Vida Dena, née à Téhéran pendant la guerre Iran-Irak, est dessinatrice et documentariste. Elle vit et travaille à Bruxelles depuis 2011 et construit sur papier des univers peuplés de personnages et situations ambigus. Dans cette série intitulée Cache-cache, elle interroge notre rapport à la guerre et à ses images. À partir de photos du conflit syrien qu’elle redessine et maquille d’éléments symbolistes, elle file la métaphore du jeu d’enfants. Mais un jeu pervers et malaisant, comme pour nous rappeler que la guerre est une situation où l’on ne comprend plus grand-chose, où les rôles de chacun sont confus, où la vérité est enfouie sous des couches de déguisements et l’innocence jamais acquise. Jusqu’à nous faire sentir qu’un étrange rituel politique se déroule aux dépens de la plupart d’entre nous. Un travail poétique, fonctionnant par énigmes, sur les clichés de guerre et les ambivalences qui les accompagnent. Où ces enfants souriants aux masques colorés et semblant ignorer la peur pourraient bien s’avérer être des criminels de guerre, et ces animaux bonhommes, des politiciens tirant les ficelles de ces conflits.
« Un des enfants se cache la face, les visages des adultes sont hostiles, mais à l’égard de qui ? Une foule de journalistes est-elle en train de s’approcher pour capturer ce moment de détresse ? Et qui sont-ils ? Des parents en fuite ? Des kidnappeurs ? »
« Ces trois ours, dans un étrange rituel, semblent chuchoter quelque chose à ce père qui vient de perdre son fils. Ils représentent les trois puissances qui jouent un grand rôle dans la politique syrienne : les États-Unis, la Russie et l’Europe. En arrière-plan, les deux coqs, symbolisent des pays plus petits mais qui s’agitent fort : Israël et l’Iran. »
« La guerre est un jeu de politiciens, les enfants le savent bien ! Quelqu’un - hors champ - manipule les marionnettes d’un avion de guerre et d’un Pinocchio-politicien, bien connu pour ses mensonges surtout en temps de guerre. C’est aussi un souvenir de mes séjours dans les caves de Téhéran pendant les bombardements. On y retrouvait les enfants des voisins et on jouait comme jamais avec les adultes qui voulaient nous distraire. Car malgré le danger, il y a aussi des moments très heureux dans les guerres »
« Un camp de réfugiés ou un camp militaire ? Un jeu entre enfants ou un combat ? C’est la guerre ou c’est nous qui en projetons l’idée sur ce dessin ? »
« Des personnages courent (ou fuient ?) confusément dans différentes directions. On dirait que quelque chose d’horrible arrive. Mais ils peuvent tout aussi bien n’être qu’en train de jouer. »
« Il se passe quelque chose à l’arrière-plan, mais quoi ? Les enfants sont-ils utilisés comme prétexte pour autre chose ? Est-ce qu’ils complotent ? »
« J’ai rajouté un masque de Spiderman à un Syrien qui ne pouvait pas sauver son enfant, comme si ces adultes étaient des héros fatigués rendus impuissants par la guerre. En arrière-plan, une femme entourée par des loups, masque de souris sur le nez et marionnette de loup à la main. En temps de guerre, on a du mal à déterminer qui est victime, qui est bourreau… »