
En 1953, le situationniste Guy Debord écrivait sur les murs « Ne travaillez jamais », slogan repris plus tard dans les mouvements sociaux de mai 68. À travers cette injonction, c’est au travail salarié que la gauche s’attaquait : le salariat lieu par excellence de la domination capitaliste, né avec l’industrialisation et l’extension de la classe ouvrière enfermée dans des liens de subordination. Le 21e siècle lui est celui de la flexibilisation des emplois. Semble venu le temps de l’indépendance, de l’auto-emploi qui n’est jamais loin de l’auto-exploitation, de la précarité, et qui ne marquent peut-être qu’un simple retour à l’asservissement du travail à la tâche, en témoigne un épuisement généralisé des travailleur·ses toujours plus dépossédé·es des fins et des moyens de la production ou de la reproduction sociale. La revue Salariat dont est sortie le premier numéro au printemps réunit des chercheur·ses qui s’attachent à penser l’évolution des formes du travail et du statut des travailleur·ses nous rappelant dans une très bonne introduction recontextualisante de Nicolas Castel, Mathieu Grégoire, Jean-Pascal Higelé et Maud Simonet, que si le salariat est consubstantiel au capitalisme, il est aussi ce qui a permis sa subversion par la création de mécanismes de solidarités, de conventions collectives, etc. contrevenant parfaitement à ses logiques. Ainsi, la revue vise à offrir un espace pour penser, repenser les institutions du travail, les législations, et déconstruire les pièges des discours et dispositifs néolibéraux tout en élaborant des perspectives concrètes pour une amélioration des conditions de vie des travailleur·ses et leur capacité de choix. En bref, elle se demande avec l’économiste communiste Bernard Friot dans sa contribution : « Comment faire du salaire une institution révolutionnaire ? »
Valentine BonomoSalariat - Revue de Sciences sociales
N°1
Le Croquant, juin 2022.