Steven Vromman

L’homme qui aimait la planète

Photo : Pascal Mistiaen

Aujourd’hui Ste­ven Vrom­man est un homme heu­reux. Il est deve­nu « Low Impact Man », l’homme à faible empreinte éco­lo­gique. Conseiller com­mu­nal Groen à Gand, une ville où la NVA est dans l’opposition, il nous a livré son mode de vie éco­res­pon­sable. Si au début il s’agissait d’un posi­tion­ne­ment éco­lo­gique, désor­mais il est deve­nu social et politique.

Qui êtes-vous et pourquoi a‑t-on parlé de vous ?

En réa­li­té, tout a com­men­cé en 2008, j’ai alors déci­dé de ten­ter une expé­rience, celle d’essayer de vivre de manière durable en rédui­sant au maxi­mum mon empreinte éco­lo­gique. À l’époque, j’étais loca­taire je vivais dans une mai­son vétuste, mal iso­lée. J’ai com­men­cé à pro­duire mon élec­tri­ci­té en péda­lant, à récu­pé­rer l’eau de pluie, à avoir des toi­lettes sèches, j’allais au maga­sin sans sac plas­tique, je les­si­vais à basse tem­pé­ra­ture… La chaine de télé­vi­sion fla­mande Can­vas s’est rapi­de­ment inté­res­sée à ma façon d’envisager mon quo­ti­dien et a réa­li­sé un docu­men­taire sur mon pro­jet. J’ai été sur­pris de l’emballement que cela a sus­ci­té. On me sol­li­ci­tait pour des débats, des confé­rences, dans les écoles… Or, en réa­li­té, j’essayais sim­ple­ment de vivre autre­ment que dans du tout à la consom­ma­tion, à l’obsolescence pro­gram­mée et à la faci­li­té. Nous avions une petite cour dans laquelle j’ai fabri­qué un pota­ger. Ques­tion mobi­li­té, on se dépla­çait à pied, à vélo ou en trans­ports publics. J’ai tes­té ces gestes pen­dant un an, c’était très impor­tant de pas­ser par les quatre sai­sons. Et la conclu­sion fut un peu sur­pre­nante : j’avais effec­ti­ve­ment réus­si à réduire dras­ti­que­ment mon empreinte écologique.

Quel travail exerciez-vous ?

À l’époque, en 2008, je tra­vaillais dans une ONG envi­ron­ne­men­tale. J’étais dès lors bien conscient de ce mode de vie, de plus j’étais très curieux de nature. On nous invite à dimi­nuer notre impact par 10 ou en pro­dui­sant 90% de CO2 en moins, mais est-ce réel­le­ment pos­sible ? De là est née mon expé­rience, j’ai alors déci­dé de ne pas retour­ner au tra­vail. Et depuis, je vis de ce que je décide de faire, indé­pen­dam­ment de toute struc­ture. C’est par­fois un peu insé­cu­ri­sant, mais je suis beau­coup plus heu­reux comme ça.

Quelle a été la réaction de votre famille ?

J’ai deux enfants âgés de 17 et 20 ans. Au début, ils crai­gnaient de res­treindre leur qua­li­té de vie, mais ensuite ils ont faci­le­ment adhé­ré. Par exemple, ils por­taient des vête­ments de seconde main. Per­son­nel­le­ment, je suis végé­ta­rien, quand ils man­geaient à la mai­son, ils man­geaient comme moi. Mais rien ne les empê­chait de man­ger de la viande en dehors ou chez des amis. On ne pre­nait pas l’avion, l’impact éco­lo­gique était bien trop grand. Nos vacances se fai­saient en train, en bateau, à vélo. On allait beau­coup moins loin, mais cela ne nous empê­chait pas de bouger.

Vous ne cultivez pas, vous n’avez pas de potager quelque part ?

Non, il existe tel­le­ment de liens directs avec les pro­duc­teurs et les consom­ma­teurs. Il y a une effer­ves­cence pour toutes sortes d’initiatives alter­na­tives et pro­gres­sistes. Aujourd’hui, il est de plus en plus facile de choi­sir un style de vie autre.

