par mois pour un iso­lé) ! Le « taux de rem­pla­ce­ment » (Pen­sion moyenne / Salaire moyen) n’était que de 34,6 % en 2012 pour la Bel­gique. Il s’agit de pra­ti­que­ment un tiers de pou­voir d’achat en moins pour un pen­sion­né « moyen » par rap­port à un sala­rié « moyen ». Un nombre tou­jours crois­sant de pen­sion­nés fran­chissent la porte des CPAS pour deman­der de pou­voir béné­fi­cier d’aides sociales. Sur base des chiffres de l’OCDE, les pen­sions légales belges sont par­mi les plus basses d’Europe.

Pour­quoi sont-elles si basses ? Deux rai­sons l’expliquent.

La pre­mière rai­son tient au fait qu’il faut tra­vailler 45 années en Bel­gique pour pou­voir se consti­tuer une pen­sion com­plète. Si on tra­vaille moins de 45 années, on est sanc­tion­né puisque la pen­sion est dimi­nuée en pro­por­tion. Un « sala­rié » qui tra­vaille 40 ans ver­ra sa pen­sion légale cal­cu­lée sur une base de 40/45e ! À titre de com­pa­rai­son, il faut 43 annui­tés pour obte­nir une pen­sion com­plète en France, 42 en Ita­lie et 40 au Luxem­bourg, en Espagne et au Dane­mark. La Bel­gique impose donc déjà les condi­tions les plus strictes d’Europe pour la consti­tu­tion d’une pen­sion complète.

D’où l’absurdité de vou­loir encore allon­ger la durée des car­rières pro­fes­sion­nelles en Bel­gique. D’autant plus que, d’une part, tra­vailler plus long­temps aug­mente la fré­quence et le taux de gra­vi­té des acci­dents de tra­vail. Pour les tra­vailleurs de plus de 50 ans, cette fré­quence et le taux de gra­vi­té sont qua­si­ment deux fois plus éle­vés que pour les tra­vailleurs plus jeunes. En outre, allon­ger la durée des car­rières pro­fes­sion­nelles a éga­le­ment un effet direct sur l’augmentation du nombre d’invalides âgés. Et que d’autre part, vivre plus long­temps ne signi­fie pas vivre plus long­temps en bonne san­té. En Bel­gique, l’espérance de vie en bonne san­té est en moyenne de 63,9 ans, avec des dif­fé­rences consi­dé­rables en fonc­tion du sta­tut social des « sala­riés ». Un tra­vailleur moins bien sco­la­ri­sé et for­mé vivra 18 ans de moins en bonne san­té qu’un homme plus « spé­cia­li­sé » grâce à ses études et aux for­ma­tions qu’il a sui­vies. Pour les femmes, cet écart atteint 25 ans !

La deuxième rai­son tient du fait que les pen­sions légales n’ont plus été liées auto­ma­ti­que­ment à l’évolution des salaires depuis les années 1980 à cause, déjà, d’une poli­tique d’austérité. Du fait de la rup­ture de ce lien entre les aug­men­ta­tions des salaires et les aug­men­ta­tions des pen­sions légales (ain­si que des autres allo­ca­tions sociales d’ailleurs), les pen­sion­nés ont per­du près de 30 % de pou­voir d’achat par rap­port aux « sala­riés » !Et ce n’est pas la mai­gre­lette enve­loppe « bien-être » issue de la loi sur le Pacte de soli­da­ri­té entre les géné­ra­tions de 2005 qui a inver­sé cette tendance !

Aug­men­ter la pen­sion légale par répar­ti­tion plu­tôt que de rem­plir la poche des action­naires en ali­men­tant les pen­sions com­plé­men­taires par capi­ta­li­sa­tion est le choix poli­tique et de socié­té que nous fai­sons au CEPAG.

Nos reven­di­ca­tions en la matière sont les suivantes :

– La pre­mière reven­di­ca­tion concerne la façon de cal­cu­ler une pen­sion légale. Nous reven­di­quons un niveau de la pen­sion de retraite par répar­ti­tion qui doit atteindre – pour tous les pen­sion­nés actuels et futurs (iso­lés et ménages) – 75 % de la moyenne des 5 années les mieux rému­né­rées de la car­rière pro­fes­sion­nelle. Et, pour les pen­sions des fonc­tion­naires, il faut en reve­nir dans le cal­cul de la pen­sion aux 5 der­nières années de la car­rière pro­fes­sion­nelle (et non plus aux 10 der­nières années qui viennent d’être appli­quées avec la réforme des pensions).

– Une pen­sion mini­mum pour tous les pen­sion­nés (actuels et futurs) qui égale au moins, pour une car­rière com­plète, le mon­tant du salaire mini­mum inter­pro­fes­sion­nel garan­ti, soit 1.559,28 € brut/mois pour un tra­vailleur de 22 ans + 12 mois d’ancienneté.

– La mise en place d’une réelle liai­son auto­ma­tique, annuelle et struc­tu­relle des pen­sions et des pla­fonds de cal­cul (ain­si que de l’ensemble des allo­ca­tions sociales) à l’évolution des salaires.

