Reflets

Tout doit disparaitre — Clara Thomine

Artiste bruxel­loise ori­gi­naire de Nan­cy, Cla­ra Tho­mine explore dans ses vidéos et ses ins­tal­la­tions le thème de la fin du monde, celle qui est en train d’arriver. À moins qu’elle ne soit déjà arri­vée. Fausse ingé­nue, elle nous confronte gen­ti­ment aux ten­sions et contra­dic­tions de notre temps, qu’elle ne fait fina­le­ment que sou­li­gner en les cari­ca­tu­rant. Elle reprend pour ce faire les codes des influen­ceurs des réseaux sociaux, qui se filment en sel­fie et com­mentent ce qu’ils voient et font. Elle pointe du doigt ce qui nous conduit droit dans le mur, notre consom­ma­tion du monde et notre nar­cis­sisme, celui de chaque indi­vi­du, mais celui aus­si d’une espèce qui se perd dans l’ultramodernité capi­ta­liste. Un voyage autour de la légè­re­té avec laquelle nous pre­nons la catas­trophe cli­ma­tique à venir.

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Le ski

« J’improvise énormément, c’est en filmant que les choses adviennent. Ici, dans cette station de ski artificielle en plein désert à Dubaï climatisée à – 2°, la situation était déjà tellement absurde que je n’arrivais pas à la décaler encore plus. Jusqu’à ce que, dans cette sorte d’énorme frigo, j’aille dans l’imitation de chalet d’altitude. Et dans ce chalet chauffé à 25°, il y avait des sodas à vendre dans des frigos… Je me suis rendu compte qu’on était en fait déjà dans l’après-fin du monde ! J’ai donc imaginé que ce lieu, qui participe aujourd’hui activement au désastre, était un abri pour distraire les survivants. »

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La vraie nature

« J’ai continué à tourner plusieurs vidéos en prétendant qu’on était après la fin du monde. Ici, lors de cette visite des serres royales de Laeken, tout le monde semblait jouer parfaitement le rôle d’être humain qui n’avait jamais vu de plantes ou de fleurs de sa vie... A s’extasier et à les photographier frénétiquement. C’était très facile de suggérer qu’il s’agissait de retrouvailles avec la nature de survivant·es 10 ans après la fin du monde. »

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Le changement climatique

« Dans cette vidéo, je ne fais que décrire naïvement ce que je vois autour de moi : cette année, il n’a neigé que sur les pistes ! Ce qui est bien pratique pour pique-niquer dans l’herbe pendant sa journée de ski… Comme si on avait maitrisé la météo au point qu’il n’ait neigé que sur les pistes et pas sur le reste des montagnes. »

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Tout doit disparaitre

« Cette installation performance consiste en un magasin qui brade des preuves de notre disparition future. On peut y acheter « la fin du monde » sous forme d’objets un peu étranges et difformes que j’ai réalisés en plâtre. Ils parlent de la disparition de l’humanité en cours, comme des fragments de banquise ou une pyramide de gobelets. Autant de fossiles retrouvés après la fin du monde et que je propose à la vente afin que les humains d’aujourd’hui puissent consommer des vestiges de leur propre passage sur Terre. Car après la fin du monde ce ne sera plus possible ! »

(Cette photo est de Ithier Held)

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La fin du monde, j’y vais !

« J’y ai fait des films, j’en ai ramené des objets… pourquoi je ne proposerais pas à présent aux gens d’y aller ? Cette sorte d’agence de voyage permet donc au public de partir directement après la fin du monde. Comme ça ils pourront à leur tour ramener des images de la catastrophe et faire de beaux selfies. On peut d’ores et déjà tester son instagramabilité devant un fond d’incendie de forêt ! »

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Pleure(nt) les glaciers

« Une partie de ce parc bruxellois (George-Henri) est un ancien cimetière, les pierres tombales y servent d’allées. J’ai voulu faire un lieu de commémoration du vivant disparu. J’ai choisi de graver sur ces tombes les noms de quelques-uns des milliers de glaciers qui « meurent » chaque année. Ça crée une expérience sensible et un récit qui confrontent en douceur les gens à ces disparitions. Et sans doute de manières plus marquantes que s’ils lisaient un rapport du GIEC. Ça fait quelque chose dans le corps d’être face à une tombe. Ce qui peut produire peut-être d’autres types de prises de conscience, plus intimes. »

Site de l'artiste : clarathomine.com