Aujourd’hui, vous occupez un immeuble alternatif et collectif ?

Il s’agit d’une coha­bi­ta­tion de 8 familles dont quelques-unes recom­po­sées. Ce pro­jet éco­lo­gique et social de groupe s’est for­mé voi­ci trois ans. L’idée c’était de mini­ma­li­ser ce que l’on a de pri­vé et de maxi­ma­li­ser ce que l’on peut faire ensemble, ce qu’on peut par­ta­ger col­lec­ti­ve­ment. J’ai 60 m2, deux chambres, une petite salle de bain dans mon loge­ment indi­vi­duel. Au rez-de-chaus­sée nous avons des cui­sines com­munes, un grand salon, une grande salle à man­ger, le jar­din com­mun, les machines à laver que l’on par­tage. Dans le bâti­ment, nous avons opté pour des choix éco­lo­giques. Nous avons fait de la récu­pé­ra­tion de pierres et les murs en argile. Nous avons conçu nous-mêmes notre cui­sine. Elle est com­po­sée d’objets de récup, de fabri­ca­tion arti­sa­nale ou faits mai­son. Nous avons récu­pé­ré des maté­riaux. J’ai un peu plus de confort et moins de perte éco­lo­gique que lorsque j’étais loca­taire. Parce que nous avons réflé­chi ensemble et autre­ment. L’aspect social a beau­coup d’importance pour nous.

Est-ce que la localisation de votre logement permet d’être plus écologique ? Ou est-ce que cela relève d’une simple opportunité ?

Nous avons vrai­ment choi­si un endroit dans le centre-ville, c’était notre volon­té pre­mière. Un pro­jet tel que celui-ci situé dans un rayon de 5 à 10 kilo­mètres, n’était pas envi­sa­geable car il ya d’autres besoins en terme de mobilité.

Est-ce que le coût du logement est accessible à des gens avec peu de revenus ?

Même si on essaie de construire des uni­tés com­pactes, le prix de construc­tion pour ce type d’habitation reste très éle­vé. En fait, les agences immo­bi­lières ne sont pas vrai­ment inté­res­sées pour sou­te­nir des pro­jets comme celui-ci. L’ensemble du groupe aurait sou­hai­té construire deux loge­ments sup­plé­men­taires en vue de les louer, mais finan­ciè­re­ment ce n’était pas tenable. Pour le reste, je pense que choi­sir l’énergie verte est abor­dable. Par contre, l’achat et le pla­ce­ment de pan­neaux solaires, le choix d’une voi­ture élec­trique ou les maté­riaux bio res­tent très chers.

Ces mesures sont finalement très classiques, y a‑t-il d’autres choix ?

Le choix de pou­voir renon­cer au tout à la consom­ma­tion exces­sive. J’ai voya­gé sur un bateau avec des conte­neurs plu­tôt qu’un bateau de tou­risme. Je suis à la banque Trio­dos et tout récem­ment je suis pas­sé chez New B qui a lan­cé une carte avec ban­con­tact. Mon GSM est un fair­phone. Aujourd’hui, il ne faut pas seule­ment être un simple consom­ma­teur, il faut être un citoyen res­pon­sable. Et pas seul, avec d’autres per­sonnes. Le vivre ensemble est essen­tiel. Ain­si dans mon quar­tier je vais vers les gens pour dis­cu­ter, les sen­si­bi­li­ser à des actions toutes simples, faire des choses ensemble. Plan­ter des arbres dans la rue par exemple. À Gand, nous avons une majo­ri­té Sp.a, Groen, Vld. C’est plu­tôt une excep­tion en Flandre. La N‑Va est dans l’opposition. Gand est aus­si un peu l’image de la ville pro­gres­siste. C’est très chouette de voir qu’il existe des tas d’initiatives sur le plan local.

Êtes-vous plus heureux aujourd’hui et pourquoi ?

Oui je suis plus heu­reux dans le sens où je me sens plus libre qu’avant, car fina­le­ment je me suis ren­du compte que je n’avais pas besoin de beau­coup de choses pour vivre. Je me contente du néces­saire. C’est une sorte de légè­re­té, de libération.

