Wim Vandekeybus

Chorégraphe et danseur intuitifs

Photo : Danny Willems
Photo : Danny Willems

Cho­ré­graphe et dan­seur fla­mand natif de Lierre, Wim Van­de­key­bus a débu­té en 1987 dans les spec­tacles de Jan Fabre et Thier­ry De Mey. Il a ensuite sui­vi son propre che­min dans le monde de la danse, du théâtre et du ciné­ma. Aujourd’hui, à 47 ans, il a créé plus de 28 pro­duc­tions qu’il a jouées sur la scène inter­na­tio­nale. Wim Van­de­key­bus tra­vaille l’esprit et le corps. Il oscille dans un uni­vers vis­cé­ral, ins­tinc­tif et irra­tion­nel. Il est d’une sau­va­ge­rie phy­sique éton­nante, indomp­table. Ren­contre avec l’artiste.

Votre biographie mentionne que vous avez entamé des études de psychologie. La psychologie, le corps et l’esprit sont-ils le fil conducteur de vos spectacles ?

Je ne pense pas vrai­ment, j’ai fait deux ans de can­di­da­ture en psy­cho­lo­gie, puis j’ai déci­dé d’arrêter, car je n’aimais plus et n’assumait plus ce choix. Quelque part, dans mes spec­tacles, je dirais que je fais un peu de psy­cho­lo­gie sociale en ce sens que j’agis sur le men­tal du dan­seur de manière intui­tive, je lui laisse ensuite sa propre créa­tion, sa propre évo­lu­tion sur scène. Je ne suis pas quelqu’un de théo­rique, pas un intel­lec­tuel. Je vis de mon intui­tion et la fait par­ta­ger auprès des dan­seurs. Je ne suis pas dirigiste.

Vous avez créé votre compagnie de danse contemporaine « Ultima Vez », avez-vous pensé à fonder votre propre école de danse à l’instar d’Anne Teresa De Keersmaecker par exemple ?

J’ai effec­ti­ve­ment fon­dé en 1986, la com­pa­gnie de danse « Ulti­ma Vez », mais ça s’arrête là. Non, je n’ai jamais son­gé à créer une école de danse, sim­ple­ment parce que je n’en vois pas l’utilité. Mes dan­seurs ont tou­jours sui­vi beau­coup de cours de danse, ils viennent d’un peu tous les coins du monde. Je dirais que ma com­pa­gnie de danse contem­po­raine s’appuie sur des échanges et des tech­niques. Il s’agit-là véri­ta­ble­ment d’une école du voyage, nomade, on goûte aux plai­sirs d’échanger les tech­niques. Je par­ti­cipe à 4 ou 5 work­shops par­tout dans le monde, c’est là que je découvre tou­jours intui­ti­ve­ment mes dan­seurs. Je les forme par la suite, le tra­vail s’effectue d’un com­mun accord.

Vous êtes chorégraphe, danseur, cinéaste et même photographe, ces multiples disciplines se retrouvent-elles dans vos spectacles ?

Le mélange des dis­ci­plines est une tech­nique que j’apprécie. Ce que j’aime c’est tra­vailler la per­for­mance, je suis très phy­sique, spon­ta­né. L’être humain est fait pour être un per­for­mer. J’essaie de bien mener la tech­nique pour faire appa­raître une cer­taine qua­li­té de danse. Comme je dis tou­jours : on ne mange pas la four­chette, on mange ce que la four­chette prend ! Je construis au fur et à mesure mon spec­tacle avec les dan­seurs, j’endosse sim­ple­ment le rôle de guide. Le public doit com­prendre pour­quoi on bouge et de quelle manière. C’est là mon sou­ci pre­mier. Un bon créa­teur pour moi doit tuer le père !

Du premier spectacle « What the body does not remember » en 1987 à Oedipus/bêt noir en 2011, comment la danse a évolué dans votre tête et dans les gestes ?

Sur scène, je veux avant tout construire un uni­vers théâ­tral, que le théâtre et la danse se fondent l’un dans l’autre. Oedipus/bêt noir relève de la mytho­lo­gie. Dans ce spec­tacle, je joue le rôle d’Œdipe, l’antihéros tra­gique qui, à son insu, tue son père et épouse sa mère. L’interprétation est tota­le­ment libre, seize acteurs, dan­seurs et musi­ciens donnent le mou­ve­ment autour de moi. Je n’aime pas trop mon­trer qu’ils sont des dan­seurs dans un spec­tacle de théâtre. Je pré­fère des dan­seurs qui peuvent se révé­ler des acteurs. Dans Oedipus/bêt noir je mets en scène aus­si bien 5 à 6 enfants, dont mon fils de 10 ans, que des per­sonnes de 65 ans et 80 ans, l’âge s’adapte. La musique tient un rôle impor­tant dans ce spec­tacle, les hur­le­ments des gui­tares des trois musi­ciens, les ton­nerres de leurs per­cus­sions glacent et touchent le spec­ta­teur au plus pro­fond de son être. Ce spec­tacle a été joué jusqu’à pré­sent à Amster­dam et à Vienne. Depuis le 15 sep­tembre, il est à l’affiche du KVS à Bruxelles, ensuite s’en sui­vront des repré­sen­ta­tions à Gand, Ostende, Bruges, Anvers, Has­selt et Turnhout.

Quelles sont les principales qualités que vous recherchez chez vos danseurs ?

Chaque dan­seur est unique, il doit être éclec­tique je recherche sur­tout la qua­li­té du mou­ve­ment, une pré­sence, une cer­taine fra­gi­li­té, une com­plé­men­ta­ri­té au groupe for­mé, un défaut peur s’avérer une véri­table qua­li­té. Pour mes spec­tacles, j’auditionne envi­ron 700 per­sonnes. Je recon­nais très vite les per­sonnes qui apportent ce petit plus dont j’ai besoin. Il n’y a pas un pro­fil spé­ci­fique, encore une fois je pri­vi­lé­gie l’intuition avant tout !

Si vous utilisez le corps et l’esprit pour la danse, quel regard utilisez-vous pour le 7e Art ? Notamment pour le film « Monkey Sandwich » ?

Mon­key Sand­wich est une fic­tion, un long métrage qui entraîne mes col­la­bo­ra­teurs (et les spec­ta­teurs, bien sûr) dans la folie sen­sible et inno­vante, un de mes dons incon­tes­tés ! C’est un regard posé sur des mythes urbains. Ce long métrage fait fusion­ner ciné­ma et art vivant de la scène. Il a été sélec­tion­né lors de la clô­ture de la Bien­nale de Venise, sec­tion film.

Parlez-nous de l’anti-spectacle « Radical Wrong », votre expérience de chorégraphe/cinéaste avec des jeunes talents à qui vous avez donné carte blanche ?

Il s’agit d’un spec­tacle des­ti­né aux jeunes de 12 à 18 ans. C’est une suc­ces­sion de sketches où le spec­tacle tue le met­teur en scène, celui- ci s’efface pro­gres­si­ve­ment. Il dure 1h30 et met en exergue tous les cli­chés que l’on attri­bue aux jeunes. Il explique com­ment ceux-ci cherchent et sont en quête de leur iden­ti­té. Le talent des per­for­mers étonne, on passe du théâtre dan­sé éner­gique au théâtre tout court, très narratif.

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