
« La guerre aux portes de l’Europe », « nous sommes en guerre », « réarmement national » ; voilà des aphorismes répétés, amplifiés et brandis partout dans les médias venant se greffer à nos inconscients collectifs. S’ensuit un pseudo-plébiscite de la part du peuple occidental à un discours guerrier anti-Russie et par là au soutien indéfectible à la participation de l’effort de guerre ukrainien au nom de la défense des droits humains et des valeurs européennes. Pour autant, face à l’ethnocide palestinien retransmis en temps réel par un État colon se revendiquant de la modernité, l’Occident ferme les yeux quand il n’y participe pas directement. Comment comprendre cette asymétrie de valeurs ambivalentes pourtant admises par toustes ? La philosophe belge Déborah V. Brosteaux nous invite dans Les Désirs guerriers de la modernité à analyser les désirs activés par le discours guerrier au service de la modernité occidentale. Comment la mise à distance de la guerre au lendemain de 1945, associée à l’effacement des ruines par la reconstruction et la formation de l’Europe, s’appuient sur les promesses d’un capitalisme progressiste, lui-même lié à l’extractivisme et la guerre menée dans les pays du Sud au nom de la paix ? Cet essai est un voyage philosophico-littéraire à travers la pensée de Simone Weil, Klaus Theweleit, Grégoire Chamayou (et sa théorie du drone) en passant par le Faust de Goethe et les récits de guerre élogieux de Ernst Jünger. Livre essentiel pour s’écarter du discours dominant et du catastrophisme consensuelle qui nourrit la peur de l’étranger, Les Désirs guerriers de la modernité nous invite à renouer avec nos affects pour mieux s’en emparer face aux crimes menés en leur nom.
Frédéric PersonatLes Désirs guerriers de la modernité
Déborah V. Brosteaux
Seuil, 2025.