Deuxiè­me­ment je suis aus­si très satis­fait car j’arrive à gagner ma vie tout en gar­dant cette façon de vivre. Bien sûr cette sécu­ri­té finan­cière est plus fra­gile que lorsqu’on a un tra­vail fixe. Mais d’un autre côté j’ai la liber­té de choi­sir, d’accepter ce qui m’intéresse et lais­ser de côté ce qui ne m’intéresse pas, sans la moindre contrainte.

Je découvre au fur et à mesure des groupes de per­sonnes qui même s’ils res­tent mino­ri­taires tra­vaillent et s’intéressent à des micro­pro­jets alter­na­tifs. Je les pré­fère net­te­ment aux poli­ti­ciens qui tiennent leur dis­cours habi­tuel, mais qui n’ont en réa­li­té pas ou peu de solu­tions. Au début, mon pro­jet par­tais plu­tôt d’un posi­tion­ne­ment envi­ron­ne­men­tal, main­te­nant il est plus poli­tique au niveau social et engagé.

J’ai l’impression d’avoir trou­vé une sorte d’équilibre. Je n’ai pas de rêve maté­riel par­ti­cu­lier. Pour le reste j’ai rete­nu qu’il n’était pas néces­saire d’avoir un but fixe à long terme. Mais d’apprécier ce qui vient sur ma route plutôt.

Récem­ment, on m’a sol­li­ci­té pour suivre et don­ner un avis sur un autre pro­jet de coha­bi­ta­tion dans un petit vil­lage juste à côté de Gand. C’est embal­lant ! Une autre demande m’a été for­mu­lée par une asso­cia­tion, celle de pré­pa­rer pour le mois de sep­tembre une confé­rence sur l’agriculture éco­lo­gique, notam­ment sur le pro­blème lié aux pes­ti­cides. Ce sont de petits bou­lots ci et là qui me donnent un petit revenu.

Vous avez écrit deux livres ?

Mon pre­mier livre était vrai­ment axé sur mon expé­rience en tant que « Low Impact Man », mon deuxième livre paru l’année pas­sée, est beau­coup plus tour­né sur l’activisme, sur l’engagement. Je suis convain­cu que même si pas mal de per­sonnes adhèrent aux gestes simples pour pré­ser­ver la pla­nète, ce n’est pas suf­fi­sant. Il faut qu’ils soient accom­pa­gnés d’un chan­ge­ment struc­tu­rel ou sys­té­mique. Il faut revoir la poli­tique en géné­ral. Par le biais de mon man­dat de conseiller com­mu­nal, J’essaie aus­si d’être le plus sou­vent le lien entre les groupes locaux et la commune.

Que vous inspire notre mode de consommation planétaire actuelle ?

Nous sommes déjà allés trop loin dans la manière de trai­ter la pla­nète, le cli­mat, l’eau, la bio­di­ver­si­té, les causes sociales, les conflits, la pau­vre­té, la richesse, etc. Je pense que nous nous diri­geons droit vers des chocs mon­diaux spec­ta­cu­laires. Notre sys­tème finan­cier par exemple. Le sys­tème de nour­ri­ture bien trop dépen­dant de l’énergie fos­sile, le sys­tème éner­gé­tique, d’électricité com­portent bien trop de risques. Nous sommes à l’aune de grands chan­ge­ments, de bas­cu­le­ments. Les gens prennent peur. Leur réac­tion est de se concen­trer davan­tage sur ce que l’on connaît. Pen­ser que crois­sance et consom­ma­tion sont la solu­tion, ils ne sont pas encore prêts à perdre leurs habi­tudes. A contra­rio, aujourd’hui il y a des citoyens qui se pré­parent à envi­sa­ger leur mode de vie autre­ment. Ils revoient leur mode de dépla­ce­ment, de nour­ri­ture, leur façon de se loger, ça bouge quand même bien en Europe. Au moment des pre­miers chocs, les petites ini­tia­tives per­son­nelles et locales pren­dront de l’importance aux yeux des indé­cis. Vous verrez !

Le blog de Steven Vromman (en néerlandais) : www.lowimpactman.be

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