– Le méca­nisme de rat­tra­page actuel de l’enveloppe « bien-être » bis­an­nuelle issu du Pacte de soli­da­ri­té entre les géné­ra­tions de 2005 doit se pour­suivre avec une réat­tri­bu­tion de 100 % du bud­get de l’enveloppe comme pré­vu par la Loi de 2005.

– L’utilisation du mon­tant inté­gral des recettes de la coti­sa­tion de soli­da­ri­té pré­le­vée sur les pen­sions les plus éle­vées à l’augmentation des pen­sions les plus petites et les plus anciennes.

– Ne plus remettre en ques­tion les périodes assi­mi­lées, annu­ler les dis­po­si­tions de la réforme des pen­sions qui a por­té atteinte à cer­taines d’entre elles (3e période de chô­mage, pré­pen­sion avant 59 ans, cer­taines formes de cré­dit-temps) et réta­blir la pos­si­bi­li­té de prendre sa pen­sion anti­ci­pée à 60 ans moyen­nant 35 années de car­rière pro­fes­sion­nelle pour les hommes et 28 années pour les femmes.

Au lieu d’imposer une poli­tique d’austérité au nom d’un objec­tif d’équilibre bud­gé­taire, ne serait-il pas plus intel­li­gent de relan­cer l’économie en aug­men­tant le pou­voir d’achat de 1,8 mil­lion de pen­sion­nés, sachant que toute aug­men­ta­tion des pen­sions légales les plus petites sera inté­gra­le­ment réin­jec­tée dans l’économie réelle ?

LES ALTERNATIVES À L’ALLONGEMENT DES CARRIÈRES

Il faut tordre le cou à l’idée selon laquelle le vieillis­se­ment de la popu­la­tion ren­draim­pos­si­ble­dan­sun­fu­tur­plu­sou­moins­pro­che­le­paie­ment­des­pen­sions­lé­gales sans un allon­ge­ment de la durée de la car­rière professionnelle.

En fait, le carac­tè­re­fi­nan­çable de la sécu­ri­té sociale et des pen­sions légales dépend sur­tout d’une série de déci­sions politiques :

– Créa­tion d’emplois de qua­li­té. Mais com­ment en créer ? Ne serait-il pas temps de défendre un vrai pro­jet de socié­té qui est celui d’une réduc­tion col­lec­tive du temps de tra­vail, sans perte de salaire et avec embauche com­pen­sa­toire ? Pour­quoi ne pas redé­fi­nir la norme du temps plein à 32 heures par semaine avec une semaine de 4 jours de tra­vail ? C’est ce pro­jet de socié­té qui est à même de répondre à une série de défis actuels : créer des emplois, amé­lio­rer les condi­tions de tra­vail et la qua­li­té de vie des tra­vailleurs, notam­ment par une dimi­nu­tion du stress au travail,et enfin, amé­lio­rer l’articulation entre vie pro­fes­sion­nelle et vie pri­vée. C’est par ce choix de socié­té que des solu­tions pour­ront être appor­tées non seule­ment au faible taux d’emploi des tra­vailleurs âgés, mais aus­si à celui des jeunes et des femmes. Face à l’absurdité de l’allongement de la durée de la car­rière pro­fes­sion­nelle, nous met­tons en avant la réduc­tion col­lec­tive du temps de travail.

Aug­men­ta­tion des salaires bruts des tra­vailleurs sur les­quels sont pré­le­vées les coti­sa­tions sociales. Nous nous oppo­sons donc à toute poli­tique de modé­ra­tion sala­riale ou d’augmentation du salaire « poche », c’est-à-dire net.

Ins­tau­ra­tion d’unecotisation sociale géné­ra­li­sée (CSG), qui, pré­le­vée sur l’ensemble des reve­nus, met­trait par­ti­cu­liè­re­ment à contri­bu­tion les reve­nus du capi­tal, les­quels ne par­ti­cipent pas actuel­le­ment au finan­ce­ment de la sécu­ri­té sociale (les reve­nus mobi­liers et immo­bi­liers, les reve­nusdes socié­tés, les plus-values boursières…).

Lutte plus effi­cace contre la fraude fis­cale qui est esti­mée à pas moins de 30 mil­liards d’euros par an !

En conclu­sion, finan­cer un ren­for­ce­ment des pen­sions légales par répar­ti­tion mal­gré le vieillis­se­ment de la popu­la­tion et sans l’allongement de la durée des car­rières pro­fes­sion­nelles est tout à fait pos­sible si on fait le choix poli­tique d’une meilleure répar­ti­tion des richesses pro­duites, laquelle est le meilleur anti­dote contre toutes les poli­tiques d’austérité actuelles socia­le­ment injustes et inacceptables.

  1. Le Centre d’Education Popu­laire André Genot est un mou­ve­ment d’éducation per­ma­nente qui s’inscrit dans une démarche com­plé­men­taire avec la FGTB et ses dif­fé­rentes structures

Michel Rosenfeldt est animateur et formateur au CEPAG

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