Starsky & Hutch dans l’évier infernal…

Par Denis Dargent

Photo : Nathalie Caccialupi

« Des nou­veaux che­va­liers au grand cœur, mais qui n’ont jamais peur de rien… » D’entrée de jeu, flin­guons cet insi­pide géné­rique fran­çais acco­lé de force à notre série US pré­fé­rée dès 1982, véri­table scie débi­li­tante signée Haim Saban, pro­duc­teur spé­cia­li­sé dans les « adap­ta­tions » de géné­riques amé­ri­cains : Dal­las, L’agence tous risques, L’homme qui tombe à pic… Ce genre.

On était loin, bien loin des ver­sions ins­tru­men­tales ori­gi­nales confiées à l’immense Lalo Schi­frin (Bul­litt, Man­nix, Ins­pec­teur Har­ry, Mis­sion : Impos­sible…), puis à Tom Scott et Mark Snow.

Flin­guons aus­si, tant qu’on y est, les voix VF de Jacques Balu­tin et Fran­cis Lax, dont l’humour fran­chouillard avait sur­tout pour objec­tif de ren­for­cer les aspects comiques des dia­logues ori­gi­naux, au détri­ment d’échanges ver­baux quel­que­fois plus… dérangeants.

Vous me direz : pour­quoi tant d’ardeur sur la gâchette ?

Eh bien en ces temps de nou­vel âge d’or des séries TV, il nous a sem­blé impor­tant de réha­bi­li­ter LA grande série des années 70, Stars­ky & Hutch, et ses 89 épi­sodes pro­duits entre 1975 et 1979. Car la sym­pa­thie dont béné­fi­cient nos deux com­parses est trop sou­vent le fait d’amateurs peu scru­pu­leux et potaches, se plai­sant à moquer leur look seven­ties (alors qu’il s’agit de l’étalon du vin­tage cool actuel­le­ment) ou la Ford Gran Tori­no rouge tomate aux deux lignes (de coke ?) laté­rales… Stars­ky & Hutch ne sus­citent bien sou­vent que rires dépla­cés et, de la part des gens sans réelle ima­gi­na­tion, qu’un emploi immo­dé­ré du terme le plus sté­réo­ty­pé qui soit : kitsch.

Non, mille fois non ! Stars­ky & Hutch méritent mieux que cette condes­cen­dance de phi­lis­tin. Nous sommes en effet en pré­sence d’une des rares séries de cette époque qui oscille aus­si sub­ti­le­ment entre esprit gogue­nard et pes­si­misme exa­cer­bé. Seuls les Enva­his­seurs, dix ans plus tôt, allèrent aus­si loin dans le nihi­lisme social.

À y regar­der de plus près que voyons-nous : deux flics sym­pas mais bien armés qui arpentent jour et nuit les quar­tiers les plus sor­dides de Los Angeles, un micro­cosme sans aucune sophis­ti­ca­tion, peu­plé de clo­dos et de tenan­ciers de bars louches, de petites frappes cocaï­nées et de truands aux manières dou­teuses. Tout dans Stars­ky & Hutch annonce ce monde dual où, dans les zones de non-droit, des insectes humains sur­vivent coûte que coûte.

Comme le dit Stars­ky lui-même dès l’épisode pilote : « On n’est pas en enfer, on est dans un évier… Ce qu’on fait, là où on le fait. On est comme des cafards, on essaye d’en sor­tir, chaque fois qu’on arrive au bord, ils ouvrent la flotte. »

Évi­dem­ment, comme dirait ma femme, toutes ces consi­dé­ra­tions de puristes fina­le­ment très mas­cu­lines on s’en tape un peu ! Parce que dans leur jeans par­ti­cu­liè­re­ment mou­lants, et avec leur façon si par­ti­cu­lière de tenir leurs flingues (annon­çant Taran­ti­no), Stars­ky & Hutch étaient aus­si deux mecs hyper sexy ! C’est aus­si pour ça qu’on les aime, non ?

L’argument tient la route…